Israël tue 100 Palestiniens en pleine Journée de la Nakba

Israël a intensifié ses attaques contre les Palestiniens à Gaza, massacrant chaque jour des dizaines des personnes dans les tentes où elles s’abritent, dans des écoles transformées pour héberger des familles déplacées, dans des immeubles résidentiels et à l’intérieur de deux hôpitaux.

 

Dansla ville de Gaza, l'armée israélienne a émis des ordres de déplacement forcé alors que les lourdes frappes aériennes ne cessent pas.

Dans la ville de Gaza, l’armée israélienne a émis des ordres de déplacement forcé alors que les lourdes frappes aériennes ne cessent pas. (Photo : Omar Ashtawy / APA Images)

 

Nora Barrows-Friedman, 16 mai 2025

 

Le texte qui suit est un condensé des informations communiquées lors du livestream du 15 mai. Vous pouvez voir l’émission au complet ici.

Le Premier ministre israélien et fugitif recherché pour crimes de guerre, Benjamin Netanyahou, a déclaré que même si les soldats israéliens capturés étaient relâchés selon les termes d’un cessez-le-feu, il avait toujours l’intention d’intensifier ses attaques et de « détruire le Hamas ».

Il a déclaré :

« Nous allons les reprendre »,

en parlant des captifs israéliens,

« et, ensuite, nous continuerons. En aucune façon, nous n’arrêterons la guerre. »

Netanyahou s’est vanté devant les députés du Comité des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset de ce que l’armée israélienne

« détruisait de plus en plus de maisons à Gaza et les Palestiniens n’avaient plus le moindre endroit où retourner ».

« Le seul choix possible qui restera aux Gazaouis sera d’émigrer hors de la bande »,

a poursuivi Netanyahou.

« Mais notre principal problème est de trouver des pays qui les accepteront. »

Depuis qu’Israël a rompu le cessez-le-feu le 18 mars, le ministère palestinien de la santé à Gaza déclare que plus de 2 800 Palestiniens ont été tués et près de 8 000 blessés. Le ministère ajoute qu’à la date du 15 mai, environ 53 000 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023 et que des milliers d’autres ont été portés manquants et sont sans doute restés sous les décombres.

Le 15 mai, plus de 100 personnes ont été tuées lors de frappes aériennes contre des maisons et des tentes-abris à Jabaliya, Khan Younis et d’autres zones de Gaza.

Le 14 mai, l’armée israélienne a émis des ordres de déplacement forcé pour les Palestiniens de Gaza même, en même temps qu’un autre ordre d’évacuer l’hôpital Al-Shifa.

 

14 mai 2025. Carte postée par l’armée israélienne avec les ordres de déplacement pour plusieurs zones de la ville de Gaza. (Source: X)

14 mai 2025. Carte postée par l’armée israélienne avec les ordres de déplacement pour plusieurs zones de la ville de Gaza. (Source: X)

 

Le porte-parole de l’armée a expliqué qu’Israël prévoyait d’attaquer « avec une grande vigueur ».

L’armée israélienne a tué plus de 80 Palestiniens depuis l’aube de mercredi, y compris environ 50 personnes tuées à Jabaliya, dans le nord de Gaza.

Le journaliste d’Al Jazeera, Tareq Abu Azzoum, a déclaré que des frappes aériennes avaient ciblé cinq immeubles résidentiels surpeuplés de civils à Jabaliya et dans son camp de réfugiés.

« Les équipes de la défense civile ont rapporté que la scène de l’attaque avait été horrible. Des récits sur le vif disent que l’armée israélienne y est allée de frappes consécutives sans avertissement préalable et que de nombreuses victimes restent sous les décombres. Nous continuons de recevoir des témoignages disant que la morgue de l’hôpital indonésien est saturée de corps »,

a ajouté Abu Azzoum.

Mohammad Awad, un médecin urgentiste de l’hôpital indonésien, a expliqué à l’agence d’information française AFP que la pénurie de fourniture signifiait que son département ne pourrait pas s’occuper correctement de cette marée de blessés.

« Il n’y a pas assez de lits, pas de médicaments et aucune possibilité de traitement chirurgical ou médical, ce qui laisse les médecins dans l’impossibilité de sauver de nombreux blessés, qui mourront ainsi faute de soins »,

a-t-il dit.

Durant toute cette semaine, Jabaliya a subi des bombardements intenses. Le vendredi 9 mai, un centre de distribution d’aide de l’ONU qui hébergeait également des personnes déplacées avait été attaqué. Quatre Palestiniens au moins avaient perdu la vie.

Le 11 mai, Israël a bombardé l’école Fatima Bani Assad qui hébergeait des familles déplacées. Au moins 15 personnes ont été tuées.

Le journaliste Mahmoud Abusalama a décrit la scène, disant que l’armée israélienne avait bombardé l’école, détruisant complètement le site.

« Les personnes déplacées dormaient, s’accrochant à l’espoir d’un accord de cessez-le-feu, mais les frappes de l’aviation israélienne les ont ciblées sans avertissement préalable. »

Le 10 mai, des canonnières israéliennes ont tiré sur des pêcheurs de Gaza, blessant ainsi des Palestiniens qui tentaient de trouver en mer l’une ou l’autre source de nourriture pour leurs familles.

 

Le 10 mai, des canonnières israéliennes ont tiré sur des pêcheurs de Gaza

 

Deux hôpitaux de Khan Younis ont été bombardés

Mardi 13 mai, Israël a bombardé deux hôpitaux à Khan Younis, dans le sud – l’hôpital européen de Gaza et le Complexe médical Nasser.

Israël a utilisé des bombes anti-bunker et a procédé par frappes successives contre l’hôpital européen de Gaza, tuant au moins 28 Palestiniens et en blessant des dizaines d’autres en plusieurs frappes. Les médias israéliens ont prétendu, sans la moindre preuve, qu’il y avait des tunnels sous l’hôpital et que Muhammad Sinwar, le commandant militaire des Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, était la cible de l’attaque.

Une prise de vue de CCTV obtenue par Al Jazeera montre le moment où Israël a bombardé la cour de l’hôpital.

Le journaliste Moaz Abu Taha s’est entretenu avec des membres du personnel de l’hôpital et avec des travailleurs médicaux qui lui ont montré des éclats de bombes massifs qui avaient ravagé tout le site et, entre autres, les zones des urgences. Une grande partie des bâtiments ont été endommagés.

Les attaques contre l’hôpital européen de Gaza se sont poursuivies le mercredi 14 mai. Six frappes aériennes consécutives ont touché des zones autour du site, ciblant entre autres un bulldozer qui était occupé à dégager des décombres et à rechercher des corps restés sous les décombres après les frappes de mardi.

Un médecin de l’hôpital européen de Gaza, Adnan Issa, a enregistré ce message vocal pour le coordinateur logistique Afeef Nessouli qui travaille avec l’organisation médicale Gila à Gaza. Issa a déclaré qu’il y avait des bombardements en continu.

Jeudi 15 mai, l’hôpital européen de Gaza a été forcé de fermer pour de bon. Le ministère palestinien de la Santé à Gaza dit que les attaques israéliennes ont causé d’importants dégâts aux infrastructures, y compris aux égouts. Les départements internes ont également été touchés et les routes menant à l’hôpital ont été détruites.

Le Complexe médical Nasser, situé lui aussi à Khan Younis, a été bombardé peu avant l’aube du mardi 13 mai. Deux Palestiniens ont été tués.

Dix-huit lits d’hôpital du département chirurgie, huit lits de l’unité des soins intensifs et dix lits d’hospitalisation ont été détruits, selon des sources médicales.

En fait, l’attaque n’était autre que l’assassinat ciblé du journaliste Hassan Eslayeh, contributeur des médias locaux et très estimé à Gaza. (…)

 

Hassan Eslayeh

Hassan Eslayeh

 

[Note de Charleroi pour la Palestine : L’article de Tareq S. Hajjaj sur l’assassinat de Hassan Eslayeh, intitulé « Au revoir, Hassan. Tu savais qu’ils allaient te tuer… » et publié par Mondoweiss, a été repris sur notre site le 15 mai 2025.]

Le bureau gouvernemental des médias de Gaza fait savoir que Hassan Eslayeh, assassiné sur son lit d’hôpital au Complexe médical Nasser, était le 215e journaliste et travailleur des médias tué depuis octobre 2023.

Des condoléances et des condamnations de l’assassinat d’Eslayeh ont afflué de tout Gaza et du monde entier.

Mercredi, à Khan Younis, parmi les décombres, il y a eu un cortège funéraire massif pour saluer la dépouille de Hassan Eslayeh.

 

 

Samedi dernier, à al-Mawasi, les forces israéliennes ont abattu et tué un garçon de 12 ans, Muhammad al-Bardawil. En compagnie de son père Saïd, le garçon avait été témoin du massacre des paramédicaux et des secouristes à Rahah, le 23 mars.

 

Muhammad al-Bardawil

Muhammad al-Bardawil et son père

 

Ce jour-là, l’armée israélienne avait tendu une embuscade à un convoi d’ambulances, exécuté les paramédicaux et jeté leurs corps dans une fosse commune. Ils avaient également brûlé les ambulances dans le sable.

Le gamin et son père étaient en route pour aller pêcher quand ils avaient été arrêtés par des soldats israéliens juste avant l’attaque et, par la suite, ils avaient été enlevés.

Ils avaient été interviewés par le New York Times lors de son enquête sur le massacre.

Une deuxième série de témoignages était prévue, pour Muhammad al-Bardawil, afin qu’il assiste une commission internationale sur les crimes de guerre par des témoignages et des preuves qui auraient été soumises au bureau des Nations unies et à l’équipe juridique sud-africaine à la Cour internationale de Justice (CIJ).

Mais il a été liquidé avant d’avoir été à même de fournir un nouveau témoignage.

 

Troisième mois d’affamement

Plus de 70 jours se sont écoulés depuis qu’Israël a fermé tous les passages vers Gaza,provoquant un affamement massif et une catastrophe médicale orchestrée pour les deux millions de Palestiniens de Gaza.

Le 11 mai, le ministère palestinien de la Santé à Gaza a déclaré qu’on assistait pour l’instant à une accélération dangereuse de la sévère pénurie des fournitures pharmaceutiques et que 43 pour 100 des médicaments essentiels avaient disparu des stocks, de même que 64 pour 100 des fournitures médicales. Par ailleurs, les urgences, les salles d’opération et les unités de soins intensifs opéraient avec des stocks très réduits et les cas critiques se multipliaient.

Depuis le début du blocage de l’aide, le 2 mars, 57 enfants seraient morts des effets de la malnutrition, selon le ministère de la santé. Ce chiffre est vraisemblablement une sous-estimation et on doit s’attendre à ce qu’il augmente.

Une nouvelle alerte publiée le 12 mai par la Classification intégrée des phases de sécurité alimentaire, autrement dit la norme mondiale d’évaluation de l’insécurité alimentaire, dit que l’affamement a atteint des niveaux sans précédent.

La population entière de Gaza est désormais répertoriée en phase d’urgence, avec plus de 71 000 enfants de 6 mois à 5 ans souffrant de malnutrition aiguë – dont plus de 14 000 cas sévères.

La situation devient tout aussi pénible pour les fermes enceintes et celles qui allaitent : On estime que 18 400 d’entre elles ont besoin d’un traitement urgent afin d’éviter des conséquences menaçantes et irréversibles pour leur existence ainsi que pour celle de leurs enfants en bas âge.

Euro-Med Human Rights Monitor dit qu’une « mort silencieuse » s’insinue également parmi la communauté des personnes âgées de Gaza.

« Désormais entrée dans son troisième mois consécutif, l’intensification du siège a eu des effets dévastateurs et à long terme – qui affectent hors proportion les personnes les plus vulnérables de Gaza »,

déclare Euro-Med.

« La politique systématique d’Israël cherche à détruire tous les moyens de survie et à éliminer toute possibilité de rester en vie. Ceci approfondit la catastrophe humanitaire en en faisant un instrument central de la mise en œuvre de la politique génocidaire. »

« Durant la semaine écoulée, on a répertorié le décès de 14 Palestiniens âgés à la suite de complications imputables à la faim, à la malnutrition et au manque de soins médicaux. Ces décès sont directement liés à la fermeture complète par Israël des passages frontaliers et, partant, à l’interdiction d’entrée dans l’enclave décidée depuis le 2 mars à l’encontre de l’aide humanitaire et des denrées essentielles »,

a encore dit l’organisation.

Le mécanisme israélo-américain proposé pour l’aide humanitaire à Gaza, a ajouté Euro-Med,

« n’est rien de plus qu’une nouvelle manœuvre visant à prolonger le blocus illégal et total. Il reconditionne le crime d’affamement sous une apparence humanitaire trompeuse, légitimant faussement son usage continu en tant qu’arme du crime de génocide en cours. »

L’agence humanitaire Oxfam a déclaré cette semaine que

« l’affamement de Gaza n’est pas un hasard – il a été délibérément et complètement orchestré – et il a désormais créé la population la plus importante dans le monde à être confrontée à la famine – une famine évitable se déroulant en temps réel. C’est inadmissible et on laisse cela se produire ! »

 

Des journalistes tués

Le 15 mai, les forces israéliennes ont tué deux journalistes de plus lors de frappes aériennes contre Khan Younis, dans le sud de Gaza.

Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré qu’Ahmed Anwar Abdel Hadi Al-Helou, qui travaillait comme rédacteur en chef au sein du Quds News Network, et Hassan Marzouk Sammour, qui travaillait comme diffuseur et présentateur pour Sawt Al-Aqsa Radio, avaient été tués avec leurs familles au cours de deux bombardements distincts.

 

 

Après l’assassinat de Hassan Eslayeh, le bureau gouvernemental des médias de Gaza dit que 217 journalistes et travailleurs des médias ont été tués depuis octobre 2023.

 

Les démolitions de maisons

Le 14 mai, en Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont démoli d’autres maisons encore du camp de réfugiés de Nur Shams, dans la ville de Tulkarem, dans le nord, au moment où l’agression contre le camp entrait dans son 95e jour, selon les rapports d’information locaux.

L’agence d’information Wafa a fait savoir que les bulldozers israéliens avaient détruit des immeubles résidentiels dans le voisinage de la mosquée Abu Bakr As-Siddiq, dans le même temps que des soldats de l’infanterie se déployaient à une large échelle et ouvraient le feu à balles réelles contre des civils palestiniens et même contre du personnel des médias.

 

Destruction de maisons dans le camp de réfugiés de Nur Shams

Destruction de maisons dans le camp de réfugiés de Nur Shams

 

Les soldats israéliens ont empêché les habitants d’entrer dans le camp de réfugiés afin de retrouver leurs possessions avant qu’on ne démolisse leurs maisons.

Des estimations locales indiquent que les bulldozers de l’armée israélienne ont anéanti une vingtaine de structures au cours de la semaine précédente et que les troupes d’occupation ont fait sauter d’autres structures résidentielles dont les propriétaires et résidents avaient été déplacés.

Il y a deux semaines, le 1er mai, les forces d’occupation israéliennes ont émis des ordonnances militaires de démolition concernant 106 structures appartenant à des Palestiniens et situées aux camps de réfugiés de Tulkarem et de Nur Shams. Elles ont donné aux résidents 24 heures pour vider les lieux.

À Jénine, également dans le nord de la Cisjordanie, les forces israéliennes ont étendu leur incursion dans le camp de réfugiés depuis plus de 115 jours, actuellement.

La municipalité de Jénine dit que les forces israéliennes ont complètement démoli quelque 600 maisons à l’intérieur du camp, tandis que le reste a été partiellement endommagé et rendu inhabitable. L’occupation continue à tirer à balles réelles et de façon intensive dans le camp, a rapporté l’agence d’information Wafa.

Il y a quinze jours, le journaliste vétéran installé à Jénine, Ali Samoudi, a été arrêté après que les soldats israéliens ont perquisitionné sa maison et l’ont tabassé, avant de l’emmener dans une caserne de l’armée.

Le journaliste de 58 ans vient d’être condamné par un tribunal militaire israélien à six mois de détention administrative, c’est-à-dire à un emprisonnement arbitraire sans accusation ni procès. Il est actuellement à la prison de Megiddo. Naturellement, les ordonnances d’arrestation administrative peuvent être renouvelées à l’infini.

 

Ali al-Samoudi

Ali al-Samoudi

 

Samoudi travaillait aux côtés de la correspondante d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh quand elle avait été assassinée par un sniper israélien, en mai 2022. Lui aussi avait été touché à l’épaule durant cette attaque contre des journalistes.

CNN, qui a travaillé avec Samoudi pendant des années, a déclaré que l’armée israélienne avait reconnu de pas disposer de « suffisamment de preuves » pour étayer les allégations de financement du terrorisme qu’elle avait soulevées contre Samoudi, mais le tribunal militaire l’a quand même condamné.

L’ordonnance d’arrestation administrative émise par l’armée dit que « la présence de Samoudi constitue un danger pour la sécurité de la région » et que cela justifie son arrestation.

Il est l’un des 20 journalistes à avoir été arrêtés et placés en détention administrative depuis le début de la guerre contre Gaza, estime la Société des prisonniers palestiniens.

 

Mise en évidence de la résilience

Finalement, conformément à notre habitude, nous avons voulu mettre en épingle des personnes qui, en Palestine, expriment leur joie, leur détermination et leur résilience.

Notre contributeur depuis longtemps, Mohammad Asad, un photojournaliste incroyable, a posté récemment ces images sur son compte Instagram. Il dit qu’après deux mois d’affamement forcé par Israël, il n’a pas eu d’autre choix que de plonger dans la mer et de tenter d’attraper un peu de poisson afin de donner un peu de protéines à ses enfants.

 

 

Et, la semaine dernière, à Gaza, Mahmoud Abu Zuaiter, un acteur et comédien bien connu dans l’enclave, a posté ce clip.

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Publié le 16 mai 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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