Rencontre avec Rasmea Odeh, résistante et féministe palestinienne

« Une vie de lutte pour la justice »

Rasmea Odeh. Photo : Dareen Tatour

Qui est Rasmea Odeh ?

Rasmea Odeh est une résistante historique et appréciée mais aussi une féministe née en Palestine en 1947.

Sa famille a tout perdu lors des attaques israéliennes pendant la Nakba. Cette réalité a affecté toute sa vie.

Depuis 70 années, elle lutte avec son peuple et est encore aujourd’hui impliquée dans la lutte nationale pour la libération de la Palestine et la résistance contre le colonialisme israélien, comme durant la 1ère Intifada.

Elle a d’ailleurs été détenue pendant plus de dix années dans les prisons de l’occupant israélien.

Comme prisonnière politique, elle est donc une survivante de la torture, de l’emprisonnement et de la déportation.

Elle est une dirigeante politique du FPLP tout en étant se déclarant une Palestinienne féministe.

A Chicago, aux États Unis, elle a été une leader communautaire, organisatrice des femmes palestiniennes, de la diaspora palestinienne et arabe. Elle y a beaucoup milité avec les femmes de Jordanie, Palestine, Syrie, Liban ainsi qu’avec les femmes noires et latinos.

Lors de sa conférence à Bruxelles (1), elle a présenté le cas de Sarah, petite fille arabe à qui la mère interdisait de jouer avec les enfants des autres communautés, comme élément déclencheur qui l’a poussée à devenir une leader auprès de plus de 600 femmes de diverses communautés.

Ce travail a permis de créer des réseaux, de multiples activités et d’organiser des luttes pour les droits, contre le racisme, l’accès à des formations, à la prise de confiance et à la réappropriation de l’histoire de toutes ces personnes membres des communautés mais aussi permettre aux enfants et aux jeunes de connaître l’histoire de leurs origines et d’en être fiers.

Le réseau « Action Arabo-américaine » organise divers programmes pour les femmes, les enfants, les adolescent-e-s, les étudiant-e-s afin de les former, les renforcer, les informer de leurs droits, leur offrir des compléments aux formations reçues dans les écoles, leur faire découvrir l’histoire de la Palestine, de leurs origines, leur apprendre comment défendre leurs droits de Palestinien-ne-s, d’organiser des voyages en Palestine, Syrie, Yémen, Liban, etc en collaboration avec d’autres associations.

Ces activités jouent un grand rôle pour la conscientisation des enfants comme futurs leaders communautaires.

N’étant pas satisfaite des luttes menée aux Etats Unis parmi les minorités y compris palestiniennes, elle a voulu s’impliquer et a rapidement émergé comme leader communautaire infatigable.

Ensuite, elle a expliqué l’occupation, l’oppression, les guerres israéliennes vécus par le peuple palestinien ainsi que les mauvaises conditions d’emprisonnement et les tortures des prisonnier-ère-s politiques.

Par exemple, lors de sa première arrestation en 1969, Israël a arrêté toute sa famille y compris son père très âgé, ses 2 sœurs dont l’une est paralysée.

Dans les prisons d’Israël, elle a été torturée et même agressée sexuellement par les forces israéliennes (viol).

Malgré tout, Rasmea mène le combat ininterrompu pour la libération de la Palestine malgré toutes les tentatives acharnées pour la réduire au silence et réprimer son travail qui est d’une importance capitale.

Les récits de Rasmea sur la résistance contre le système d’apartheid israélien et l’impérialisme sont vraiment fort instructifs.

Elle a vécu un deuxième emprisonnement aux États-Unis lorsqu’elle a été arrêtée au Michigan en novembre 2014, accusée d’être coupable de fraude en matière d’immigration pour ne pas avoir déclaré sa condamnation par un tribunal militaire israélien en 1969.

Elle a été condamnée à une peine de 18 mois de prison, à la révocation de sa citoyenneté étasunienne et à être expulsée.

Pourtant, elle n’avait rien fait d’illégal et en plus, les autorités étasunienne ont utilisé son dossier israélien pour l’emprisonner pendant 8 semaines dans une cellule d’isolement.

Comme lors de sa détention israélienne, elle y a subi des tortures et des agressions dans l’objectif de la détruire psychologiquement.

Elle a mené un grand combat pour rester saine et elle a participé à de nombreuses activités pour le bien être comme le yoga, des formations de confiance en soi, de l relaxation.

Néanmoins,elle garde des séquelles de sa détention américaine et a revécu son enfermement en Israël.

L’objectif de tout le système d’emprisonnement cible le contrôle et la destruction des êtres humains, notamment le piège de l’isolement, au risque d’une perte de personnalité.

Heureusement, elle a reçu beaucoup de soutien y compris au niveau international et notamment beaucoup de support des communautés de femmes, de réfugiées, étrangères.

Les femmes arabes l’ont soutenues tout le long de sa détention aux USA.

Rasmea Odeh sera finalement expulsée suite à un arrangement conclu qui lui permet d’échapper à la prison.

Pourtant en février 2015, une cour d’appel des EU avait rejeté le verdict du tribunal de 1ère instance car elle estimait qu’il avait commis une erreur et Rasmea a pu avoir un 2ème procès.

Les juges américains ont reçu des lettres du monde entier pour la soutenir. Ayant déjà été arrêtée à l’âge de 20 ans, elle avait l’expérience de la prison.

Elle a toujours cru en ses droits et milité pour les droits de la Palestine, donc elle a continué la lutte dans les prisons avec les autres co-détenues pour apprendre,étudier, former les autres, organiser des luttes internes et externes, elle ne regrette pas ses années de prison !

Elle souligne que les relations dans une prison sont très fortes et qu’elle est toute heureuse de revoir après 43 années une camarade de prison qui luttait aussi pour la Palestine.

Elle a déclaré aux juges américains que si les États-Unis célèbrent la Journée de l’indépendance des USA après s’être libérés de la Grande Bretagne, pourquoi donc les Palestiniens ne pourraient-ils pas avoir aussi une telle célébration après avoir chassé les sionistes !!

Rasmea Odeh est fière que son peuple palestinien résiste tous les jours contre l’impérialisme, le colonialisme et le sionisme, sachant qu’il a le soutien de nous tous et toutes à travers le monde.

Quant à l’avenir de la Palestine, elle n’imagine pas aujourd’hui une solution à 2 états mais plutôt un seul état.

Nous sommes aussi affecté-e-s par Israël qui exporte ses méthodologies de contrôle des citoyens dans les rues et les détenus en prison..

Ayant connu l’emprisonnement tant en Israël qu’aux EU, elle souhaite devenir le média qui parlera de la situation en prison aux EU, alors que les journalistes écrivent sur Guantánamo mais pas sur les prisons aux États Unis.

Depuis la déclaration de Trump sur Jérusalem comme capitale d’Israël, elle s’est remobilisée surtout avec les femmes.

D’ailleurs le documentaire « Women in Struggle » de Buthina Caanan Khoury lui est aussi consacré comme à Rawda Basir, Terry Bulate, Aysha Odeh, des militantes palestiniennes et ex-prisonnières politiques ayant joué un rôle déterminant dans la résistance pour l’indépendance palestinienne et contre l’occupant israélien durant la Première Intifada

En 2018, Rasmia estime qu’il est urgent d’unifier les luttes pour la justice sociale et la libération due peuple palestinien.

Comme la lutte anti-colonialiste en Afrique et en Asie, elle sait que toute libération dans un pays sera une étape pour la justice sociale et la libération nationale.

La justice n’est pas un cadeau mais un droit humain. Obtenir la justice et la liberté grâce aux réseaux pour l’unité, la solidarité, les droits démocratiques, l’égalité et l’indépendance pour la Palestine et partout dans le monde.

Elle adresse un message aux jeunes :

Vous êtes le futur et devez apprendre de notre expérience, devenir actifs et continuer la lutte! Il existe différentes formes de résistances selon le lieu où on se trouve : comme par exemple parler de la Palestine, organiser les Palestiniens, lancer des grèves, soutenir les actions en Palestine, militer avec les étudiant-e-s dans les écoles et les universités, etc Il est important de toujours créer et bâtir des ponts entre les communautés. Vous êtes les jeunes considérés comme oxygène du peuple palestinien en Palestine Si vous croyez en vos droits, vous trouverez votre voie !

Lucie Janssen

(1) Après une semaine de festival sur la Palestine à Gand, Rasmea Odeh est intervenue au Space à Bruxelles le 24 février 2018 à la conférence « Une vie de lutte pour la justice » co-organisée par le Space, l’ Association Belgo-Palestinienne, Palestina Solidariteit et Eye on Palestine.

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