À l’UE, flics et lobbyistes dominent le groupe de travail sur l’antisémitisme

Europol, une institution censée faire respecter les lois, participe au groupe de travail de l'UE autour de l'antisémitisme.

Europol, une institution censée faire respecter les lois, participe au groupe de travail de l’UE autour de l’antisémitisme. (Photo : Aftonbladet/ZUMA Press)

David Cronin

Seul une personne au sens de l’humour plutôt tordu pourrait tirer plaisir d’un événement où les juifs sont définis comme des insectes. Pourtant, tel était le « motif d’amusement » proposé lors du carnaval d’Alost, une petite ville belge de Flandre-Orientale, le week-end dernier

Le spectacle révoltant sert à rappeler que l’antisémitisme reste un réel problème. Dans le cas présent, ce problème, on peut le dénicher à moins de 30 km de Bruxelles, la ville qui accueille les principales institutions de l’Union européenne.

L’édition la plus récente du Dictionnaire anglais d’Oxford définit l’antisémitisme comme suit :

« préjugé, hostilité ou discrimination à l’égard des juifs s’appuyant sur des fondements religieux, culturels ou ethniques ».

Il ne fait aucun doute que le carnaval d’Alost fait la promotion de la pire espèce de préjugé qui soit.

Les excuses usées jusqu’à la corde présentées par ses organisateurs ne peuvent dissimuler à quel point l’événement suggère que les juifs sont moins qu’humains. En fait, les nazis véhiculaient et diffusaient un message similaire.

À juste titre, le carnaval d’Alost a été condamné par d’éminents représentants de l’UE. Mais ces représentants sont-ils vraiment sérieux quand ils s’en prennent à l’intolérance à l’égard des juifs ?

Le mois prochain, l’UE organisera une réunion de son groupe de travail relativement récent sur l’antisémitisme.

Cette réunion ne sera pas inspirée par la description claire de l’antisémitisme proposée par le Dictionnaire anglais d’Oxford.

Elle se concentrera plutôt sur une définition plus compliquée approuvée par un club de 33 pays connu sous le nom d’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH) – International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA).

Protéger Israël des curieux

Le but réel de la définition de l’AIMH (IHRA) n’est pas de protéger les Juifs européens de la persécution. Mais il est avant tout de protéger Israël des curieux.

La plupart des exemples de prétendu antisémitisme cités dans la note accompagnant la définition se rapportent explicitement à Israël.

Selon cette note, c’est faire preuve d’antisémitisme que de remettre en question le droit à l’existence d’Israël ou de prétendre que la fondation d’Israël était une « entreprise raciste ».

En d’autres termes, est désormais taxé d’antisémitisme le fait de dire la vérité à propos des activités d’Israël.

Israël a été fondé par le biais de l’expulsion massive des Palestiniens autochtones et de la mise en place d’un système d’apartheid.

Aucun État n’est habilité à faire reposer son existence même sur la dépossession de tout un peuple. Par conséquent, Israël n’a pas le droit d’exister en tant qu’État d’apartheid.

Il est on ne peut plus parfaitement logique d’être indigné à la fois par la façon dont Israël opprime les Palestiniens et par de tels déploiements d’intolérance que ceux du carnaval d’Alost.

Ne vous attendez toutefois à une telle indignation de la part du groupe de travail de l’UE sur l’antisémitisme.

La bureaucratie de l’UE est restée des plus discrètes sur les activités de ce groupe. J’ai dû invoquer la liberté d’information pour recevoir une liste des organisations qui y participaient.
(Voir ICI dans l’article de EI)

Un grand nombre de ces organisations font partie du lobby pro-israélien et cherchent à clouer le bec aux militants des campagnes de solidarité avec la Palestine.

L’an dernier, le CRIF (basé à Paris), par exemple, a persuadé l’Assemblée française de déclarer officiellement qu’elle considérait l’opposition à l’idéologie d’État israélienne – le sionisme – comme de l’antisémitisme.

Et ce, malgré la façon dont le sionisme a toujours été contesté par de grands nombres de juifs dans le monde entier, qui le perçoivent – à bon escient – comme un mouvement politique voué à l’éradication des Palestiniens de leur patrie.

Le Conseil central des juifs en Allemagne est impliqué, lui aussi, dans le groupe de travail de l’UE.

Cette organisation a soutenu des efforts en vue de noircir le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) qui réclame l’égalité entre les Palestiniens et les jJuifs israéliens.

Un effet refroidissant

La liste des affiliés au groupe de travail – publiée plus bas – comprend également B’nai B’rith, le Congrès juif européen et l’Union européenne des étudiants juifs.

Ces trois organisations ont tenté de justifier la violence d’Israël à l’encontre des Palestiniens.

Le groupe de travail de l’UE ne reflète pas la diversité des opinions parmi les Juifs d’Europe.

Aucune organisation juive, aucun juif à titre individuel s’exprimant contre Israël et le sionisme n’ont été invités à participer à ses activités.

En théorie, la définition de l’AIMH (IHRA) n’est pas juridiquement contraignante.

N’empêche, le groupe de travail de l’UE se vante d’avoir en ses rangs des représentants d’Europol, une institution censée faire appliquer les lois et dont le quartier général se trouve à La Haye, ainsi que des forces de police originaires d’Irlande et d’Autriche et de gens de ministères de la Justice et de l’Intérieur de nombreux pays.

Du fait de l’implication de la police dans le groupe de travail, il n’est pas déraisonnable de craindre que la dénonciation de l’apartheid israélien ne deviennent un délit criminel, du moins de fait.

La police de la Grande-Bretagne, jusqu’il y a peu membre de l’UE, s’est déjà mise à traiter les participants aux campagnes de solidarité avec la Palestine comme des subversifs.

Alors que les efforts de l’UE pourraient avoir des effets décourageants sur la liberté d’expression, personne ne devrait se laisser dissuader d’insister en faveur de la justice pour les Palestiniens.

Les calomnies finiront par s’avérer futiles, si suffisamment de gens décident de s’exprimer.


Publié le 26 février 2020 sur The Electronic Intifada

Traduction : Jean-Marie Flémal

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