Le groupe gazaoui Sol Band poursuit ses rêves en Turquie

Du fait que, à Gaza, les opportunités sont limitées pour les musiciens, Sol Band a décidé qu’il valait mieux d’expatrier. Vers la fin de 2019, la plupart des musiciens du groupe sont partis pour Istanbul.

Sol Band s’est constitué à la suite d’une attaque israélienne contre Gaza en novembre 2012. (Photo : via Facebook)

Mousa Tawfiq, 1er juillet 2021

Sol Band a longtemps cherché à semer la joie à l’aide de mélodies entraînantes.

Parfois, s’acquitter de cette tâche peut s’avérer un trop grand défi. L’offensive de onze jours menée par Israël contre Gaza, d’où proviennent les membres du groupe, a été l’un de ces moments pénibles.

Horrifiés par la violence infligée à leur patrie, les musiciens ont mis leurs instruments de côté et ont suivi constamment les informations avec la plus grande attention.

« Nous ne pouvions dormir », explique Ahmed Haddad, le principal guitariste du groupe.

« Nous avions peut de perdre un ami ou un proche. Les images en provenance de Gaza étaient très choquantes. La ville de Gaza devenait méconnaissable, remplie de ruines. »  

Sol Band est surtout installé en Turquie, actuellement. Être éloignés de Gaza alors qu’elle était bombardée signifiait que, physiquement, ils étaient en sécurité mais que leur anxiété mentale était très grande.

Faris Anbar, le percussionniste du groupe, se rappelle comment ses nièces ont assisté à la destruction d’un bloc d’appartements.

« Elles regardaient par la fenêtre de leur chambre quand tout un bâtiment s’est effondré », déclare Anbar. « Ma plus jeune nièce a cinq ans. Elle n’a plus joué ni parlé durant des journées entières. »

La résilience

Les membres de Sol Band estiment avoir de la chance qu’aucun de leurs proches n’a té tué ou blessé au cours de l’attaque. Une fois celle-ci terminée, le groupe a repris ses tâches musicales.

Leur résilience ne surprendra guère les fans du groupe.

Après tout, Sol Band s’est formé au lendemain d’une autre grande offensive d’Israël contre Gaza, celle de novembre 2012.

Le groupe s’est constitué de nombreux fans. L’un de ses projets les plus aboutis a été d’enregistrer toute une série de chansons populaires arabes pour la chaîne de TV Falastini.

Les vidéos qui en ont résulté – filmées sur les places publiques de Gaza – ont été visionnées par des millions de gens sur internet.

Tout le monde n’a pas été impressionné, toutefois. Les vidéos, qui montraient la chanteuse Rahaf Shamaly uniquement entourée de musiciens masculins, ont été critiquées par “certains érudits et religieux », explique Hamada Nasrallah, le principal chanteur du groupe.

Nasrallah d’ajouter que le groupe n’avait pas l’intention de choquer les gens « qui n’avaient pas l’habitude de voir des filles chanter dans les rues de Gaza ».

« Nous voulions seulement chanter et raviver notre héritage », dit-il. « Et nous y sommes parvenus. »

Du fait que Gaza est soumis à un blocus total depuis 2007, le groupe a été dans l’impossibilité, au début, de jouer en dehors de l’enclave côtière.  

Une certaine percée a eu lieu en 2019, quand Sol Band a été invité à la Palestine Music Expo. Comme l’événement se déroulait dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le groupe avait besoin de permis délivrés par Israël pour s’y rendre.

En demandant ces permis, les membres du groupe s’attendaient à ce qu’on les leur refuse. « Mais, miraculeusement, nous avons eu les permis », dit Eadel, le claviériste.

« Nous ne parvenions pas à le croire », ajoute-t-il. «

 Nous jouions à Ramallah pour nos frères palestiniens. Tout le monde chant ait et dansait ensemble. Nous nous avions une installation sonore et un éclairage de haut de gamme, ce que nous n’avions jamais eu à Gaza. C’était un rêve devenu réalité. »

Durant une grande partie du temps qui a suivi la création du groupe, ses membres étaient à l’université. Après que certains d’entre eux ont obtenu leur diplôme, ils ont décidé de se lancer dans la musique à temps plein.

Du fait que, à Gaza, les opportunités sont limitées pour les musiciens, Sol Band a décidé qu’il valait mieux d’expatrier. Vers la fin de 2019, la plupart des musiciens du groupe sont partis pour Istanbul.

« C’est dur tous les jours »

Le groupe ne pouvait pas prévoir qu’il émigrait juste avant que la COVID-19 ne se propage dans le monde entier.

Au début, ils ont été à même de s’adapter. Il y avait des possibilités de travail pour des musiciens, dans les hôtels et restaurants de Turquie.

Tout cela a dû changer quand des restrictions ont été imposée au secteur horeca. Sans possibilité de se produire sur scène, les membres du groupe devaient toutefois lutter pour payer leurs loyers.

La technologie a néanmoins permis au groupe de continuer à travailler avec deux de ses membres, qui sont toujours à l’université, restés au pays.

Rahaf Shamaly (chant) et Mohammed Shoman (guitare basse) sont restés à Gaza. Ils ont toutefois enregistré des contributions à une vidéo célébrant le Ramadan l’an dernier.

Aujourd’hui, le groupe envisage la réalisation d’un album. « C’est notre principal objectif », déclare le guitariste Ahmed Haddad. « C’est difficile à réaliser étant donné que nous sommes confrontés chaque jour aux difficultés de l’existence. »

« Mais nous ne pouvons regarder en arrière », insiste-t-il. « Nous avons surmonté un tas de difficultés pour être ici. Et, de la sorte, nous n’abandonnerons pas nos rêves. »


Publié le 1er juillet 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Mousa Tawfiq est un journaliste installé au départ à Gaza mais qui vit depuis à Paris.

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