Les agressions d’Israël contre les fidèles de Pâques reflètent ses efforts en vue d’étendre son contrôle sur Jérusalem

Les récentes agressions contre les fidèles chrétiens et musulmans à Jérusalem reflètent les efforts d’Israël en vue de consolider son contrôle sur la ville sainte. « Via cette politique, l’occupation revendique que Jérusalem lui appartient », a expliqué à Mondoweiss l’archevêque Atallah Hanna.

 

 Des soldats de l’armée israélienne agressent des chrétiens palestiniens, leur refusant l’accès à l’église du Saint-Sépulcre afin de célébrer le samedi saint dans la Vieille Ville de Jérusalem occupée.

Des soldats de l’armée israélienne agressent des chrétiens palestiniens, leur refusant l’accès à l’église du Saint-Sépulcre afin de célébrer le samedi saint dans la Vieille Ville de Jérusalem occupée. (Photo : via Social Media / Al Qastal News)

 

Mariam Barghouti, 18 avril 2023

Le 15 avril, des fidèles palestiniens et des pèlerins internationaux ont été sauvagement roués de coups par des policiers et des militaires israéliens alors qu’ils tentaient de rallier l’église du Saint-Sépulcre pour la fête de Pâques dans la Vieille Ville de Jérusalem.

Depuis des années, des colons d’extrême droite israéliens, soutenus par des décideurs politiques israéliens et protégés par les forces armées israéliennes, ont multiplié leurs agressions contre les fidèles non juifs et non israéliens à Jérusalem.

Ces agressions violentes ont eu lieu parmi les tentatives israéliennes plus amples en vue de revendiquer la ville sainte et de lui appliquer une identité israélienne judaïsée. Une façon de faciliter et de concrétiser cet effort a eu lieu par le biais de pratiques discriminatoires en vue de décourager les fidèles musulmans et chrétiens de rallier les lieux de culte sacrés de la Vieille Ville.

 

Que s’est-il passé à Jérusalem lors de la fête de Pâques ?

Samedi après-midi, au moment où les fidèles palestiniens et internationaux se rassemblaient pour le rituel du Feu sacré, dans le cadre des célébrations annuelles de la fête de Pâques, les forces armées israéliennes se sont déployées dans le quartier chrétien de la Vieille Ville.

« Le samedi saint, la ville de Jérusalem s’est transformée en une base militaire, avec des check-points répartis dans toute la ville », a expliqué à Mondoweiss l’archevêque Atallah Hanna, le patriarche de Jérusalem. « C’était comme si nous avions été sur un champ de bataille », rappela-t-il à propos du jour saint, l’un des plus sacrés du calendrier chrétien.

Plusieurs jours avant la célébration prévue du rituel du Feu sacré, il a été commandé aux forces israéliennes de n’autoriser que 1 800 fidèles chrétiens à l’intérieur de l’église du Saint-Sépulcre et 1 200 autres à l’extérieur. Ces dernières années, plus de 10 000 personnes étaient chaque fois présentes. En outre, au moins 200 agents israéliens allaient être postés à l’intérieur de l’église.

« Ces pratiques ne peuvent se justifier sous aucune forme ou façon », a déclaré l’archevêque à Mondoweiss.

Alors que les forces israéliennes font état de préoccupations sécuritaires quand elles défendent le déploiement de forces armées dans un lieu de culte, les attaques contre les chrétiens palestiniens vont au-delà des espaces sacrés.

L’an dernier, après que des soldats israéliens avaient abattu et tué la journaliste palestino-américaine Shireeen Abu Akleh à Jénine, la police israélienne avait attaqué les gens en deuil au moment où le cortège funèbre quittait l’hôpital Saint-Joseph à Jérusalem. L’Église catholique avait condamné la violence contre les fidèles et l’agression directe dont avait fait l’objet le cercueil d’Abu Akleh. Un an plus tard, aucun militaire israélien n’a encore été tenu responsable d’avoir violé le droit à des funérailles, d’avoir agressé des gens en deuil ni même d’avoir tué la journaliste, bien qu’elle ait été visiblement identifiable en tant que membre des médias.

Le 15 avril 2023, des fidèles chrétiens attendent derrière une barrière dressée par les forces de sécurité israéliennes et bloquant la voie vers l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, lors des célébrations du samedi de Pâques de l’Église orthodoxe chrétienne.

Le 15 avril 2023, des fidèles chrétiens attendent derrière une barrière dressée par les forces de sécurité israéliennes et bloquant la voie vers l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, lors des célébrations du samedi de Pâques de l’Église orthodoxe chrétienne. (Photo : APA Images)

 

Une histoire des attaques contre les chrétiens palestiniens

Ces dernières années, les chrétiens palestiniens et les représentants des Églises ont mis en garde contre l’escalade et l’intensification des attaques israéliennes contre les chrétiens palestiniens et contre les espaces sacrés chrétiens dans la Vieille Ville. Les dirigeants chrétiens disent que les attaques des colons israéliens contre leurs lieux sacrés ne cessent de s’aggraver.

En janvier, des jeunes israéliens ont vandalisé le cimetière chrétien protestant du mont Sion et endommagé près de trente pierres tombales, dont celles de personnages historiques comme le fondateur du Collège universitaire de Jérusalem, le révérend Samuel Gobat. Nombre des pierres visées portaient des croix, signalant ainsi un délit de motivation religieuse, s’il faut en croire une déclaration de l’Église épiscopale.

 

Peu après la profanation de l’un des sites les plus iconiques de Jérusalem le jour du nouvel an, une autre attaque a visé la statue de Jésus à la chapelle de la Condamnation.

Au cours des cinq premières semaines de cette année, les suprémacistes juifs ont été responsables d’au moins cinq actes de vandalisme et de violence contre les chrétiens à Jérusalem. Un prêtre a raconté qu’on lui avait craché dessus au moins 90 fois cette seule année.

Selon les églises, c’est également dû à l’inaction des autorités israélienne et de leur police, le seul corps politique et sécuritaire ayant la capacité et la juridiction nécessaires pour appliquer la responsabilisation.

Le patriarche latin de Jérusalem désigné par le Vatican, Pierbattista Pizzaballa, a insisté sur le fait que, depuis l’apparition d’un gouvernement on ne peut plus manifestement de droite, la situation des fidèles chrétiens à Jérusalem n’a fait qu’empirer. Pizzaballa a également fait remarquer que l’accroissement de la violence à laquelle sa communauté chrétienne a assisté n’est qu’un élément d’une vague plus large de violence contre les Palestiniens.

Toutefois, le palmarès israélien dans les attaques contre les lieux non juifs de culte n’est ni une anomalie ni une pratique exclusive des « extrémistes de droite ».

Le premier ministre des Affaires étrangères d’Israël, Moshe Sharette, décriait les attaques des milices sionistes contre les églises palestiniennes et les chrétiens, non pas parce que c’étaient des actes criminels, mais parce qu’elles ternissaient l’image d’Israël sur la scène internationale.

« Nous paierons des compensations et nous ne publierons rien à ce propos (…) », avait dit Sharette à la Knesset en juin 1949, en faisant allusion aux crimes de l’accaparement par la violence de terres palestiniennes en 1948 pour constituer ce qui est aujourd’hui l’État d’Israël.

« Pour cela, nous allons requérir la cessation de la propagande et de l’incitation et, ainsi, nous mettrons un terme à la question et il ne sera pas nécessaire de passer les détails au crible et de publier un autre article sur ce que les juifs ont fait »,

avait-il dit s’il faut en croire des documents qui n’ont été déclassifiés qu’en 2016.

 

Les prétentions israéliennes sur Jérusalem

L’attaque contre la Vieille Ville à Jérusalem s’inscrit dans une tendance plus large à vouloir appliquer la réalité israélienne juive à la Palestine. En fait, les récentes attaques contre les fidèles chrétiens dans la Vieille Ville de Jérusalem complètent les attaques similaires contre les espaces sacrés musulmans à Jérusalem. Les deux ont moins à voir avec le fait d’être chrétien ou musulman et davantage avec le fait de n’être ni juif ni israélien.

« Ce que les musulmans affrontent, les chrétiens l’affrontent », a expliqué Atallah Hanna à Mondoweiss. « Ce que la mosquée Al-Aqsa affronte, l’État de l’Écriture sainte l’affronte aussi », dit-il encore.

 

Selon l’archevêque, les pratiques israéliennes contre les fidèles, samedi, faisaient partie d’une tentative plus large en vue de limiter la présence et les libertés palestiniennes dans la Vieille Ville et à l’extérieur. « Le ciblage nous concerne tous en tant que peuple de la Palestine, musulmans ou chrétiens », a-t-il insisté.

« Israël prétend qu’il agit de la sorte en prétextant de préoccupations sécuritaires », explique l’archevêque à Mondoweiss. Toutefois, le patriarche a ajouté qu’en dépit de telles excuses de la part des autorités israéliennes,

« ces allégations ne peuvent justifier ce qu’Israël, sa police et son armée, ont fait en violant le droit des fidèles et de ceux qui célèbrent la fête de Pâques ».

« La dignité, la liberté et le droit du culte et d’accès aux lieux de culte des Palestiniens devraient être protégés »,

a réclamé l’archevêque.

Moins de deux semaines avant l’attaque contre les fidèles chrétiens dans la Vieille Ville, les forces israéliennes avaient envahi le site d’Al-Aqsa en plein mois de Ramadan, elles avaient roué de coups les fidèles au moment où ils se livraient à leur salut final, elles avaient tiré des grenades incapacitantes et arrêté des centaines de personnes. Certains fidèles avaient été écroués dans l’une des cellules les plus tristement célèbres d’Israël, la cellule n° 4 du poste de police israélien de Jérusalem, connu également sous le nom de « quartier allemand ».

Les fidèles musulmans palestiniens de Cisjordanie ont été arrêtés pour plusieurs journées et au moins 47 d’entre eux ont été déférés devant un tribunal et frappés d’une interdiction de retourner à Al-Aqsa, ainsi que d’une amende, considérée comme mesure punitive, bien qu’ils aient fait partie des personnes tabassées au moment où elles priaient.

Pour les Palestiniens, l’escalade dans les attaques contre les communautés chrétiennes et musulmanes, y compris dans leurs lieux les plus saints, reflète l’impunité israélienne et montre que les fidèles non plus ne sont pas épargnés par la violence de la suprématie juive israélienne.

« Les Palestiniens à Jérusalem sont un seul peuple », explique Atallah Hanna à Mondoweiss.

« Nous ne parlons pas de Jérusalem sans insister sur le fait qu’il s’agit d’une ville sainte dans les trois religions abrahamiques et nous refusons que qui que ce soit puisse revendiquer Jérusalem comme étant exclusivement sienne »,

a-t-il ajouté.

« Par le biais de telles mesures, l’occupation [israélienne] prétend que Jérusalem lui appartient »,

a déclaré Hanna en situant les attaques récentes dans leur contexte sociopolitique plus large.

« Ils essaient de montrer au monde que Jérusalem leur appartient. »

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Mariam Barghouti est la principale correspondante de Mondoweiss sur la Palestine. 

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Publié le 18 avril 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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