Cibler Israël est perçu comme du terrorisme par Europol

Europol est un organisme d’application de la loi qui ne cesse de discourir contre la drogue. Si c’est vraiment le cas, pourquoi la lecture d’un de ses rapports les plus récents m’a-t-elle fait halluciner ?

Europol a publié un document suggérant que les gens qui protestent contre l’industrie israélienne de l’armement sont des extrémistes. (Photo : via Twitter)

Europol a publié un document suggérant que les gens qui protestent contre l’industrie israélienne de l’armement sont des extrémistes. (Photo : via Twitter)

 

David Cronin, 28 juin 2023

 

Concentré sur « le terrorisme, sa situation et ses tendances », le nouveau document présente Israël comme la victime innocente d’une agression.

« Israël reste une cible régulière de la propagande extrémiste de gauche, surtout en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien »,

explique le rapport.

« Ceci a été illustré », prétend Europol, par un incident qui s’est déroulé en Belgique en août 2022.

Un homme de 31 ans, « animé de sympathies envers la cause palestinienne », a bouté le feu à « deux blindés militaires » à l’aide de cocktails Molotov. Les véhicules, dit le rapport, étaient « garés en face de » bureaux appartenant à une « société de défense israélienne ».

On a découvert sur les lieux de l’incident un message « indiquant que cette société israélienne était la cible de l’attentat », ajoute le rapport.

L’incident est le seul cas connu de « terrorisme de gauche » en Belgique l’an dernier, suggère le rapport.

J’ai contacté Europol en demandant pourquoi il considérait la critique sévère à l’égard d’Israël comme extrémiste ou terroriste, étant donné qu’Israël a l’habitude de soumettre les Palestiniens à une violence extrême.

Un porte-parole a répondu qu’en décrivant l’incident belge, « aucune évaluation n’est faite de la situation ». Le passage concerné du document « ne contenait que de l’information factuelle », estimait le porte-parole.

Pour dire les choses en se montrant charitable, disons que le rapport se montrait économe, sur le plan des faits.

Et il avait omis des faits pertinents.

Il ne mentionnait pas que la « société israélienne de défense » ciblée était Elbit Systems, un fabricant de drones utilisés dans des attaques contre Gaza et, plus récemment, contre la Cisjordanie.

Le document d’Europol ne mentionnait pas non plus que personne n’avait été blessé lors de l’incendie des deux véhicules blindés en Belgique. Au contraire, Israël et ses fabricants d’armes sont directement responsables du meurtre et de la mutilation de Palestiniens, dont de nombreux enfants.

 

Le mépris envers un procès en bonne et due forme

Le rapport d’Europol affiche un profond mépris envers les procès en bonne et due forme.

Il s’appuyait sur des « preuves » fournies avant même qu’une affaire judiciaire n’ait été conclue.

La présomption d’innocence est un droit humain fondamental. Ce principe est repris dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Europol – une institution européenne – a foulé ce droit aux pieds.

Le nouveau document d’Europol pose des problèmes d’autres façons.

Il compare l’incident en Belgique aux protestations de Palestine Action en Grande-Bretagne.

En déduire que Palestine Action pratique le terrorisme est odieux. En détruisant des équipements appartenant à Elbit Systems, Palestine Action essaie d’empêcher le terrorisme d’État d’Israël.

Cela constitue une grande différence avec Europol qui, en fait, facilite ce genre de terrorisme. Europol collabore depuis très longtemps avec la police israélienne – une force cantonnée à Jérusalem-Est occupée et qui tue fréquemment des Palestiniens et démolit leurs habitations.

Au contraire de certains autres documents de l’UE, celui d’Europol fait la distinction entre l’opposition à l’idéologie d’État d’Israël, le sionisme, et l’hostilité envers les juifs en s’appuyant sur leur ethnicité ou leur religion. Il suppose néanmoins – sans en fournir la moindre preuve – que l’antisémitisme est très répandu parmi la gauche pure et dure.

Le document d’Europol dit ceci :

« Alors que les extrémistes proposent généralement des positions antisionistes dans leur soutien aux Palestiniens, accusant l’État d’Israël d’impérialisme, de colonisation et de répression, les sentiments antijuifs sont eux sont fréquemment présents eux aussi, par exemple, en connexion avec les théoriciens anticapitalistes du complot. Les extrémistes de gauche se lancent régulièrement dans des discours haineux contre Israël dans leurs manifestations et publications, ainsi qu’en ligne. »

L’expression « extrémiste de gauche » n’est pas explicitement définie, dans le document d’Europol.

Pourtant, le document insinue que c’est une position extrémiste que d’aspirer à une société sans classes – en d’autres termes, de croire en l’égalité pour tous. Les campagnes pour l’abolition de Frontex – un corps de l’UE qui expulse les réfugiés – et les protestations perturbatrices qui soulignent la nécessité urgente d’aborder le changement climatique sont également décrites comme extrémistes dans le document d’Europol.

 

Le tapis rouge pour les véritables extrémistes

Bien qu’il se mette dans tous ses états à propos des gens qu’il perçoit comme extrémistes, il est peu probable que le personnel d’Europol entreprenne quoi que ce soit contre ces extrémistes qui ont les faveurs de la classe dirigeante.

Cette semaine, précisément, deux éminents représentants de l’UE – Margaritis Schinas et Katharina von Schnurbein – accueillaient Simcha Rothman à Bruxelles. Membre du parlement israélien, la Knesset, Rothman est un promoteur clé des « réformes » judiciaires qui sont considérées comme dérangeantes, même par Joe Biden, le président des EU.

Rothman est un allié de Bezalel Smotrich, l’autoproclamé « homophobe fasciste » qui dirige effectivement l’occupation par Israël de la Palestine.

Avant d’être élu à la Knesset, Rothman avait constitué une organisation de lobbying en compagnie des principaux disciples de feu Meir Kahane, le provocateur raciste qui prônait l’expulsion des Palestiniens. Certains des copains kahanistes de Rothman sont supposés avoir participé en 1985 à l’assassinat de l’activiste palestino-américain Alex Odeh.

Rien de tout cela ne sera sans doute inclus la prochaine fois qu’Europol publiera un papelard sur le terrorisme.

Rothman était à Bruxelles pour une conférence sur l’antisémitisme – tel qu’il est défini par Israël et son réseau de lobbying. Les détails déplaisants figurant à l’arrière-plan semblent avoir été balayés et dissimulés sous le tapis rouge que lui ont déployé ses hôtes.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 28 juin sur 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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