La politique israélienne de peuplement est un crime de guerre, dit l’ONU
« Nous assistons en Cisjordanie à une nouvelle ‘Piste des larmes’ et elle reflète le sort de Gaza. » Tels sont les propos tenus jeudi par Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens. Elle faisait allusion à l’expulsion forcée par le gouvernement des États-Unis, entre 1830 et 1850, de dizaines de milliers d’autochtones de leurs terres ancestrales à l’est du Mississippi vers ce qui allait devenir l’Oklahoma. Cette expulsion s’était traduite par la mort de milliers de personnes.

15 mars 2025. Vue de l’avant-poste israélien de Gal Yosef, prise à partir du village de Khirbet al-Marajim, au sud de Duma, en Cisjordanie, après que des colons israéliens ont envahi le village, la nuit d’avant. (Photo : Avishay Mohar / ActiveStills)
Tamara Nassar, 19 mars 2025
« Ce qu’Israël fait en Cisjordanie occupée aujourd’hui rappelle fortement la Nakba de 1947-1949 et la Naksa de 1967 »,
a déclaré Albanese, faisant référence aux deux campagnes majeures de nettoyage ethnique menées par les milices sionistes et l’armée israélienne et qui produisirent des centaines de milliers de réfugiés palestiniens.
Près de 40 000 Palestiniens ont été déplacés de force au cours de l’actuelle offensive militaire israélienne en Cisjordanie, et seuls 3 000 d’entre eux sont rentrés chez eux.
Le mois dernier, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a fait savoir que ce déplacement serait permanent du fait que l’armée israélienne prépare une longue occupation des camps de réfugiés du nord, et ce, au moment où l’offensive militaire est sur le point d’entrer dans son troisième mois.
Albanese a averti qu’une campagne de nettoyage ethnique était en cours, alors qu’Israël se sert du brouillard de la guerre pour faire progresser son objectif de toujours, qui est de s’emparer de la terre palestinienne.
« Entre-temps, le monde fait semblant de ne pas voir que l’histoire est en train de se répéter »,
a-t-elle ajouté.
Un crime de guerre, selon l’ONU
La déclaration d’Albanese a été rendue publique le même jour qu’un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme détaillant l’avancée des colonies israéliennes en Cisjordanie entre novembre 2023 et octobre 2024, ainsi que le transfert illégal d’Israéliens juifs sur place.
Le rapport expliquait que le maintien et l’expansion par Israël des colonies « équivalent à une annexion » de parties importantes de la Cisjordanie.
En 2024, le gouvernement israélien a consacré 200 millions de USD de son budget à des projets de peuplement – y compris la construction de routes entre les colonies, le financement d’« avant-postes » ou le soutien de la prétendue « sécurité » des colonies et avant-postes.
Ces démarches « équivalent au transfert par Israël de sa propre population » vers les territoires palestiniens occupés.
« Le transfert par Israël de parties de sa propre population civile dans le territoire qu’il occupe équivaut à un crime de guerre »,
a déclaré Volker Türk, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.
Durant la période examinée, plus de 10 000 unités de logement ont été lancées ou approuvées dans des colonies existantes de la Zone C. Cette Zone C représente les 60 pour 100 de la Cisjordanie qui sont totalement sous contrôle militaire israélien, conformément aux accords d’Oslo des années 1990. Mais, en réalité, l’armée israélienne contrôle la totalité de la Cisjordanie et elle a mené des raids dans les zones plus petites dont l’Autorité palestinienne a le contrôle nominal.
Fin octobre 2024, il y avait près de 740 000 colons israéliens en Cisjordanie, dont Jérusalem-Est. Toutes les colonies d’Israël en Cisjordanie et dans les hauteurs syriennes du Golan sont illégales, selon le droit international et elles sont considérées comme un crime de guerre.
En juillet 2024, la Cour internationale de Justice a décidé que la présence israélienne en Cisjordanie était illégale et qu’elle devait cesser.
« La conduite d’Israël qui cherche à procéder au nettoyage ethnique de la terre située entre le fleuve et la mer équivaut à une campagne génocidaire en vue d’oblitérer les Palestiniens en tant que peuple »,
a ajouté Francesca Albanese.
La violence des colons
Un « climat de vengeance » prévaut en Cisjordanie, depuis le 7 octobre 2023. La violence des colons a grimpé en flèche, ce qui a abouti au déplacement forcé des Palestiniens des communautés d’élevage.
« La ligne entre la violence des colons et celle de l’État s’est dissipée au point de s’estomper, facilitant ainsi une augmentation de la violence et de l’impunité »,
déclare le rapport de l’ONU.
« Les victimes palestiniennes de cette violence ont de plus en plus fait référence à des ‘colons-soldats’ lorsqu’ils rapportaient ces incidents à l’OHCHR [le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme]. »
La moyenne mensuelle de la violence des colons en 2024 a été de 118 incidents.
C’était une augmentation, par rapport à la moyenne de 108 en 2023, une année où « la violence des colons avait déjà atteint des niveaux sans précédent ».
Près de 1 300 incidents s’étaient traduits par des victimes ou des dégâts aux propriétés, cette année-là. C’était une augmentation de 51 pour 100 du nombre d’incidents en 2022 et cela représentait une augmentation de plus du double du nombre d’incidents en 2021.
Les destructions dans les camps de réfugiés
Entre-temps, au moment où Israël pilonnait Gaza dès les toutes premières heures de mardi, tuant des centaines de Palestiniens, l’offensive de l’armée israélienne contre les camps de réfugiés de Cisjordanie se poursuivait sans relâche.
Ç’a été la pire offensive militaire en Cisjordanie depuis la deuxième intifada, voici près de deux décennies, a déclaré Albanese.
Près de 70 Palestiniens ont été tués, depuis janvier.
L’armée israélienne a défoncé quelque 85 pour 100 des rues du camp de réfugiés de Jénine, dans le nord, a déclaré Mamdouh Assaf, le directeur de la municipalité.
Un quart de la population du camp a été déplacée de force, a expliqué le maire de la ville dans une déclaration.
En janvier et février, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a répertorié plus de 60 attaques contre les soins de santé en Cisjordanie, dont la grande majorité dans la zone nord où Israël a concentré son offensive.
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Publié le 19 mars sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine