Un tribunal britannique enjoint à la police de restituer tout son équipement au journaliste Asa Winstanley

Un tribunal britannique a décidé que la police du Royaume-Uni devait restituer les équipements électroniques qu’elle avait saisis en octobre 2024 chez Asa Winstanley, de The Electronic Intifada. Les avocats ont déclaré qu’il s’agissait d’une « victoire éclatante de la liberté de la presse ».

 

 

Asa Winstanley s'exprimant lors d'une activité de la Campagne de solidarité avec la Palestine, le mois dernier à Newcastle. En octobre 2024, le journaliste avait été perquisitionné par la police.

Asa Winstanley s’exprimant lors d’une activité de la Campagne de solidarité avec la Palestine, le mois dernier à Newcastle. En octobre 2024, le journaliste avait été perquisitionné par la police. (Photo : Sam Bacon / Canny Candid Photography)

 

Omar Karmi, 27 mai 2025

 

Les sept appareils saisis ont été restitués mardi, a confirmé Winstanley dans une déclaration.

Le 13 mai, le greffier de Londres, Mark Lucraft, qui est le premier juge itinérant de Londres, a décidé que le mandat de perquisition utilisé par la police métropolitaine de Londres en vue de saisir sept appareils électroniques au domicile de Winstanley avait été établi de façon illégale.

« Je suis très troublé par la façon dont le mandat de perquisition a été rédigé, approuvé et accordé lorsqu’il s’agissait de saisir des objets chez un journaliste »,

a écrit le juge Lucraft dans sa décision.

Le juge a également rejeté la requête par la police d’une « ordonnance de production », un pouvoir légal qui peut être invoqué devant les tribunaux britanniques afin d’exiger des journalistes qu’ils divulguent des documents, dans des cas limités, toutefois.

« Tout mandat qui vise du matériel en possession d’un journaliste requiert d’être traité avec une extrême prudence »,

a fait remarquer le juge Lucraft.

L’équipe juridique de Winstanley s’est montrée moins circonspecte. L’avocat Jude Bunting KC a affirmé que la police avait fourni « une étude de cas sur la façon de ne pas demander » un mandat de perquisition.

« Erreur sur la loi, erreur sur le tribunal, trop large et déséquilibrée »,

avait dit Bunting dans une soumission finalement acceptée par le juge.

« Aussi illicite que peut être une demande de mandat de perquisition. »

La police avait saisi les équipements lors qu’une perquisition très matinale au domicile de Winstanley, à North London, le 17 octobre 2024.

Une dizaine d’agents avaient montré au journaliste des mandats et autres documents qui, prétendaient-ils, les autorisaient à fouiller son habitation et son véhicule en quête d’appareils et de documents.

Une lettre adressée à Winstanley par le « Commandement du contre-terrorisme » de la Police métropolitaine disait qu’ils enquêtaient sur des « infractions possibles » reprises sous les sections 1 et 2 de la Loi de 2006 sur le terrorisme. Ces dispositions font état de l’infraction présumée d’« incitation au terrorisme ».

La descente de police a été largement critiquée, y compris par l’Union nationale des journalistes, qui a financé l’équipe juridique de Winstanley.

Le « recours croissant » à la législation antiterroriste, écrivait l’Union dans une déclaration, est

« utilisé contre les journalistes comme une mesure d’intimidation nuisible au journalisme d’intérêt public et à la liberté de la presse ».

À ce jour, Winstanley n’a été accusé d’aucun délit.

 

Une victoire éclatante

Dans sa première déclaration qui a suivi la décision du juge, le journaliste a demandé à la police de laisser tomber son enquête et de payer une compensation.

« Je demande à la police d’abandonner ses investigations en cours sur mes tweets et de me présenter ses excuses pour avoir perquisitionné illégalement mon domicile et saisi mes équipements »,

a écrit Winstanley.

« Elle devrait me payer un dédommagement pour le préjudice subi par moi-même et ma famille, ainsi que pour tout préjudice causé à mes contacts et sources journalistiques. »

Tayab Ali, un avocat de Winstanley et de The Electronic Intifada qui est également partenaire de la firme juridique Bindmans, a déclaré :

« Cette décision marque une victoire éclatante pour la liberté de la presse et l’État de droit. Les actions de la police – perquisitionner la maison d’un journaliste en prétendant agir contre le terrorisme – n’étaient pas seulement illégales, elles constituaient un abus de pouvoir flagrant visant à intimider un journaliste dont le travail défiait le statu quo politique. »

Winstanley n’est pas le seul journaliste à avoir eu à pâtir de l’interprétation par la police de la législation antiterroriste.

Les journalistes indépendants Richard Medhurst et Sarah Wilkinson, tous deux étroitement associés à la couverture du génocide commis par Israël à Gaza, ont été arrêtés – dans deux affaires séparées – en août 2024. Medhurst a été interrogé à l’aéroport britannique de Heathrow, alors que le domicile de Wilkinson a été perquisitionné.

« La Police métropolitaine doit dès maintenant entreprendre un examen urgent et transparent de la façon dont elle se sert de la législation antiterroriste, surtout contre les journalistes »,

a expliqué Tayab Ali à The Electronic Intifada.

Le cas de Winstanley, a-t-il ajouté,

« met en lumière une tendance des plus inquiétantes : l’instrumentalisation des pouvoirs antiterroristes contre les critiques de la politique gouvernementale et les défenseurs des droits palestiniens. »

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Publié le 27 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : L’effet dissuasif des pouvoirs contre-terroristes sur le journalisme

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