Les prisonniers sionistes et les familles de nos prisonniers dans les geôles de l’ennemi

Les valeureux prisonniers dans les geôles de l’ennemi constituent en fait la direction fiable, légitime et véritable des Palestiniens. Ils sont, avec la résistance armée, les seuls représentants légitimes du peuple palestinien et de sa lutte de libération. Et quiconque ne choisit pas le camp de Gaza et de sa vaillante résistance armée ne prendra jamais la défense du mouvement des prisonniers palestiniens, qui reste la première ligne de défense de la Palestine.

 

Rassemblement de familles de prisonniers, réclamant leur libération

 


Khaled Barakat
, 9 juillet 2025

 

L’article que voici, de la plume de Khaled Barakat, écrivain palestinien et membre du Comité exécutif de Masar Badil, le Mouvement alternatif de la voie révolutionnaire palestinienne, a été rédigé spécialement pour le site internet de Samidoun (version originale en arabe).

Dès le moment où la résistance palestinienne à Gaza a annoncé la capture d’un certain nombre de soldats et de colons sionistes lors de la glorieuse opération « Déluge d’Al-Aqsa », la question des « otages » sionistes a occupé le centre de l’attention mondiale. Des heures et des heures d’émissions télévisées leur sont consacrées. On assiste à d’énormes pressions politiques, on dresse des tentes sur les places publiques, on verse des torrents de larmes pour ceux que les médias décrivent comme « d’innocentes victimes ».

Entre-temps, plus de 10 800 prisonniers palestiniens, dont des femmes et des enfants, croupissent dans les cellules de l’occupation – certains y sont depuis plus de trente ans – sans que le monde hypocrite ne remue ne serait-ce qu’un cil ni n’entende les cris d’une mère palestinienne qui a attendu vainement une simple étreinte pendant des décennies.

Le captif sioniste est présenté comme un être humain lésé, ravi aux êtres qui lui sont chers, exhibé sur d’émouvantes photos de famille et via des histoires touchantes diffusées nuit et jour. Les médias occidentaux s’empressent d’alimenter ce récit : l’enfant qui attend son père, la femme qui ne dort plus, la mère qui ne cesse de pleurer. Le tout complètement détaché du contexte de la guerre et de l’occupation, comme si ces « otages » ne faisaient pas partie d’une machine militaire qui détruit Gaza, assiège les Palestiniens et s’installe indûment sur leur terre.

Gouvernements, ambassades et organisations internationales ont été mobilisés pour exercer des pressions sur la résistance palestinienne et toute tentative de demande d’échange de prisonniers est condamnée en tant que « chantage humanitaire », alors que la racine de la crise – l’occupation sioniste et le colonialisme de peuplement – est totalement ignorée.

Personne n’entend quoi que ce soit des 73 martyrs qui sont morts dans les prisons de l’ennemi depuis le 7 octobre 2023, ou des quelque 10 800 prisonniers palestiniens souffrant dans les cellules de l’occupation, y compris quelque 400 enfants, 50 femmes, 500 détenus malades, et certains qui sont prisonniers depuis plus de trente ans. Il n’est jamais fait mention des visites, des soins médicaux et de l’enseignement qu’on leur refuse ; ni des enfants que l’on arrache à leurs foyers la nuit et que l’on jette dans des cellules d’interrogatoire ; ni des 3 600 détenus administratifs incarcérés sans inculpation ni procès. Il n’y a pas d’images des larmes des mères palestiniennes ou des familles qui attendent vainement des nouvelles de derrière les barreaux.

 

Nombre des prisonniers palestiniens dans les prisons coloniales (juillet 2025)

 

Pour la machine médiatique occidentale, le prisonnier palestinien est tout simplement un « terroriste », qu’il ne convient pas de traiter comme un être humain ni de prendre en compte dans les calculs de justice et de conscience. Le fait que la résistance demande leur libération est décrit comme un crime moral et non comme un droit légitime.

Au beau milieu de cette lutte grossièrement inégale, l’« Autorité palestinienne », accompagnée des gouvernements arabes officiels, vaincus, se trouve dans une position d’impuissance et de complicité. L’Autorité ne fait rien, à l’exception de quelques déclarations creuses lors de l’une ou l’autre cérémonie officielle. Ses ambassades pratiquent la surdité sélective et le mutisme délibéré, ne participent à aucune campagne de solidarité au profit des prisonniers ni à aucune bataille juridique ou politique sur la scène internationale. Elle y va d’un silence extrême face aux massacres quotidiens et aux arrestations massives. En fait, l’Autorité en est arrivée au point de réprimer les manifestations populaires de solidarité avec les prisonniers, si ces manifestations osent dévier de la ligne officielle.

La coordination sécuritaire avec l’occupation, dont l’Autorité s’enorgueillit en secret tout en la désavouant publiquement, est l’une des causes directes des arrestations incessantes et systématiques et de l’effondrement de la confiance populaire en l’Autorité. Cela ne peut être excusé comme faiblesse, mais doit être compris dans le contexte d’une fonction politique et sécuritaire qui s’aligne sur la logique de la « gestion de l’occupation », sans lui résister, et sur le fait de compter futilement sur des négociations, et non pas sur la lutte, pour la libération des prisonniers.

Ce qui rend les choses pires, c’est l’état de paralysie qui affecte la majorité des « factions » palestiniennes en Cisjordanie. À l’exception de quelques initiatives individuelles et dirigées par des jeunes, il n’y a pas de mouvement organisé ni de campagne soutenue qui fournisse des plates-formes aux voix des familles de prisonniers, dénonce les réalités de l’emprisonnement ou exprime la voix de leurs êtres chers. Les comités de prisonniers actifs ont disparu. Ces « organisations » et les prétendues « institutions des droits humains », qui étaient censées diriger la rue en défense de leurs fils et filles en prison, sont devenues incapables de s’adresser à leur propre public, et encore moins au monde.

Alors que des marches hebdomadaires sont organisées à Tel-Aviv pour les familles des soldats sionistes, les villes de Cisjordanie manquent d’actions continues exprimant les voix des mères, pères, conjoints et enfants des prisonniers palestiniens. Ce silence est la résultante d’une décadence organisationnelle, d’une stagnation bureaucratique et de la division politique qui a déchiré le mouvement national.

L’hypocrisie du monde est mise à nu lorsque le soldat sioniste est présenté comme une victime digne de sympathie, alors que le prisonnier palestinien est réduit à un « numéro de sécurité » ou accusé de « terrorisme ». Dès que quelqu’un entend l’expression « familles des prisonniers », il imagine automatiquement les familles des captifs sionistes à Gaza. Les médias occidentaux ne perçoivent pas les détenus palestiniens comme des êtres humains – ils ne reprennent pas leurs histoires, ni ne font état de leurs souffrances, ni ne leur donnent une plate-forme pour s’exprimer sur leur souffrance. Au contraire, les portes des organisations internationales et des parlements s’ouvrent toutes grandes pour les familles des soldats sionistes, que l’on utilise comme des pions politiques afin d’exercer des pressions sur la résistance.

Une mère palestinienne dit ceci :

« Mon fils est en prison depuis vingt ans. Il a grandi sans moi et j’ai vieilli à la porte de sa prison. Je ne l’ai pas touché, ni ne l’ai pris dans mes bras, je ne sais même pas à quoi il ressemble pour l’instant. Pourquoi personne n’entend-il mon cri ? Suis-je moins une mère que d’autres ? Où mon sang est-il bon marché parce que je suis palestinienne ? »

Mais ces mots tombent dans l’oreille d’un sourd, parce que la personne qui les prononce est du « mauvais côté » de l’équation coloniale. Le monde s’en moque et les organisations des droits humains sont occupées à mesurer le souffle des soldats sionistes – mais pas les pleurs des mères palestiniennes.

L’expérience de la résistance à Gaza a montré que la question des prisonniers n’est pas simplement un dossier à négocier : c’est un symbole de dignité nationale. En effet, la cause des prisonniers et leur libération a été l’une des principales raisons sous-tendant la glorieuse opération Déluge d’Al-Aqsa. Qui veut parler d’égalité dans la souffrance doit commencer par établir la justice et rompre le mur du silence, de la complicité, de l’hypocrisie qui nous entoure depuis des décennies.

Ce qui est nécessaire aujourd’hui, ce n’est pas uniquement d’adopter un discours équilibré et humain, mais d’extraire de force la cause des prisonniers et de leurs familles de l’emprise de la marginalisation, de la négligence et du silence – de la renvoyer à sa place naturelle et légitime au cours de la lutte de libération nationale, dont elle constitue un élément incontournable.

Ces valeureux prisonniers dans les geôles de l’ennemi constituent en fait la direction fiable, légitime et véritable des Palestiniens. Ils sont, avec la résistance armée, les seuls représentants légitimes du peuple palestinien et de sa lutte de libération. Et quiconque ne choisit pas le camp de Gaza et de sa vaillante résistance armée ne prendra jamais la défense du mouvement des prisonniers palestiniens, qui reste la première ligne de défense de la Palestine.

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Publié le 9 juillet 2025 sur Samidoun
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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