Ahed Tamimi : « La seule façon de libérer notre terre, c’est la résistance »

Dans une interview publié sur le site du journal De Morgen, Ahed Tamimi affirme : « Notre terre a été accaparée dans la violence, la seule façon de libérer notre terre et de la récupérer, c’est de recourir à la résistance. »

Photo : Plate-forme Charleroi-Palestine (*)


Ans Boersma
, 22 septembre 2022

Une adolescente vêtue d’un t-shirt rose et qui gifle un soldat israélien armé. La vidéo d’Ahed Tamimi (21 ans) a fait le tour du monde, en 2017. À 16 ans, Ahed s’est retrouvée en prison. Aujourd’hui, elle étudie le droit. « Ma génération ne croit plus dans la paix. »

Dans ton livre qui vient de sortir, They Called Me a Lioness : A Palestinian Girl’s Fight for Freedom (Ils me traitaient de lionne : Une jeune Palestinienne se bat pour la liberté), tu parles du temps que tu as passé en prison. Adolescente, tu as subi de très longs interrogatoires au cours desquels on voulait te faire parler, mais tu n’as pas baissé la tête. Comment as-tu pu rester mentalement forte ?

« Pour dire les choses simplement, les Palestiniens sont ainsi faits. Si on craque en prison, c’est une honte. Je pensais à mon père, comment il a été torturé en prison. Et je pensais à tous les autres détenus palestiniens qui ont refusé de parler. C’est ainsi que je suis restée forte. »

Dans ton livre, tu écris que tu t’es sentie coupable, quand tu as été libérée, et que tu t’es retrouvée en dépression. Comment ça va, maintenant ?

« Je ne me sentais pas coupable d’être sortie de prison. Je me sentais coupable et impuissante parce que je ne pouvais rien faire pour tous ceux qui s’y trouvaient encore. Mais, au bout d’un temps, j’ai surmonté ce sentiment et, aujourd’hui, je m’engage dans ce qui rapproche le plus les prisonniers de la liberté. Rien de ce qui est bâti sur l’injustice et le pouvoir n’est éternel, et cela me donne de l’espoir. »

Tu as été invitée à prendre la parole au festival de gauche, Manifiesta, à Ostende. Quel y a été ton principal message ?

« Que les gens ne doivent pas nous percevoir comme des victimes. Nous ne voulons pas de vos larmes. On nous asperge quotidiennement de gaz lacrymogène et, des larmes, nous en avons assez. Je ne dis pas : Comme c’est fantastique que vous souteniez la cause palestinienne ! Non. Je dis : Nous payons le prix des erreurs que vos gouvernements ont commises dans le passé.

« Il est du devoir des gens en Europe de soutenir la Palestine et de participer à la lutte. Montrez votre solidarité en boycottant Israël politiquement, économiquement et culturellement. Cela me frustre que je ne doive pas seulement me battre pour la Palestine, mais que je doive également expliquer la vie sous l’occupation à la communauté internationale. J’ai d’autres rêves aussi. Je voulais devenir footballeuse, mais j’ai renoncé à ce rêve de façon à pouvoir lutter pour la Palestine. »

Les gens voient en toi une dirigeante en devenir, mais tu n’as pas d’ambition politique. Pourquoi as-tu choisi des études de droit ?

« J’étudie le droit afin de pouvoir lutter pour la justice qui nous est refusée. Et pour modifier les lois, car je ne crois pas dans le système juridique actuel. »

Quelle est la différence entre ta génération et la précédente ?

« Ma génération ne croit plus dans la paix. La vieille génération avait placé ses espoirs dans la communauté internationale et dans le droit international. Ils ont renoncé à tout pour la solution à deux États. Sans résultat, avec tout le respect pour les prisonniers et les martyrs. Notre génération n’est pas la même. C’est notre terre. Nous nous battons pour toute la Palestine. Mais nous n’avons pas confiance dans la communauté internationale et nous ne sommes pas attachés non plus aux partis politiques ou organisations palestiniens. Nous luttons pour un monde au sein duquel toute la Palestine sera libérée. »

Tu ne te définis pas comme une faiseuse de paix mais comme une combattante de la liberté. Pourquoi cette définition est-elle importante pour toi ?

« Si je me définissais comme une faiseuse de paix, je me présenterais comme une victime et je demanderais de l’empathie. Les victimes, ce sont les sionistes de 18 ans qui vivent dans les colonies, qui ont une arme et éprouvent plein de haine à notre endroit. Je me définis comme une combattante de la liberté parce que je veux inviter les gens à être une composante de ce combat. Il n’y a pas de paix dans le monde. Et je ne suis pas non plus encline au pardon. Comment puis-je vivre à côté du soldat qui m’a arrêtée ? Notre terre a été accaparée dans la violence, la seule façon de libérer notre terre et de la récupérer, c’est de recourir à la résistance. »

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Article publié le 22 septembre sur De Morgen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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(*) Lorsque nous avons rencontré Ahed Tamimi au festival ManiFiesta, nous lui avons parlé de la Marche pour le Retour et la Libération, qui aura lieu à Bruxelles, à l’appel de Masar Badil, le Mouvement palestinien de la voie alternative révolutionnaire. Ahed a tenu à affirmer son soutien en photo.

La Marche aura lieu samedi 29 octobre à Bruxelles. Elle partira à 14 h, square Lumumba (porte de Namur) pour se rendre devant le parlement européen.

La marche et le rassemblement devant le parlement européen seront le point culminant d’une semaine pour la Libération de la Palestine. Plus d’infos bientôt.

Trouvez ici une belle présentation en vidéo de Masar Badil :

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