Jénine : L’Autorité palestinienne obéit servilement à Israël
Récemment, l’Autorité palestinienne (AP) a lancé une opération militaire meurtrière contre Jénine et son camp de réfugiés en Cisjordanie occupée. Samedi, elle a assassiné un membre d’une organisation armée et a également tué un ado et un enfant palestiniens.
Tamara Nassar, 15 décembre 2024
D’après The New York Times, Anwar Rajab, le porte-parole des forces « sécuritaires » de l’AP, a prétendu que l’opération militaire – baptisée « Opération Protection de la Patrie » – avait pour but de
« mettre un terme à la sédition et au chaos »,
un euphémisme pour dire que l’AP obéit aux ordres d’Israël en ciblant les organisations palestiniennes armées qui résistent à l’accaparement des terres et à l’occupation militaire par Israël.
Rajab a qualifié l’opération de « nouvelle étape » au cours de laquelle les forces de l’AP cherchent à
« reprendre le contrôle du camp de Jénine aux contrevenants’ qui pourrissent la vie des citoyens »,
et ce, en menant une campagne d’assassinats et d’arrestations.
Samedi, les forces de l’AP ont envahi Jénine avec des véhicules blindés, tuant Yazid Jaaysah, un membre de la Brigade de Jénine, une organisation associée à Saraya al-Quds, l’aile militaire du Djihad islamique palestinien.
Jaaysah était recherché par Israël. Des médias locaux ont diffusé sa photo après sa mort dans le même temps que les organisations palestiniennes de Hamas et du Djihad islamique condamnaient son assassinat.
Des militants palestiniens ont résisté à l’incursion de l’AP dans le camp et ont échangé des coups de feu avec ses forces.
Depuis les premières heures de samedi, au moins 22 Palestiniens ont été blessés au cours de ce raid militaire à l’israélienne.
Le petit Palestinien Muhammad Imad al-Amer a succombé aux blessures que lui ont infligées samedi les tirs des forces de l’AP.
Imad al-Amer, le père de l’enfant, a déclaré sur Facebook que Muhammad se trouvait sur le seuil de la maison au moment où un sniper de l’AP l’a abattu.
Il a ajouté que son autre fils, qui avait été blessé un peu avant, avait essayé d’aider son frère mais qu’il avait lui aussi été abattu par les forces de l’AP et qu’il recevait actuellement des soins dans un hôpital local.
Des organisations locales ont rapporté qu’un drone de surveillance survolait Jénine au moment où les forces de l’AP effectuaient leur incursion terrestre. Le drone ressemblait à ceux qu’utilisent les forces israéliennes lors de leurs raids et opérations militaires en Cisjordanie occupée.
Samedi, les forces de l’AP ont déclaré la zone entourant divers hôpitaux de Jénine zone militaire fermée et ont forcé les journalistes à s’en aller, reproduisant ainsi les tactiques utilisées par les forces israéliennes à Gaza.
Depuis le 8 décembre, les forces de l’AP
« ont pris le commandement des étages supérieurs et du toit de l’hôpital gouvernemental de Jénine tout en se servant des lieux comme d’une base en vue de mener »
leurs opérations, y compris
« tirer des coups de feu depuis l’intérieur de l’hôpital »,
a déclaré le bureau de l’ONU du haut-commissariat des droits humains.
L’opération de l’AP se déroule en coordination totale avec les forces d’occupation israéliennes, ont rapporté des médias israéliens.
Il semble que l’AP tente de prouver sa valeur à ses homologues israéliens en réprimant la résistance en Cisjordanie.
Une source du bureau du président Mahmoud Abbas a déclaré dans le quotidien israélien Haaretz que le problème de la résistance armée
« avait débordé de Jénine et que les responsables arabes et occidentaux demandaient des éclaircissements ».
La source, restée anonyme, ajoutait que
« Abbas et l’AP sont incapables de faire régner l’ordre dans une ville comme Jénine ; comment dans ce cas s’attendre à ce qu’ils assurent l’ordre dans la bande de Gaza et autour de la Cisjordanie ? »
Les forces de l’AP auraient déclaré que
« le but de l’opération était de restaurer le contrôle du camp de réfugiés de Jénine face aux contrevenants qui ont empoisonné la vie quotidienne des résidents et ont bloqué leur droit à recevoir des services publics gratuitement et en toute sécurité ».
Mais ce sont les raids répétés d’Israël à Jénine et la répression même de l’AP qui, apparemment, empêchent les Palestiniens d’accéder à ces services.
Non seulement, jusqu’à présent, deux jeunes ont été tués par les tirs de l’AP, mais les forces de l’AP ont également
« encerclé l’hôpital de Jénine et coupé l’électricité et l’eau du camp »,
fait savoir Al Jazeera.
Aussi les résidents du camp se sont-ils mis en grève dimanche afin de porter le deuil des Palestiniens tués par les forces de l’AP.
Un adolescent tué
Ceci a eu lieu quelques jours après que les forces de l’AP avaient abattu et tué un adolescent.
Le 9 décembre, les forces sécuritaires de l’AP ont abattu Ribhi Muhammad al-Shalabi, 19 ans, alors qu’il roulait à moto en compagnie de son cousin de 15 ans, lequel a été touché à la tête par une balle.
Une prise de vue de l’incident montre un véhicule blindé de l’AP faisant marche arrière dans un virage au moment où une moto entre sur la scène et s’arrête.
On peut ensuite voir le véhicule blindé qui avance légèrement.
Les deux jeunes restent sur la moto pendant une dizaine de secondes encore avant que l’un d’eux lève le bras, faisant apparemment signe au véhicule blindé pour lui signaler qu’ils ne sont pas armés.
À ce moment, le véhicule blindé ouvre le feu sur les ados et ils s’écroulent sur le côté de la moto, qui retombe sur eux.
Les deux jeunes venaient du café de leur famille pour livrer de la nourriture dans un quartier tout proche quand ils ont été abattus par les forces de l’AP, estime le bureau de l’ONU du haut commissariat des droits humains. La famille des deux ados a déclaré qu’ils transportaient une caisse d’oignons.
Ils n’étaient pas armés.
La famille d’Al-Shalabi a prétendu que les forces de l’AP ont ensuite emporté brièvement le corps de son fils avant de le larguer de nouveau en rue.
Des prises de vue supplémentaires ont confirmé cette version des faits.
Dans la vidéo, on peut voir les forces de l’AP essayer de soulever un corps inerte pour le déposer à l’arrière d’un véhicule blindé.
L’AP a tout d’abord nié toute implication dans la mort d’al-Shalabi.
Ce n’est qu’après l’apparition des preuves du meurtre sur vidéo et l’agitation populaire provoquée par la chose que l’AP a lancé une enquête et a annoncé qu’elle assumait l’entière responsabilité de la mort d’al-Shalabi.
Appels en vue de démanteler l’AP
L’intensification des agressions de l’AP à Jénine a déclenché une vague d’agitation ainsi que des appels en vue de démanteler l’institution de collaboration avec Israël.
Un membre des forces de l’AP a démissionné de ses fonctions et, à la suite du meurtre d’al-Shalabi, il a publiquement désavoué l’institution et s’est défait de son uniforme.
Les forces de l’AP constituent la piétaille d’Israël.
La raison d’être du corps est de réprimer l’opposition et la résistance palestiniennes afin d’aider Israël à maintenir son occupation de la Cisjordanie tout en semant l’illusion de l’autonomie et de la représentation de la Palestine.
Dans les zones où l’AP dispose d’un contrôle nominal, les forces palestiniennes n’ont le droit que d’arrêter d’autres Palestiniens.
Cela signifie dans la pratique que l’AP existe pour protéger Israël et ses colons et pour surveiller les Palestiniens pour le compte d’Israël.
Le rôle clé de l’AP dans la répression des protestations et de la résistance des Palestiniens à l’occupation militaire d’Israël est la raison de son financement par les EU et les États européens.
Mais ce masque est en train de tomber.
Depuis le 7 octobre 2023, les forces de l’AP ont tué au moins 13 Palestiniens en Cisjordanie occupée, dont un certain nombre d’adolescents.
Depuis le 6 décembre, les forces sécuritaires de l’AP ont intensifié leurs attaques contre les Palestiniens à Jénine – une zone déjà sévèrement dévastée par des offensives israéliennes successives qui se sont chaque fois étalées sur plusieurs journées.
Les attaques meurtrières d’Israël comprennent des bombardements aériens, l’assassinat de militants palestiniens ainsi que d’enfants. Une tactique israélienne dévastatrice consiste à défoncer complètement les rues et les infrastructures des villes et camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, sous le prétexte d’en extraire les engins explosifs improvisés qu’on y aurait placés.
En pleine escalade de la violence et du génocide perpétrés par Israël dans la bande de Gaza, l’AP continue à favoriser le projet colonial israélien en Cisjordanie occupée.
*****
Publié le 15 décembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine