Israël torture le Dr Hussam Abu Safiya et prolonge sa détention arbitraire
Mardi 11 février, après 47 jours de détention arbitraire, le Dr Abu Safiya a enfin pu rencontrer un avocat de l’organisation de défense des droits humains Al Mezan, et ce, pour la première fois depuis son enlèvement à Gaza.

Ce 12 février 2025, dans le quartier d’al-Rimal (centre-ville de Gaza), un jeune Palestinien longe un amas de décombres sous des conditions météorologiques épouvantables. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)
Nora Barrows-Friedman, 14 février 2025
Depuis le cessez-le-feu du 19 janvier à Gaza, Israël a violé la trêve un nombre incalculable de fois, y compris en retenant les quantités d’aide, de carburant et de fournitures médicales convenues dans les termes du cessez-le-feu, en restreignant la liberté de mouvement des Palestiniens et en continuant de les attaquer et de les tuer.
Euro-Med Human Rights Monitor a fait savoir :
« Malgré la déclaration d’un cessez-le-feu (…) Israël continue de perpétrer un génocide dans la bande de Gaza en refusant aux Palestiniens l’accès aux produits de base nécessaires à leur survie et en imposant des conditions de vie calculées pour provoquer leur destruction physique. »
L’organisation de défense des droits a ajouté que plus de 100 Palestiniens avaient été tués depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, y compris certains qui sont décédés suite à de précédentes blessures infligées au cours des attaques génocidaires d’Israël ; en outre, 900 au moins ont été blessés.
Le 10 février, Abu Obeida, le porte-parole des Brigades al-Qassam, l’aile militaire du parti politique Hamas, a annoncé que la libération prévue de captifs israéliens serait reportée indéfiniment tant qu’Israël n’aurait pas rempli ses obligations et mis un terme à ses violations du cessez-le-feu.
Le 11, les responsables du Hamas ont ensuite soumis un rapport aux médiateurs, répertoriant 269 « violations sur le terrain » par l’armée israélienne depuis le cessez-le-feu, ainsi que les refus en cours de livraison d’aide et de carburant.
Figuraient également sur cette liste plusieurs « violations politiques », dont des déclarations par des députés israéliens insistant pour que soit expulsée le plus rapidement possible la population de Gaza, ainsi que le fait que les autorités carcérales israéliennes soumettaient les captifs palestiniens sur le point d’être libérés à des agressions et autres actes de violence, et ce, au moment des échanges.
Les députés israéliens ont alors accusé le Hamas de violer le cessez-le-feu, et le président américain Donald Trump a même suggéré qu’Israël annule le cessez-le-feu si les captifs israéliens n’étaient pas libérés.
Mais même l’armée israélienne a admis dans les médias en hébreu que le Hamas n’avait pas violé les termes de l’accord.
Des camions remplis de carburant, de fournitures médicales, de tentes, de caravanes, d’engins mécaniques lourds et de vivres sont toujours prêts à entrer dans la bande de Gaza. Mais on ne sait pas exactement quand ces marchandises nécessaires pourront entrer comme convenu.
Israël se retire du corridor de Netzarim
Les forces israéliennes se sont retirées officiellement du corridor de Nezarim, qui partageait Gaza en deux depuis plus d’un an.
Le 9 février, l’agence d’information française AFP et The Times of Israel ont tous deux fait savoir qu’un responsable du gouvernement de Gaza avait déclaré que
« les forces israéliennes avaient démantelé leur position et leurs postes militaires et qu’elles avaient complètement retiré leurs chars du corridor de Netzarim, sur la route de Salah al-din, permettant ainsi aux véhicules de passer librement dans les deux sens ».
Le rapport commun ajoutait :
« Un journaliste de l’AFP qui se trouvait sur les lieux a dit qu’il n’y avait pas de troupes israéliennes présentes le long du corridor. »
La chaîne arabe Al Jazeera a diffusé des images des dégâts laissés par l’armée israélienne après son retrait du corridor.
Dans une déclaration, le parti politique du Hamas a déclaré que
« le retrait de l’armée d’occupation sioniste de l’axe de Netzarim est une victoire pour la volonté de notre peuple ».
Des équipements médicaux « délibérément détruits »
Le 11 février, se penchant sur la situation des soins de santé à Gaza, Caroline Seguin, la coordinatrice d’urgence pour Médecins sans frontières (MSF), a déclaré depuis Gaza que
« le niveau de destruction est total, c’est une terre rase. Je n’ai jamais rien vu de semblable de toute ma vie. Nos collègues palestiniens ne sont plus capables de reconnaître leurs propres quartiers, certains étaient en état de choc, d’autres se sont littéralement effondrés. »
« L’hôpital Kamal Adwan a été rasé alors que les hôpitaux al-Shifa, al-Awda et l’hôpital Indonésien sont gravement endommagés et ne fonctionnent encore que partiellement »,
a ajouté Seguin.
« Nous avons été extrêmement choqués de voir qu’à l’hôpital Indonésien, chacun des appareils médicaux semblait avoir été détruit délibérément, ils avaient été réduits en pièces, l’un après l’autre, pour être sûr qu’aucun soin médical ne puisse être encore délivré. C’est à se demander quelle est la motivation de telles actions ? Ces appareils sont destinés à sauver des vies humaines, des mères, des pères, des enfants. C’est dévastateur de voir l’état de ces hôpitaux. »
Il y a une mise à jour à propos du directeur de l’hôpital Kamal Adwan, le Dr Hussam Abu Safiya, qui a été enlevé par l’armée israélienne le 27 décembre en même temps que ses collègues, son personnel médical, ses patients et les personnes qui les accompagnaient.
Comme nous l’avons dit la semaine dernière, les autorités carcérales israéliennes empêchaient toujours le Dr Abu Safiya d’avoir accès à un avocat alors qu’il restait en détention administrative à la prison militaire d’Ofer.
Mardi 11 février, après 47 jours de détention arbitraire, le Dr Abu Safiya a enfin pu rencontrer un avocat de l’organisation de défense des droits humains Al Mezan, et ce, pour la première fois depuis son enlèvement à Gaza.
Durant la visite,
« le Dr Abu Safiya e expliqué en détail les diverses sortes de torture et de violence auxquelles il a été soumis à la fois lors de son arrestation illégale et de sa détention arbitraire par les forces et autorités israéliennes », a déclaré Al Mezan.
« Quand il a été capturé à Gaza et transféré au camp de détention militaire de Sde Teiman, il a été soumis à diverses formes de torture et de traitement inhumain et dégradant – des méthodes qui sont emblématiques des opérations israéliennes d’arrestations massives à Gaza. »
Le Dr Abu Safiya a dit « que les forces israéliennes l’avaient forcé de se dévêtir, lui avaient menotté étroitement les mains et l’avaient forcé de s’asseoir sur du gros gravier pendant environ cinq heures. Il avait également été soumis à de graves violences physiques, y compris des corrections à coups de bâton, accompagnées de chocs électriques, et des coups répétés dans la poitrine ».
Al Mezan a déclaré que le Dr Abu Safiya était détenu en confinement solitaire depuis 25 jours à la prison d’Ofer et qu’il
« avait subi des interrogatoires pratiquement incessants pendant 10 jours ». Il faisait également état de graves problèmes de santé et d’une diminution rapide de son poids, tout en se voyant refuser le moindre accès à des soins de santé.
Al Mezan a instamment invité la prétendue communauté internationale, et particulièrement les alliés d’Israël,
« à entreprendre des actions immédiates afin de réclamer la libération immédiate et inconditionnelle du Dr Abu Safiya et de tous les Palestiniens, dont des centaines de travailleurs des soins de santé, qui ont été arrêtés illégalement et emprisonnés arbitrairement par les autorités israéliennes ».
Dans une déclaration, la famille du Dr Hussam Abu Safiya a dit qu’il y avait
« une possibilité qu’il soit libéré dans les prochaines étapes, vu qu’il n’y a pas d’accusations contre lui de la part du ministère public israélien. Il invite instamment le monde à contribuer à assurer sa libération et celle de tous les membres détenus du personnel de soins de tous les hôpitaux. Ils doivent être protégés, leurs droits doivent être garantis et ils devraient recevoir des soins et être relâchés dès que possible ».
Toutefois, le 14 février, Al Mezan faisait savoir que l’armée israélienne avait émis un ordre d’
« arrêter Abu Safiya dans le cadre de la loi portant sur les combattants illégaux ».
Cette loi, déclare Al Mezan,
« permet la détention prolongée sans accusation, tout en privant les personnes arrêtées de tout examen judiciaire sensé ou de leurs droits à un procès impartial ».
40 000 personnes déplacées de force en Cisjordanie occupée
En se penchant sur la Cisjordanie occupée, Tamara Nassar, de The Electronic Intifada, rapporte que les actuelles attaques meurtrières d’Israël ont presque vidé certains camps de réfugiés, plus particulièrement dans les zones du nord.
Quelque 40 000 Palestiniens ont été déplacés de force depuis que l’opération militaire israélienne, baptisée « Muraille de fer », a été lancée contre le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord, le 21 janvier.
Depuis lors,Israël a étendu son offensive aux camps de réfugiés de Tulkarem et de Nur Shams tout proche, dans le nord eux aussi. Le camp de réfugiés d’Al-Faraa, sur les contreforts de la vallée du Jourdain, a lui aussi été ciblé.
Nassar écrit que l’armée israélienne a effectué des incursions et des frappes aériennes, détruit d’importantes infrastructures comme les lignes électriques et et les réseaux d’égouttage et de distribution d’eau, perquisitionné des maisons, arrêté des jeunes gens et déployé des snipers dans les zones résidentielles.
Près de 50 Palestiniens ont été tués dans ces zones et plus de 100 autres blessés.
Et, à Jérusalem occupée, deux propriétaires de la Librairie éducative ont été arrêtés et emprisonnés le 9 février, après que la police israélienne a perquisitionné leurs boutiques en ville et a jeté des livres par terre, accusant les propriétaires de vendre des ouvrages incitant au terrorisme, dont un livre à colorier destiné aux enfants et intitulé Du fleuve à la mer.
Les propriétaires, Mahmoud et Ahmed Muna, ont été libérés mardi et, selon leur avocat, le tribunal israélien les a accusés de troubler l’ordre public et a ordonné qu’ils soient placés en résidence surveillée pendant cinq jours.
Le tribunal les a également condamnés à ne pouvoir réintégrer leurs librairies pendant 20 jours.
Mise en exergue de la résilience
Finalement, comme nous le faisons chaque fois, nous avons voulu partager des images de personnes exprimant leur détermination et leur résilience dans le sillage des 15 mois de la campagne israélienne de destruction.
Un groupe d’enfants assis autour d’un feu de camp à Jabaliya, dans le nord de Gaza, s’est entretenu avec le journaliste Anas al-Sharif à propos des aspirations américano-israéliennes en vue de les expulser vers d’autres pays et de reprendre possession de Gaza.
Chaque fois d’Anas demande aux enfants s’ils envisagent de quitter le nord de Gaza, ils s’écrient tous à l’unisson :
« Non ! » « Laisse Trump aboyer tout ce qu’il veut », « On ne part pas. »
déclare un des enfants.
Ce texte provient de la synthèse de l’actualité proposée au cours du livestream du 13 février 2025. Visionnez la totalité de l’épisode ici.
*****
Publié le 14 février 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine