L’UE accueille « sans réticence » les apologistes du génocide
Bien que l’UE se targue d’une politique de lutte contre la désinformation, ses responsables ont toujours entretenu des relations amicales avec l’ACJ, une organisation de lobbying pro-israélienne.
David Cronin, The Electronic Intifada 16 avril 2025

Chuck Wald (à gauche) a cherché à excuser Israël pour ses tactiques génocidaires à Gaza. (Photo : Commandement européen de l’US Army)
Le nouveau rédacteur en chef du Jewish Chronicle ne s’est sans doute pas renseigné correctement sur le passé de cette publication, à moins qu’il n’ait recouru à une tromperie délibérée.
Quand il a repris la fonction en février, Daniel Schwammenthal avait affirmé que « ceci a toujours été et sera toujours un journal sioniste ».
C’était inexact.
The Jewish Chronicle a été fondé en 1841, plus de cinq décennies avant la publication du document fondateur du sionisme – « L’État juif », de Theodor Herzl. Loin d’être séduit par l’idéologie lors de ses premiers stades, le journal mettait en garde en disant que le sionisme était « mal perçu, rétrograde, impraticable et même dangereux ».
Schwammenthal a la réputation de dire des choses qu’il n’est pas à même d’étayer.
En octobre 2023, il tweetait : « Le Hamas a son quartier général » soit dans, soit sous l’hôpital Al-Shifa à Gaza. »
C’était un mensonge éhonté – proféré pour donner à Israël un prétexte pour s’en prendre aux prestataires de soins de santé, comme cela s’est fait avec une régularité terrifiante tout au long du génocide.
Lorsqu’il a sorti ce mensonge, Schwammenthal dirigeait le bureau bruxellois du Comité juif américain (ACJ), une organisation de lobbying pro-israélienne. Bien que l’Union européenne se targue d’une politique de lutte contre la désinformation, ses responsables ont toujours entretenu des relations amicales avec Schwammenthal en dépit de sa malhonnêteté.
Ces relations étaient si amicales que Schwammenthal avait invité certains de ces responsables à son raout d’adieu en février dernier – peu de temps avant qu’il ne s’en aille pour Londres, où se trouve le siège du Jewish Chronicle.
Son invitation promettait « de l’excellente nourriture israélienne, des boissons et, espérons-le, pas trop de discours ». Hélène Le Gal, directrice générale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du Service d’action extérieure de l’UE, faisait partie des personnes qui avaient accepté l’invitation.
Très accueillante.
Le Gal – anciennement ambassadrice de France en Israël, puis au Maroc – s’est montrée extrêmement accueillante à l’égard de l’AJC.
Vers la fin de l’an dernier, l’AJC avait arrangé une visite à Bruxelles pour Chuck Wald, un général américain à la retraite.
Bien que Wald ait joué un rôle important dans la guerre catastrophique contre l’Afghanistan, il est toujours traité comme une source crédible d’avis éclairés dans les questions militaires. Il faisait partie des « experts » chargés par l’Institut juif de la Sécurité nationale de l’Amérique (JINSA) – un autre groupe de pression – d’analyser l’actuelle guerre d’Israël contre Gaza.
Publié en mai 2024, le rapport du JINSA concluait que l’armée israélienne « a effectué sa mission en vue d’éliminer la menace du Hamas en faisant preuve d’une excellente opérationnelle et tactique ». Dans l’ensemble, Israël a respecté les lois relatives aux conflits armés, ajoutait le rapport.
Le rapport avait été publié quelques semaines après qu’Israël avait entamé une offensive terrestre contre la ville de Rafah, dans le sud. Cette offensive violente s’était traduite par des déplacements importants et avait rendu la distribution de l’aide plus cauchemardesque encore, provoquant une montée en flèche de la faim et de la malnutrition.
Si Le Gal s’était montrée loyale envers sa hiérarchie bruxelloise, elle aurait été outragée par la façon dont les « experts » comme Wald avaient cherché à excuser ces crimes contre l’humanité. Josep Borrell, à l’époque chef de la politique étrangère de l’UE, s’était prononcé contre l’invasion de Rafah en prédisant très correctement qu’elle allait se traduire par « de nombreuses victimes civiles ».
L’équipe de Le Gal avait néanmoins assuré à l’AJC qu’elle serait « ravie » de rencontrer Wald, rapporte un document obtenu via une requête introduite au nom de la liberté d’information. Alors que le nom de Wald figurait sur le document, les détails biographiques ajoutés correspondaient bien à son passé.
Wald et un expert militaire qui l’accompagnait seraient donc accueillis « sans réticence » au service diplomatique de l’UE, avait promis l’équipe de Le Gal. Cela signifie qu’au contraire de bien d’autres visiteurs, on ne leur demanderait pas de subir un contrôle de sécurité.
« Un accès aisé », sans réticence. L’expression est on ne peut plus éloquente.
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David Cronin est un journaliste et activiste vivant à Bruxelles. Il est l’auteur de l’ouvrage Europe-Israël : une alliance contre nature (Pluto, 2011). Son livre le plus récent s’intitule How Big Business Sets Policies on Food, Climate and War (Pluton, 2013).
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Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine