Israël cible des tentes occupées par des enfants
Israël a attaqué les moindres recoins de la bande de Gaza alors que, depuis près de sept semaines consécutives, il garde fermés tous les passages – interdisant ainsi l’entrée des vivres, du carburant, des médicaments, des véhicules nécessaires à la construction et des fournitures essentielles –, ce qui plonge les Palestiniens dans de multiples crises d’affamement, de déplacement et de traumatisme absolu.

Le ministère de la Santé de Gaza a condamné « le crime organisé d’affamement » perpétré par Israël, puisque les passages restent fermés depuis sept semaines. (Photo : Moiz Salhi / APA images)
Nora Barrows-Friedman, 18 avril 2025
Le texte qui suit est un condensé des informations communiquées lors du livestream du 17 avril. Vous pouvez voir l’émission au complet ici.
« Gaza a été transformée en une fosse commune pleine de Palestiniens et de personnes venues les secourir »,
a déclaré Amande Bazerolle, la coordinatrice des urgences de Médecins sans frontières (MSF) à Gaza.
« Nous assistons en temps réel à la destruction et au déplacement forcé de la totalité de la population de Gaza. »
Depuis qu’Israël a repris ses attaques à grande échelle le 18 mars, quelque 1 700 personnes ont été tuées et plus de 4 400 blessées, estime le ministère palestinien de la Santé, alors que les derniers hôpitaux à fonctionner partiellement restent privés de médicaments, de fournitures, de carburant, d’eau potable et sont bombardés et attaqués très régulièrement par les forces israéliennes.
Quelque 420 000 Palestiniens ont également été déplacés à nouveau, au cours des quatre dernières semaines d’attaques.
Jeudi 17 avril, avant l’aube, des frappes de l’aviation aérienne contre Gaza ont ciblé des familles déplacées vivant dans des tentes en trois endroits distincts : à al-Mawasi (Khan Younis) dans le sud de Gaza, à Deir al-Balah dans le centre et à Jabaliya dans le nord.
Des journalistes et des témoins oculaires ont rapporté que les tentes avaient été englouties par les flammes et que les victimes, dont de nombreux enfants, avaient été brûlées vives, dans le même temps que les gens des alentours tentaient désespérément de les sortir du brasier.
Un médecin du nord de Gaza, le Dr Ezzideen Shehab, qui a parlé de ce génocide dans les médias sociaux tout en soignant ses patients, avait déclaré en début de semaine qu’
« après 556 jours, Gaza n’est plus un endroit. C’est une expérience, une question posée à l’humanité : Combien de temps une population peut-elle être bombardée, affamée et déplacée avant qu’elle ne cesse d’exister ? Et comment tout cela peut-il se faire tranquillement avant que le monde n’en détourne les yeux pour de bon ? »
Yahya Sobieh, un journaliste photographe, a réalisé ces prises de vue dans la foulée d’une frappe de l’aviation israélienne sur une maison appartenant à la famille Hassouna à Gaza même, le 16 avril, et qui a tué 10 Palestiniens et en a laissé au moins 13 autres dans un état critique.
Dimanche 13 avril, juste après 1 h 30 du matin, l’armée israélienne a transmis des ordres d’évacuation forcée aux patients et au personnel médical se trouvant à l’intérieur de l’hôpital arabe Al-Ahli à Gaza.
Après quoi, Israël l’a bombardé, au cours d’une attaque qu’Euro-Med Human Rights Monitor a appelée
« le ciblage du dernier refuge de la ville de Gaza pour les malades et les blessés, qui devraient toujours être protégés, et du personnel médical œuvrant dans des conditions catastrophiques afin de sauver des vies ».
Dans l’obscurité, le personnel de l’hôpital et les patients ont été forcés de quitter l’hôpital sur des civières et à pied. Les avions de combat israéliens ont alors lancé deux missiles sur l’hôpital, détruisant complètement la laboratoire, la pharmacie et le département des urgences, rapporte l’organisation des droits humains Al Mezan.
L’église de l’hôpital et d’autres sections ont également subi de lourds dégâts, a ajouté Al Mezan. L’attaque s’est soldée par la mort d’un enfant de 13 ans, qui avait perdu l’accès à des soins médicaux urgents au cours de l’évacuation.
Selon le ministère palestinien de la Santé, l’attaque a complètement désactivé l’hôpital et a détruit ses services de tododensitométrie et de radiologie, les seuls qui étaient encore disponibles dans toute la ville de Gaza.
« L’hôpital Al-Ahli, fondé en 1882, est l’une des plus anciennes institutions médicales de Gaza. Affilié à l’Église épiscopale de Jérusalem, il a longtemps servi d’important fournisseur de soins de santé à la population de Gaza »,
a déclaré Al Mezan.
Il a été le premier hôpital à être bombardé par l’armée israélienne en octobre 2023, et cette première attaque d’il y a 18 mois avait tué des centaines de Palestiniens. Du fait qu’il n’y avait pas eu la moindre répercussion de la part de l’administration Biden ou du reste de la communauté internationale, Israël avait dès lors bombardé ensuite tous les hôpitaux et sites médicaux l’un après l’autre.
Avec l’attaque de dimanche, c’était la cinquième fois que l’hôpital Al-Ahli était bombardé.
Le Dr Sam Attar, un médecin installé à Chicago et qui travaille à l’hôpital Al-Ahli, a enregistré un message du correspondant de Sky News, Alex Crawford, un peu plus tard dans la journée, après les attaques. On peut entendre les drones israéliens qui vrombissent au-dessus des têtes.
Mardi 15 avril, Israël a bombardé l’hôpital de campagne koweïtien à Khan Younis, tuant un travailleur médical et blessant une dizaine de personnes.
Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré que l’attaque
« confirmait l’intention délibérée de l’occupation d’infliger de plus grands dégâts encore au système des soins de santé et de menacer le traitement des blessés et des malades, même dans les lits d’hôpital ».
Le ministère a mis en garde en disant que les crimes contre les installations médicales
« ne cesseraient pas tant qu’il n’y aurait pas de prise de position ferme de la part des institutions internationales et humanitaires ».
« Un effondrement complet de l’aide humanitaire »
Du fait des fermetures en cours des passages par Israël, qui empêchent l’entrée de toute forme d’aide humanitaire, le directeur des hôpitaux de campagne à Gaza a expliqué à Al Jazeera qu’ils avaient perdu 99 pour 100 des services de cathétérisme et de chirurgie du cœur à Gaza.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré le 16 avril que la situation de la santé
« entrait dans une phase d’effondrement complet sur le plan humanitaire en raison de la politique de blocage systématique et d’affamement imposée par l’occupation israélienne aux civils et aux habitants de la bande de Gaza ».
Les longues files aux quelques points de distribution de vivres restants
« sont devenues une scène quotidienne tragique dans tous les gouvernorats de la bande de Gaza », a ajouté le bureau des médias.
« L’occupation a ciblé plus de 37 centres de distribution d’aide et 28 banques alimentaires, qui ont été bombardés et rendus inutilisables et ce, dans le cadre d’un plan systématique en vue d’imposer la famine comme outil dans la guerre contre les civils. »
« Ce qui se produit dans la bande de Gaza n’est pas une crise passagère »,
a déclaré le bureau,
« mais plutôt un crime d’affamement organisé qui équivaut à un crime de guerre perpétré par les forces d’occupation israéliennes avec la complicité internationale et ce, en plein silence ».
L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, a rapporté cette semaine que les pénuries de médicaments résultant du blocus imposé par Israël menaient tout droit à une catastrophe.
L’agence a dressé le profil de plusieurs enfants qui visitent ses antennes médicales afin de faire traiter leurs brûlures et de recevoir des médicaments essentiels.
Un médecin qui dirige l’une des cliniques médicales de l’agence à Gaza même a déclaré qu’
« établir les protocoles médicaux standards n’était tout simplement pas possible ici ».
« De plus, les médecins et les thérapeutes ont eux-mêmes été déplacés, ils ont perdu leurs maisons, mais ils continuent quand même à venir travailler chaque jour, à fournir des soins médicaux à tous ceux qui en ont besoin. Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais les pénuries sévères de médicaments, d’antidouleurs et d’autres fournitures médicales essentielles posent une grave menace à l’encontre des vies de nos patients et elles exacerbent en outre cette crise médicale. »
Le 12 avril, le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré qu’outre l’interdiction d’entrée de tous les vivres et médicaments, plus de 2 millions de Palestiniens à Gaza étaient privés d’eau potable,
« ce qui transformait l’eau en un outil du génocide et en une arme qui tuait lentement ».
Israël a systématiquement ciblé les infrastructures de l’eau, coupé les lignes de distribution, détruit les stations et puits d’eau, tué des agents chargés des réparations et coupé l’électricité et le carburant nécessaire au fonctionnement des sites de distribution et de traitement de l’eau, a déclaré le bureau des médias.
Le bureau a affirmé que
« le fait qu’Israël prive délibérément d’eau la population constitue un crime de guerre, d’après le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), ainsi qu’un crime de génocide, comme l’ont conclu les rapports de la Commission internationale d’enquête de l’ONU, et une violation flagrante des mesures de précaution édictées par le Cour internationale de Justice (CIJ), qui demandait que soit garanti un accès sans entrave à l’eau et à la nourriture pour les habitants de Gaza ».
Un journaliste tué
Cette semaine, Israël a tué une journaliste à Gaza.
Le 16 avril, la journaliste photographe Fatima Hassouna a été tuée en même temps que toute sa famille par une frappe israélienne contre leur maison à al-Tuffah, un quartier de la ville de Gaza.
Son collègue, Anas al-Sharif, a rédigé ce post en son honneur :
Fatima Hassouna la photographe gazaouie qui n’a pas quitté le terrain depuis le début du génocide, a documenté les massacres avec son objectif sous les bombardements et les tirs. Elle portait la douleur et les cris du peuple dans ses photos, et affrontait la mort quotidiennement sans reculer, jusqu’au jour où l’occupation israélienne commettait son dernier massacre contre elle. Elle a été prise pour cible ainsi que sa maison et elle et dix membres de sa famille ont été martyrisés. L’occupation ne tue pas seulement l’être humain, mais elle tue la voix, l’image et la vérité. »
Fatima Hassouna
Les prisonnier.e.s palestinien.ne.s
Ce jeudi 17 avril, c’était la Journée des prisonnier.e.s palestinien.ne.s. Selon Addameer, l’organisation de défense des droits des prisonniers palestiniens, 64 prisonniers et détenus palestiniens sont morts dans les prisons et camps de détention israéliens depuis le 7 octobre 2023. Ce chiffre inclut au moins 40 Palestiniens de Gaza et un enfant.
Le centre juridique Adalah dit qu’il s’agit d’
« un chiffre énorme qui reflète l’ampleur de la violence, de la négligence médicale et des conditions épouvantables auxquelles sont confrontés les Palestiniens dans les prisons israéliennes ».
En avril 2025, d’après l’organisation de défense des droits HaMoked, le Service carcéral israélien (IPS) détient près de 9 800 Palestiniens sous la classification de détenus et prisonniers « sécuritaires ».
« Les prisons et camps de détention israéliens ont été transformés en lieux de vengeance, où d’épouvantables méthodes de torture et autres assassinats extrajudiciaires sont devenus monnaie courante »,
déclare Addameer.
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Publié le 18 avril 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine