À Bruxelles, la police arrête le militant palestinien Mohammed Khatib dans la rue

Si les autorités belges connaissent le moindre succès en muselant Mohammed Khatib et Samidoun, nous devons nous poser la question : Qui sera la prochaine personne arrêtée ?

 

Mohammed Khatib s'exprimant lors d'une précédente manifestation à Bruxelles.

Mohammed Khatib s’exprimant lors d’une précédente manifestation à Bruxelles.

 

David Cronin, 22 avril 2025

 

L’arrestation du militant palestinien Mohammed Khatib à Bruxelles me remplit de crainte.

Cela me remplit de crainte non seulement parce que je connais Mohammed Khatib et que je l’aime beaucoup mais, depuis quelque temps, je suis inquiet à propos des menaces que nombre de politiciens belges de droite ont proférées à son encontre.

Cela me remplit de crainte parce qu’il pourrait bien s’agir du début de quelque chose de plus grand et de bien plus odieux.

Mohammed Khatib a été arrêté par la police après avoir quitté une manifestation contre les attaques génocidaires d’Israël à Gaza.

Réfléchissez un instant au genre de signal qui nous est ainsi adressé.

La cosmopolite et libérale Bruxelles est une ville où la police peut mettre le grappin sur les personnes d’avis divergents alors qu’elles déambulent dans les rues.

Bien que Khatib ait été relâché très tôt le lendemain matin, nous pouvons être sûrs que l’histoire n’est pas terminée pour autant. Le tout nouveau gouvernement belge a laissé entendre clairement qu’il voulait interdire Samidoun, l’organisation représentée par Mohammed Khatib.

Cela fait longtemps que Samidoun est dans le collimateur du lobby pro-israélien, qui dépeint faussement l’organisation comme une menace pour les juifs tout en se basant sur leur ethnicité ou leur religion.

La seule « preuve » présentée par le lobby réside dans les déclarations de soutien émises par Samidoun en faveur de la résistance armée palestinienne.

L’Assemblée générale des Nations unies a maintes fois reconnu que les gens qui vivent sous un régime d’apartheid et une occupation militaire ont le droit de résister, y compris par la lutte armée.

Défendre ce droit ne devrait pas constituer matière à controverse à Bruxelles, une ville qui a été placée sous occupation militaire par l’Allemagne nazie il y a 85 ans. Dans bien des endroits de la ville, il est impossible de faire quelques pas sans découvrir sous les yeux des plaques honorant les victimes des nazis.

L’arrestation de Mohammed Khatib illustre que ces plaques et les messages qu’elles transmettent sont ignorés.

Les autorités belges ne prennent pas fait et cause pour les Palestiniens qui, en plein 21e siècle, subissent un holocauste à Gaza, ni pour leurs partisans dans le monde entier. Elles ont choisi le camp d’Israël – l’État même qui perpètre cet holocauste – et son réseau de lobbyistes.

 

Qui sera la prochaine personne arrêtée ?

Si les autorités belges connaissent le moindre succès en muselant Mohammed Khatib et Samidoun, nous devons nous poser la question : Qui sera la prochaine personne arrêtée ?

Tous les participants aux campagnes de solidarité avec la Palestine courent ce risque.

Et la Palestine n’a rien d’une question hermétiquement close. Le combat pour la justice et l’égalité entre le Jourdain et la Méditerranée ne peut être dissocié des autres luttes contre l’oppression, la paupérisation et la dégradation environnementale.

À Bruxelles, les protestations de soutien aux droits palestiniens ont été diversifiées. Comme dans bien d’autres villes, elles ont rassemblé des musulmans, des juifs, des chrétiens, des non-croyants, des syndicalistes, des féministes et des militants LGBTQ.

Si les autorités intensifient la répression à l’encontre des militants des droits palestiniens, on doit se poser la question : Qui va suivre ?

Le nouveau gouvernement belge a été baptisé Arizona du fait que les couleurs des partis de la coalition au pouvoir ressemblent à celles du drapeau de cet État.

Les connexions sont emblématiques d’une autre manière.

Arizona est aujourd’hui synonyme de militarisation des frontières. Bruxelles accueille des institutions qui ont fait de la militarisation des frontières de l’Union européenne une priorité dans laquelle le courant politique dominant est pleinement engagé aujourd’hui.

Les armes et la technologie de surveillance israéliennes testées sur les Palestiniens sont utilisées dans un processus de militarisation tant en Europe que le long de la frontière entre les EU et le Mexique.

Alors que le siège de Frontex – l’agence de surveillance des frontières de l’UE – se trouve à Varsovie, la politique qu’elle applique est décidée à Bruxelles. La « valeur » réelle de l’agence sera soulignée la semaine prochaine quand elle sera l’institution européenne la plus visible de la conférence sur l’industrie de l’armement qui doit se tenir à Copenhague.

L’une des armes utilisées par Frontex pour traquer les réfugiés est un drone israélien.

C’est un exemple de la flexibilité israélienne : des outils de l’occupation et même du génocide peuvent être adaptés à de multiples finalités.

Mohammed Khatib a le droit absolu de vivre et d’être actif politiquement en Belgique.

La façon dont il a été arrêté cette semaine montre bien le peu de cas que l’on fait des droits fondamentaux, en les bafouant de la sorte.

Ce serait bien si les Européens pouvaient tout simplement sortir de chez eux pour boire une bière ou déguster une crème glacée et célébrer le fait que nous sommes mieux ici qu’en Amérique. La vérité, c’est qu’une telle complaisance serait insensée.

L’arrestation de Mahmoud Khalil – titulaire d’une carte verte américaine – à propos de son rôle dans les protestations de New York, a quelque chose d’effrayant.

Jusqu’à présent, rien d’aussi extrême ne s’est encore produit en Europe. La répression est néanmoins très forte.

En Allemagne, des citoyens d’autres pays de l’Union européenne doivent aujourd’hui affronter la déportation pour avoir défendu les droits palestiniens. L’Allemagne considère le fait de prendre fait et cause en permanence pour Israël comme une Staatsräson – une raison d’État – et Dieu vienne en aide à toute personne qui pense autrement.

L’Allemande Ursula von der Leyen est la femme politique la plus puissante de l’UE – ou du moins est-ce ainsi qu’elle se comporte. Malgré son différend avec Donald Trump à propos des tarifs douaniers, son agenda présente de fortes similitudes avec celui du président américain.

Trump et son équipe expulsent joyeusement des gens hors des EU et les envoient dans des camps de concentration au Salvador.

Von der Leyen et son équipe sont bien décidés à expulser autant de gens que possible hors de l’UE. La liste des pays qu’elles viennent d’établir comme étant « sûrs » pour des expulsions inclut l’Égypte, le Maroc, l’Inde et la Tunisie.

Aucun de ces pays ne peut être sérieusement considéré comme sûr pour des personnes qui défient leurs gouvernements.

Rares sont les endroits sûrs, de nos jours. Et quand la police sent qu’elle peut tout simplement se saisir de personnes dans les rues de Bruxelles, l’Europe est tout ce que vous voulez, sauf sûre.

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Publié le 22 avril 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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