Janna Jihad : rencontre avec une journaliste de 10 ans

Nabi Saleh, Cisjordanie occupée – La jeune Palestinienne Janna Jihad Ayyad, qui vient d’avoir 10 ans ce mois-ci, fait partie des plus jeunes journalistes de la planète.Résidant dans le village de Nabi Saleh, en Cisjordanie occupée, Janna, comme bien d’autres enfants de l’endroit, participe régulièrement à des manifestations contre l’occupation israélienne. Elle a commencé à réaliser des vidéos de ce qui se passe dans son village alors qu’elle n’avait que sept ans.

Janna Jihad – une photo de sa page Facebook

Janna Jihad – une photo de sa page Facebook

« Il n’y a pas beaucoup de journalistes qui envoient notre message de la Palestine vers le monde et j’ai donc pensé :  »Pourquoi ne pas envoyer le mien… et leur montrer ce qui se passe dans mon village ? » », a expliqué Janna à Al Jazeera.

Alors qu’il n’y a pas de journalistes dans la famille de Janna, son oncle, Bilal Tamimi, est photographe et il a beaucoup montré la violence des soldats israéliens à Nabi Saleh. Janna s’est en partie inspirée de lui.

« Je parle de ce qui se passe », a expliqué Janna. « Je vois une occupation, des soldats, des canons et la police. Ils font un tas de choses pour nous faire partir de notre terre. »

« Nous ne pouvons enseigner le silence à nos enfants ; ils doivent se battre pour leur liberté. »  Bilal Tamimi, l’oncle de Janna

La mort de deux hommes de son village – son cousin, Mustafa Tamimi, et un autre oncle, Rushdie Tamimi – l’a incitée à se mettre à rapporter tout ce qui se passait à Nabi Saleh. Mustafa (voir ci-dessous) avait été tué par une grenade à gaz et Rushdie par une balle dans les reins.

Depuis lors, Janna, la cousine d’Ahed Tamimi a développé son travail, en voyageant avec sa famille et en utilisant l’iPhone de sa mère pour réaliser des vidéos à Jérusalem, Hébron, Naplouse et en Jordanie. Ses vidéos montrent tout sur les gens qui sont arrêtés aux check-points, sur les marches de protestation et sur la violence contre les enfants palestiniens.

En tant qu’enfant, elle perçoit qu’elle a un avantage sur les journalistes adultes : « Les soldats attrapent les journalistes adultes et ils leur prennent leurs caméras. »

Sur Facebook, Janna se décrit comme une personnalité de l’information et plus de 22 000 personnes ont été attirées par sa page, qui comprend plusieurs vidéos d’elle-même lorsqu’elle participe à des manifestations et qu’elle se trouve en face de soldats israéliens. Ses reportages sont proposés à la fois en arabe et en anglais.

« Ma caméra, c’est mon fusil », explique Janna. « La caméra est plus forte que le fusil… Je peux envoyer mon message aux gens ordinaires et ils peuvent le transmettre à d’autres. »

Sa mère, Nawal Tamimi, dit qu’elle est à la fois effrayée et fière de sa petite fille.

«  Je suis fière de ma fille parce que, en tant qu’enfant, elle transmet son message au monde. Elle partage ses craintes, ce qu’elle ressent, et les problèmes qu’il y a pour aller à l’école », a déclaré Nawal à Al Jazeera.

« Mais j’ai peur pour elle, quand l’armée débarque au milieu de la nuit et qu’elle lance des gaz lacrymogènes contre notre maison, et que nous nous éveillons dans la fumée… Ils attaquent nos amis qui manifestent contre les colons et contre l’occupation israélienne. »

L’oncle de Janna, Bilal, explique qu’il a été difficile d’accepter le travail de Janna. « Elle devrait jouer et étudier mais, dans notre vie, il n’y a pas de choix », a-t-il dit à Al Jazeera, faisant également remarquer que la famille a derrière elle toute une histoire de militantisme qui remonte à 1948. « Nous devons enseigner à nos enfants de ne pas accepter l’humiliation et de ne pas se conduire en lâches. Nous sommes sous occupation. Nus ne pouvons enseigner le silence à nos enfants ; ils doivent se battre pour leur liberté. »

Quand elle sera plus grande, Janna dit qu’elle aimerait travailler pour CNN ou Fox News car « ils ne parlent pas de la Palestine, et je veux faire des reportages sur la Palestine ».

Quand on lui demande à quoi ressemblerait à ses yeux un monde idéal, Janna, sans la moindre hésitation, répond comme un enfant de 10 ans : « Je voudrais qu’il soit rose. »


Publié le 28 avril 2016 sur Al Jazeera
Traduction : Jean-Marie Flémal

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