Rencontre avec Salah et Samira Salah à Beyrouth

Comme toujours lors de nos visites et entretiens au Liban (*), nous sommes très bien reçus : plateau de fruits sur la table, café, thé et eau à disposition.Dès le départ de l’entretien, je suis frappé par le respect, la complicité et la complémentarité entre les deux époux. Je découvre (et ce sera confirmé plusieurs fois en cours de semaine), la place prise par/réservée à la femme libanaise/palestinienne par rapport à celle de l’homme.

Brève histoire personnelle

Photo : Karin Lameir

Salah Salah est né en 1936 à Khoueir Abu Shoushih, à 10 kms de la ville de Tibériade, village de Bédouins. La Palestine était alors sous mandat britannique.
Ce qu’il ne nous a pas raconté : son père a été arrêté par les soldats britanniques ; torturé sauvagement par ceux-ci, il en est mort.

Lors de la Nakba de 1948, Salah Salah a 12 ans ; il a dû quitter la Palestine à pied, comme des centaine de milliers d’autres Palestiniens, pour se réfugier d’abord près de Tyr (Sour) puis dans le camp de Ein el-Hilweh près de Saïda, avec son oncle, dans une « tente ouverte » à tout palestinien.

Son épouse, Samira Salah, est également née près de Tibériade mais elle a d’abord fui en Jordanie avant de rejoindre le Liban.

Salah Salah insiste sur la trahison des pays arabes dès le départ de la Nakba, ces pays (par exemple l’Arabie Saoudite) étant plus soucieux d’assurer leur propre sécurité que de défendre les Palestiniens. L’armée «arabe» de secours est dirigée par un britannique, ses armes sont inutilisables (les munitions ne correspondent pas aux armes fournies…).

Les camps de réfugiés

Dans les camps de réfugiés au Liban, ce sont des tentes de qualité variable qui sont disponibles, sans électricité ni eau. Quelques rares bains publics sont disponibles.
Les Palestiniens se mettent ensuite à construire dans les camps, au fil des années de non-retour, des maisons « en dur » avec des briques constituées de paille et de boue, toit en tôle (toit en dur interdit pour empêcher la construction d’étage(s)). Les soucis d’électricité et d’égouttage restent importants. Une « autorité palestinienne » se crée, dominée par les grandes familles, avec sa propre police et pour l’organisation des camps en matière de sécurité/le contrôle ; les domaines de la santé et de l’enseignement sont eux pris en charge par l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) sous contrôle libanais.

De 1950 à 1958, des comités de travailleurs et d’étudiants sont établis :  ils réglaient les problèmes sans cette “autorité palestinienne” qui était désignée par l’autorité libanaise.

En 1958, lors de conflits internes au Liban entre un côté druze (Kamal Joumblatt) et un côté « loyaliste » (chrétien maronite), intervention américaine et instauration d’une autorité militaire dans les camps palestiniens au Liban : les camps sont gardés, il est interdit de se rassembler à plus de 3 personnes, de lire le journal en ru ; un couvre-feu est instauré, il faut un permis pour voyager d’un camp à un autre.

En 1967, c’est la guerre des 6 jours; les Israéliens prennent le contrôle de l’ensemble de la Palestine ex-mandataire. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est créée au Caire ; différentes factions palestiniennes y collaborent, dont le Fatah de Yasser Arafat qui prône la lutte armée contre Israël et le FPLP ; différentes autres factions palestiniennes voient également le jour.

En 1990-91, à la fin de la guerre civile, l’armée libanaise reprend le contrôle de l’accès (entrées/sorties) mais pas de la sécurité intérieure de la plupart des camps palestiniens, dont celui de Ein el-Helweh.

Droits des Palestiniens au Liban

La législation libanaise concernant les réfugiés palestiniens limite leur accès au monde du travail (refus pour certaines professions : médecin, architecte, ingénieur, pharmacien, avocat, en tout une cinquantaine de professions), à l’éducation (avec des modifications à chaque changement de ministre), à la mobilité internationale, aux services sociaux (pas de sécurité sociale ni de droit à la retraite), ainsi qu’à la propriété. Ils n’ont pas le droit d’acquérir la nationalité libanaise. Sur plus d’un million et demi d’étrangers au Liban, actuellement (2019) environ 250.000 sont palestiniens. Les autres communautés étrangères importantes au Liban proviennent d’Afrique noire ou d’Asie. De nombreux Palestiniens vivent en dehors des camps et plus encore ont quitté le Liban et la Palestine occupée (voir encart « La diaspora palestinienne »). Des sommes d’argent importantes rentrent, via cette diaspora, dans les familles réfugiées au Liban et donc dans les caisses de l’Etat libanais.

L’UNRWA et reconnaissance des droits des palestiniens au Liban

Les moyens financiers de l’UNRWA sont insuffisants, surtout depuis les restrictions de la contribution des USA. Il n’existe pas de pression du gouvernement libanais sur les Nations Unies pour améliorer le niveau de vie dans les camps. Au contraire du Liban, la Syrie reconnait les Palestiniens sur son territoire. Il existe, au Liban, un comité de dialogue libanais/palestiniens… sans Palestiniens. Les bonnes résolutions émises par ce comité ne débouchent pas sur des décisions pratiques. Il existe quelques ASBL palestiniennes avec une majorité de Libanais dans les créateurs de celles-ci. Il existe des associations regroupant des femmes libanaises et palestiniennes, revendiquant l’interdiction de mariage de mineures, réclamant la possibilité d’un mariage civil entre palestinien et libanais, luttant contre la violence faite aux femmes.

Le ministre responsable a émis des décisions favorables pour l’engagement professionnel des Palestiniens mais celles-ci attendent toujours des lois allant dans le même sens

Salah Salah et les responsabilités politiques

Salah Salah s’est très tôt engagé politiquement : dès le début (1964) de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), il a eu une responsabilité dans son bureau de Beyrouth. En 1967, il a participé à la fondation du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Il y a occupé des fonctions de direction jusqu’en 1992. Il a été élu à la direction de l’OLP en 1972. Il a démissionné de certaines de mes fonctions à la suite des accords d’Oslo. Il est membre du Conseil national palestinien depuis 1970. Il est toujours président du Comité permanent des réfugiés et, depuis 1989, président de l’association d’amitié entre Cuba et la Palestine.



Il a également été fort actif de 1964 à 1972 dans la confédération syndicale palestinienne.

Samira Salah et les responsabilités politiques.

Samira Salah est militante du FPLP, elle fait partie de la section politique des relations internationales et s’est spécialisée dans le Droit au travail et le Droit à la propriété des réfugiés palestiniens.

Accueil de la délégation dans la maison de Salah et Samira Salah. Photo : Karin Lameir.


Références complémentaires pour l’écriture de ce document :

Salah Salah : “J’avais 12 ans en 1948”. Propos recueillis par Jean-Pierre Barrois pour Informations Ouvrières n° 116. Rencontre avec Salah Salah.

Réunion publique avec Salah Salah à la Mairie de Saint-Girons.

(*) L’auteur, Pierre Chevalier, faisait partie d’une délégation de dix personnes de la Plate-forme Charleroi-Palestine, qui s’est rendue dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, du 2 au 10 mars 2019 ; la rencontre a eu lieu le 4 mars 2019

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