Hormis son cinéma, Macron soutient l’apartheid israélien

Ali Abunimah

Le président Emmanuel Macron y est allé d’une scène à Jérusalem-Est occupée, ce mercredi, quand, avec colère, il a enjoint aux agents israéliens de la sécurité de sortir de l’église de Sainte-Anne, un lieu traditionnellement sous contrôle français : « Tout le monde connaît les règles. Je n’aime pas ce que vous avez fait en ma présence », a ordonné Macron. « Sortez d’ici ! Sortez! »

Une vidéo de l’incident n’a pas tardé à circuler, faisant des comparaisons avec une confrontation étonnamment similaire quand, en 1996, Jacques Chirac, d’un des prédécesseurs de Macron, avait visité Jérusalem.

Nombre d’observateurs ont suggéré qu’en exprimant en anglais, Macron avait adopté un accent français plus prononcé, destiné à imiter Chirac.

Personne ne devrait confondre la colère théâtrale de Macron – pas plus que de celle de Chirac, d’ailleurs – avec une volonté de s’en prendre à Israël en raison de ses crimes contre les droits humains des Palestiniens.

Macron pense que les « règles » sont importantes, mais apparemment pas quand il est question de mettre un terme aux incessantes violations des lois internationales par Israël.

Une exploitation cynique de l’holocauste

Le président français est dans la région pour assister à un événement accueilli par Israël afin de commémorer le 75e anniversaire de la libération par les Soviétiques d’Auschwitz, le camp de la mort situé en Pologne et où le gouvernement allemand a assassiné plus d’un million de personnes au cours du génocide chrétien européen des Juifs d’Europe.

Israël exploite avec cynisme cet événement solennel non pas pour promouvoir le respect des droits de l’homme, mais comme une opportunité de favoriser sa propre criminalité.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou utilise le rassemblement pour pousser les dirigeants mondiaux contre la Cour pénale internationale, qui enquête sur les allégations de crimes de guerre par Israël.

Les fondateurs de la CPI ont estimé que sa genèse et sa légitimité étaient enracinées dans les procès de Nuremberg contre les dirigeants nazis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Toutefois, loin d’être parfaite – étant donné sa nette tendance jusqu’à présent à surtout poursuivre des Africains – la CPI fait partie de l’architecture de la justice internationale qui cherche à tirer les leçons des atrocités du passé et à empêcher leur répétition.

Mais, aux yeux d’Israël, la cour est une nuisance qui entrave la voie de sa liberté de commettre impunément des atrocités contre les Palestiniens.

Promouvoir l’annexion

Netanyahou peut également utiliser le forum de l’Holocauste pour inciter les dirigeants mondiaux à appuyer un autre crime de guerre majeur : l’annexion prévue par Israël de parties importantes de la Cisjordanie occupée.

Plutôt que de rejeter ces plans, Macron a déjà tiré profit de sa visite pour avaliser les mesures racistes d’Israël à l’encontre des Palestiniens.

Lors de sa rencontre avec le président israélien Reuven Rivlin, Macron a affirmé une fois de plus qu’il n’y avait « pas de différence entre l’antisionisme et l’antisémitisme ».

En décembre, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution associant antisionisme et antisémitisme – bien que la plupart des députés n’aient pas participé au vote.

Alors que ce point de vue est très encouragé par Israël et son lobby dans toute l’Europe, il s’agit d’une distorsion perverse de la réalité.

L’antisémitisme, qui doit être condamné comme toute autre forme de racisme, peut-être défini directement comme un préjugé ou une haine des juifs uniquement parce qu’ils sont juifs.

L’antisionisme, au contraire, signifie l’opposition à l’idéologie de l’État d’Israël.

Macron soutient le racisme d’Israël

Comme je l’ai déjà expliqué précédemment, le sionisme est raciste.
Les sionistes croient que les juifs devraient avoir un État bien à eux au sein de la Palestine historique. Et la politique d’Israël est que les juifs doivent garantir ce « droit » à tout prix et par virtuellement tous les moyens nécessaires.

Toutefois, vu que la population indigène musulmane et chrétienne de la Palestine était – et est toujours, quand les réfugiés palestiniens vivant en exil forcé sont pris en compte – à grande majorité non juive, le sionisme est intrinsèquement discriminatoire.

Les milices sionistes n’ont pu établir Israël en tant qu’État juif qu’en 1948, en perpétrant la Nakba, c’est-à-dire l’expulsion de quelque 800 000 Palestiniens et la destruction de centaines de villes et de villages.

Jusqu’à ce jour, Israël n’a été capable de maintenir sa majorité juive – créée à l’origine par une épuration ethnique – qu’en empêchant le retour des réfugiés palestiniens – et ce, en violation des lois internationales – uniquement parce qu’ils ne sont pas juifs.

Israël poursuit inlassablement le but sioniste d’un État à majorité juive par le biais de mesures manifestement racistes allant de lois d’apartheid contre les Palestiniens jusqu’à des massacres récurrents dans la bande de Gaza.

Régulièrement, les dirigeants israéliens envisagent une expulsion de masse ou une tentative de forcer les Palestiniens à un autre exode massif afin de garantir une majorité juive dans l’État d’Israël.

Mais il s’avère que même les organismes officiels israéliens admettent que dans toute la Palestine historique, les Juifs israéliens sont déjà une minorité excerçant le pouvoir sur une majorité palestinienne privée de ses droits les plus fondamentaux.

Par conséquent, l’opposition au sionisme est une position fondamentalement antiraciste. Les Palestiniens issus de tous les contextes politiques ont montré plus qu’à suffisance qu’ils n’ont pas de différend avec les juifs en tant que juifs, mais bien avec Israël et sa politique de violence raciste.

Comme le montre le passé israélien long de plusieurs décennies, le sionisme est incompatible avec le respect des lois internationales, des droits humains universels et de l’égalité.

Pourtant, en prétendant qu’antisionisme et antisémitisme sont la même chose, Macron affirme effectivement qu’il est raciste de s’opposer au racisme israélien.

Le sionisme est en outre rejeté par un nombre significatif de juifs. Alors que bien des juifs laïcs s’y opposent sur des bases politiques – qui les poussent à rallier des organisations antisionistes comme Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix) – un grand nombre de juifs religieux rejettent le sionisme sur des bases théologiques.

Tout effort pour assimiler les juifs et le judaïsme, d’une part, à Israël et le sionisme, d’autre part, est intrinsèquement antisémite.

Ironiquement, ce sont les antisémites et les plus fervents supporters d’Israël qui insistent sur cette assimilation.

Il s’ensuit dès lors que la politique de Macron, comme celle de la plupart des autres dirigeants occidentaux, est fidèlement pro-israélienne tout en étant antijuive et antipalestinienne.


Publié le 23 janvier 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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