Le rejet du droit des Palestiniens à un travail décent et la complicité de l’Europe

European trade union network for justice in Palestine oeuvre pour un travail décent pour les travailleurs palestiniens

 

Le rapport La complicité de l’Europe dans l’occupation de la Palestine par Israël : Le rejet du droit des Palestiniens à un travail décent, met en lumière les multiples facettes d’un système israélien de répression et d’exploitation qui empêche les travailleurs palestiniens de revendiquer leur droit au travail et à l’emploi.

Il situe leur lutte dans le contexte du régime colonial d’implantation d’Israël, tout en mettant en évidence la manière dont la complicité de l’Union européenne (UE) et du monde européen des entreprises perpétue cette réalité.

Le rapport montre clairement que le financement par l’UE des sociétés d’armement israéliennes et d’autres sociétés actives dans les colonies illégales implique une complicité directe dans les violations par Israël des droits palestiniens, dont le droit à l’existence, à la prospérité économique, au développement et à un travail décent.

Le rapport se termine sur une série de recommandations à l’adresse de l’UE et des États européens, ainsi que sur un appel au mouvement syndical en vue d’entreprendre des actions concrètes en solidarité avec les Palestiniens dans leur lutte pour la liberté, la justice et la dignité.

En décembre 2019, le rapport a été officiellement lancé au Parlement européen à Bruxelles.

Présentation au parlement européen du rapport "La complicité de l'Europe dans l'occupation de la Palestine par Israël : Le rejet du droit des Palestiniens à un travail décent"

Présentation au parlement européen du rapport « La complicité de l’Europe dans l’occupation de la Palestine par Israël : Le rejet du droit des Palestiniens à un travail décent »

L’événement, accueilli par la députée européenne Marie Arena (S&D) de Belgique, avec la participation de Pablo Sanchez Centellas (EPSU), Denis Keane (Forsa), Koen Vanbrabandt (La Centrale Générale FGTB), Riya Al-Sanah (auteure du rapport) et le professeur Tom Moerenhout, a rassemblé des représentants de diverses organisations syndicales européennes, de la société civile ainsi que plusieurs députés européens.

Le résumé du rapport

Complicité européenne avec l’occupation israélienne: saper le droit des Palestiniens à un travail décent

Depuis plus de 52 ans, Israël soumet le peuple et l’économie des territoires palestiniens à une occupation militaire violemment répressive et est responsable de politiques d’exploitation, y compris le crime d’apartheid, au profit de son intérêt géopolitique et économique.

Cela a eu un impact dévastateur sur la vie palestinienne, les aspirations collectives et le développement économique.

Aujourd’hui, les Palestiniens des territoires occupés souffrent d’un chômage chronique «à un niveau rarement observé depuis la Grande Dépression»1, et leur économie est structurellement subordonnée et dépendante d’Israël pour sa survie au quotidien et pour l’emploi.

Ce rapport met en lumière le système multiforme de répression et d’exploitation israélien qui empêche les travailleurs palestiniens de revendiquer leur droit au travail et à l’emploi.

Il situe leur lutte dans le contexte du régime colonial israélien, tout en soulignant comment la complicité de l’Union européenne (UE) et des entreprises européennes perpétue cette réalité.

Aujourd’hui, les Palestiniens des territoires occupés (Gaza et Cisjordanie) subissent un régime militaire brutal et sont confrontés à une réalité économique dramatique et à un chômage de masse.

En 2018, le territoire palestinien affichait le taux de chômage le plus élevé du monde avec 40,8%.

En Cisjordanie, quelques 17,6% de la population active totale et 28,2% des femmes étaient au chômage.

À Gaza, les données montrent une réalité encore plus violente avec presque un travailleur sur deux au chômage et deux tiers de toutes les travailleuses sans emploi.

Les niveaux de croissance économique sont catastrophiques, l’Autorité palestinienne étant chroniquement dépendante des transferts depuis l’étranger.

Cela a un impact dévastateur et tangible sur la vie des gens.

Selon les dernières données disponibles de 2017, quelque 29,2% des Palestiniens dans le territoire palestinien vivaient en dessous du seuil de pauvreté, tandis que 53% des Gazaouis vivaient dans la pauvreté.

Ceux qui ont la chance d’avoir un emploi sont principalement employés dans les secteurs du commerce et des services.

La majorité des personnes employées, plus de 62,6%, travaillent dans le secteur privé.

Comme dans d’autres parties du monde, l’emploi dans le secteur privé peut être très exploiteur.

Environ 30 % des personnes employées dans le secteur privé reçoivent moins que le salaire minimum de 359 € par mois, en soi bien en dessous du seuil de pauvreté palestinien officiel de 611 € par mois pour un ménage de cinq personnes.

Le secteur privé comme le secteur public se caractérisent par un manque de droits fondamentaux des travailleurs et un très faible taux de syndicalisation à 19,3 %.

Structurer la captivité économique d’une population occupée

Le manque de possibilités d’emploi au sein de l’économie palestinienne pousse les Palestiniens à chercher un emploi sur le marché israélien, à la fois dans les colonies illégales et en Israël.

Il y a plus de 100 000 travailleurs palestiniens (13% de la main-d’œuvre palestinienne) employés sur le marché israélien dans des conditions précaires et d’exploitation.

Cette réalité est le résultat direct des politiques israéliennes mises en œuvre pour créer une dépendance artificielle des Palestiniens.

Ces politiques ont été cimentées par les accords d’Oslo de 1993 et leur annexe économique, le protocole de Paris, principal document réglementant les relations économiques entre Israël et l’Autorité palestinienne (AP).

Oslo a divisé le territoire palestinien en zones fragmentées et isolées A et B, contrôlées par l’Autorité palestinienne, et a donné à Israël le contrôle de la zone C plus vaste et continue, ce qui est indispensable à toute perspective de développement économique palestinien.

La zone C contient les principales nappes aquifères ainsi que les terres agricoles les plus fertiles de Cisjordanie.

La zone C est annexée de facto par Israël, mais le «plan de paix» récemment annoncé par le président Trump propose que cette annexion soit officialisée et acceptée par l’Autorité palestinienne.

La zone C comprend également plus de la moitié des 2 000 hectares de carrières de Cisjordanie occupée.

L’interdiction faite aux Palestiniens d’y accéder et de les utiliser a coûté à l’économie palestinienne en moyenne 806 millions d’euros par an.

Alors que les Palestiniens se voient refuser l’accès, les carrières administrées par Israël en Cisjordanie produisent environ 12 millions de tonnes de pierre, de gravier et de dolomie. Presque tous les matériaux extraits sont utilisés pour l’industrie de la construction israélienne, les colonies et l’infrastructure israélienne en Cisjordanie.

En violation du droit international, des entreprises européennes sont également impliquées dans ce pillage. Par exemple, la société allemande Heidelberg Cement exploite une carrière de pierre en Cisjordanie.

Une situation similaire se produit dans la vallée du Jourdain, autrefois appelée panier alimentaire de la Jordanie y produisant 60% des fruits et légumes de la Jordanie.

Aujourd’hui, la vallée du Jourdain est presque exclusivement exploitée au profit des entreprises agricoles des colons, et 66% des produits sont exportés.

Accompagnant ces politiques directes d’exploitation et de pillage, l’économie du territoire palestinien est en outre minée par :

1.Les infrastructures, y compris l’eau, l’électricité et les télécommunications, sont contrôlées par les autorités et des sociétés israéliennes, ce qui accroît la dépendance économique à Israël. Ces secteurs pourraient être de gros employeurs potentiels et leur offre inadéquate a un effet négatif sur d’autres industries productives et créatrices d’emplois, ainsi que sur les services publics et la qualité de vie.

2.Le Protocole de Paris qui régit les relations commerciales et financières entre Israël et la Palestine sape encore plus l’économie palestinienne:

-l’absence d’une monnaie palestinienne indépendante signifie qu’Israël bénéficie financièrement de l’argent destiné au territoire palestinien occupé, y compris l’aide internationale, grâce à la conversion de devises étrangères en shekels israéliens ;

-une union douanière et un contrôle des frontières imposés signifient que toute importation et exportation vers le territoire palestinien doit passer par Israël qui perçoit des taxes sur les importations et les exportations ;

-les droits de douane et les frais de dédouanement destinés à être transférés à l’Autorité palestinienne sur une base mensuelle (après une déduction de 3%) sont souvent retenus par les autorités israéliennes pour exercer une pression politique.
Ce ne sont pas de petits montants. En 2018, les recettes de dédouanement représentaient 65% des recettes totales de l’Autorité palestinienne ou 15% du produit intérieur brut (PIB).

Le Protocole de Paris a en effet donné à Israël le contrôle sur une source majeure de revenus pour l’Autorité palestinienne et donc sur sa survie même.

Ces conditions augmentent également considérablement les coûts pour les entreprises palestiniennes.

Les expéditions destinées aux territoires palestiniens sont gérées par des sociétés de logistique, de stockage et de transport israéliennes.

Les entreprises palestiniennes doivent également payer aux entreprises israéliennes des autorisations de sécurité, exigées par Israël pour chaque expédition.

Le transfert de marchandises via Israël ajoute 5 à 10% supplémentaires au coût de ces expéditions.

L’union douanière augmente considérablement le coût des importations comme des exportations et sape ainsi la compétitivité des produits palestiniens sur le marché international, faisant d’Israël leur principal consommateur.

La CNUCED a calculé qu’entre 1972 et 2017, Israël a absorbé 79% des exportations totales des territoires palestiniens, tandis que les importations israéliennes dans les territoires se sont élevées à 81%.

De fait, le protocole de Paris structure la captivité économique d’une population occupée.

Le dé-développement et la captivité de l’économie palestinienne comme la dépendance économique à Israël ont contribué à des niveaux élevés de chômage et de sous-emploi dans les territoires palestiniens occupés.

En conséquence, de nombreux travailleurs palestiniens sont contraints, et pas amenés volontairement, à chercher du travail chez des employeurs israéliens dans les colonies illégales et en Israël.

La majorité des travailleurs de Cisjordanie employés dans les colonies illégales et en Israël, sont employés dans le secteur de la construction (66,4%), connu pour son mauvais bilan de santé et de sécurité tant pour les travailleurs palestiniens que pour les migrants.

La dépendance des travailleurs de Cisjordanie à ces emplois, conjuguée au contrôle par Israël de leur accès au travail grâce à un système de permis répressif et à une infrastructure d’occupation, les rend extrêmement vulnérables à l’exploitation et à des conditions de travail précaires.

La complicité des entreprises et des gouvernements européens contribue également à ce système multicouche d’oppression et d’exploitation, en contribuant à une culture d’impunité, tout en renforçant encore l’économie israélienne aux dépens du peuple palestinien.

Ceci entrave directement la création d’emplois décents et contribue directement au déni des droits des travailleurs.

L’ouverture du marché de l’UE aux produits des colonies israéliennes, facilitée par exemple par l’absence de garanties dans l’Accord d’association UE-Israël, renforce directement l’entreprise de colonisation, l’exploitation des travailleurs palestiniens travaillant dans ces fermes et, en général, enrichit financièrement un système qui repose sur la dépossession et le dé-développement palestiniens.

De même, l’accès des entreprises militaires israéliennes aux financements de l’UE dans le cadre de programmes de recherche (par exemple Horizon 2020), renforce directement le complexe militaro-industriel meurtrier d’Israël.

Le récent rapport de l’ONU sur les attaques israéliennes contre des manifestants pacifiques pendant la Grande Marche du retour de Gaza montre comme l’armée israélienne a délibérément ciblé les travailleurs médicaux et les médias qui y étaient en poste.

Le rapport de l’ETUN (Réseau syndical européen pour la justice en Palestine) indique clairement que le financement par l’UE des sociétés israéliennes d’armes et de celles qui sont actives dans les colonies illégales entraîne une complicité directe avec les violations israéliennes des droits des Palestiniens, y compris le droit à la vie, à la prospérité et au développement économique ainsi qu’à un travail décent.

Nous appelons le mouvement syndical européen à :

1.Adopter des motions et soutenir des campagnes en faveur d’un embargo militaire bilatéral envers Israël.

2.Faire pression sur les entreprises impliquées dans la violation des droits internationaux et ceux des Palestiniens par Israël:

-en menant des campagnes efficaces pour mettre fin aux accords commerciaux des syndicats avec les entreprises complices;
-en soutenant les travailleurs à interpeller leurs employeurs afin de mettre fin à leur complicité avec la profession;
-en travaillant avec les fonds de pension afin de mettre fin à leurs investissements dans les entreprises impliquées dans la violation par Israël des droits des Palestiniens.

3.Agir au sein des syndicats et sur les lieux de travail pour sensibiliser aux conditions de travail des travailleurs palestiniens et à l’accès qu’on leur refuse à un travail décent, et soutenir les syndicats et autres organisations en Palestine et en Israël qui tentent d’améliorer les droits des travailleurs palestiniens.

Nous appelons l’Union européenne à :

1.Suspendre l’Accord d’association UE-Israël jusqu’à ce qu’Israël remplisse ses obligations en matière de droit international et mette fin aux violations des droits des Palestiniens.

2.Exclure les entreprises et institutions israéliennes impliquées dans le complexe militaro- industriel israélien de tout projet de recherche ou non financé par l’UE.

3.Mettre fin à tous les accords contractuels de l’UE avec des entreprises complices de la violation par Israël des droits des Palestiniens et du droit international.

4.Interdire la vente de produits des colonies israéliennes sur les marchés européens.

5.Empêcher les entreprises européennes de faire des affaires avec les projets de colonisation israélienne.

Réseau syndical européen pour la justice en Palestine et un travail décent pour les travailleurs


Le rapport est publié sur Etun-Palestine

Traduction de l’intro : Jean-Marie Flémal

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