Le Liban a récemment confirmé le premier cas COVID-19 parmi les réfugiés palestiniens du pays.
C’était à Wavel, un camp de réfugiés situé dans la vallée de Baqaa près de Baalbek. Après le transfert du patient à l’hôpital universitaire Rafic Hariri de Beyrouth pour y être soigné, Bachir Khodr, chef du gouvernorat de Baalbek-Hermel, a annoncé que le camp serait fermé et surveillé par les forces de sécurité de l’État libanais.
Le nombre de cas confirmés de COVID-19 au Liban a dépassé les 700 le 27 avril et le confinement à l’échelle nationale a été décrété en mars, mais il s’agit du seul cas de fermeture sécuritaire à l’intérieur du pays.
Cette annonce est dans la droite ligne de la surveillance sécuritaire que subissent les Palestiniens du Liban, et elle rendra encore plus difficile la vie déjà pénible des réfugiés palestiniens dans le pays.
Le confinement a été décrété le 15 mars. Les mesures d’urgence devraient durer un certain temps.
Les autorités libanaises ont également adopté un certain nombre de mesures préventives pour éviter la propagation rapide du virus, notamment un plan de secours pour les familles pauvres.
Exclusion des réfugiés
Toutefois, les réfugiés palestiniens et syriens ne sont pas éligibles à l’aide, qui est destinée uniquement aux citoyens libanais.
Il y a plus de 475 000 réfugiés palestiniens enregistrés au Liban – qui ne sont pas considérés comme des citoyens – et dont les deux-tiers sont pauvres.
Plus de 60 000 d’entre eux vivent avec moins de 2 dollars par jour et dépendent des allocations et de l’assistance financière trimestrielles fournies par l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, qui se montent à environ 50 dollars par personne et par trimestre.
Cette aide était à peine suffisante pour répondre à leurs besoins essentiels avant le début de la crise économique de l’année dernière, sans parler de la pandémie. Et les mesures de confinement – qui s’appliquent aux camps de réfugiés comme au reste du pays – ont profondément dégradé les revenus des réfugiés.
Les réfugiés palestiniens au Liban sont confrontés à des restrictions juridiques qui limitent leur droit au travail. Comme la plupart d’entre eux travaillent à la journée et sont payés en espèces, le confinement national a eu un impact dévastateur sur leurs moyens d’existence.
Au début de la pandémie COVID-19, l’UNRWA a lancé un plan d’urgence dans le cadre duquel l’agence a fermé ses installations, mis en œuvre des campagnes de sensibilisation dans les camps de réfugiés et les lieux de regroupements palestiniens au Liban, et annoncé qu’elle couvrirait 90% des dépenses de santé liées aux tests et au traitement COVID-19.
Cependant, le plan ne prévoyait pas initialement d’améliorer les conditions économiques des réfugiés souffrant du confinement.
En mars, l’UNRWA a alors lancé un appel urgent pour un financement supplémentaire de 14 millions de dollars en réponse à COVID-19.
Mais cet appel n’a pas reçu la réponse souhaitée de la part des gouvernements du monde entier.
Selon Sami Mushasha, un porte-parole de l’UNRWA, le 10 avril, l’agence avait reçu à peine un quart de la somme demandée. Elle a été contrainte de puiser des fonds dans d’autres programmes.
Les caisses de l’UNRWA presque vides
L’UNRWA avait déjà du mal à maintenir ses programmes d’aide. En 2018, l’administration Trump a réduit le financement américain. Les États-Unis étaient le principal donateur de l’agence – ils fournissaient 360 millions de dollars d’aide annuelle – et cette décision a réduit le budget de l’agence à sa plus simple expression.
Le 17 mars, Mara Kronenfeld, la nouvelle directrice exécutive de l’UNRWA USA – un groupe qui soutient l’agence – s’est adressée à une sous-commission de la Chambre des représentants américaine chargée de l’aide étrangère. Mme Kronenfeld a demandé au Congrès américain de rétablir le financement de l’agence à son niveau précédent.
Elle a également demandé de l’aide pour permettre à l’agence à faire face au COVID-19 dans ses centres de santé.
Mme Kronenfeld a indiqué que l’UNRWA était dans une « situation financière difficile ». Elle a entamé l’année avec une dette de 55 millions de dollars. À ce jour, l’agence n’a reçu que 299 millions de dollars de promesses de dons, soit une petite fraction de son budget annuel total de 1,4 milliard de dollars.
Cependant, malgré les dangers de la pandémie, il n’y a eu jusqu’à présent aucune aide de Washington.
Et même lorsque l’aide d’urgence est fournie, elle est insuffisante. Un certain nombre d’Etats ont récemment fourni 5 millions de dollars à l’UNRWA. Une partie de ces fonds sera allouée aux plus nécessiteux au Liban. Cependant, la majorité des réfugiés palestiniens dans le pays ne recevront probablement pas d’aide.
La combinaison de la crise économique du Liban et du COVID-19 va encore affaiblir la situation déjà précaire des réfugiés. L’incapacité de l’UNRWA à fournir des services et un soutien suffisants fait courir le risque de sombrer dans la pauvreté et de souffrir de la faim, à des milliers de réfugiés palestiniens.
La crise actuelle s’inscrit dans un processus plus large de réduction des services de l’UNRWA, qui a commencé bien avant la présidence de Donald Trump. L’attitude des États-Unis à l’égard de l’UNRWA se calque sur la position d’Israël, qui estime que l’agence doit être démantelée.
Le COVID-19 a mis en lumière l’incapacité de l’agence à répondre aux besoins des réfugiés palestiniens, il a également révélé le niveau sans précédent de leur extrême pauvreté.
« J’ai senti l’odeur de la faim dans les camps »
Mais l’UNRWA n’est pas le seul organisme responsable des réfugiés.
L’Autorité palestinienne à Ramallah, qui prétend assumer la responsabilité des camps de réfugiés du Liban, a laissé les réfugiés se débrouiller seuls.
L’ambassade de l’AP à Beyrouth a accepté de couvrir les 10 % restants des coûts de traitement des réfugiés qui contractent le virus. Mais l’AP n’a pas encore annoncé qu’elle apporterait une aide économique.
Mahmoud Abbas, le président de l’AP, a été contraint de réagir à l’annonce par le Hamas qu’il avait alloué 500 000 dollars aux réfugiés palestiniens au Liban. Abbas a ensuite fait don personnellement de 11 000 rations alimentaires à distribuer aux familles pauvres des camps de réfugiés et des communautés palestiniennes au Liban.
Les organisations non gouvernementales palestiniennes à l’œuvre dans les camps de réfugiés ont également été contraintes de réorienter une partie de leurs budgets en fonction de la pandémie. Les fonds servent à soutenir les familles qui ont été touchées économiquement par le confinement.
Kalidat Hussein, qui dirige Tadamon, une organisation qui promeut les droits des femmes dans les camps de réfugiés au Liban, a parlé à The Electronic Intifada de la forte augmentation de la pauvreté et du dénuement.
« Il m’est arrivé autrefois de sentir l’odeur de la mort, comme par exemple à Tel al-Zaatar », a déclaré Hussein, en faisant allusion au siège imposé aux réfugiés palestiniens par la milice chrétienne libanaise en 1976. « Mais c’est la première fois que je sens l’odeur de la faim dans les camps. »
Les responsabilités de l’UNRWA ne se limitent pas à couvrir les coûts de traitement des réfugiés avec COVID-19.
L’agence doit être à la hauteur de son mandat en assurant l’accès à la nourriture et un approvisionnement adéquat, en mettant en œuvre un plan de santé préventif et en fournissant une assistance économique aux réfugiés.
Et il est inacceptable que l’AP et l’Organisation de libération de la Palestine, qui prétendent représenter les Palestiniens partout dans le monde, abandonnent les Palestiniens les plus vulnérables, pendant une pandémie.
La propagation de COVID-19 n’a pas révélé la fragilité des réfugiés palestiniens au Liban. Elle était déjà connue.
Elle a cependant montré que les institutions et les gouvernements les plus puissants du monde, ainsi que les autorités libanaises et palestiniennes, avaient échoué à protéger les réfugiés, quand ils n’avaient pas refusé de le faire.
Les conséquences de cette indifférence deviennent désormais manifestes, à travers la véritable catastrophe humanitaire qui s’abat sur les réfugiés palestiniens au Liban.
* Dalal Yassine est conseillère pour le réseau Al-Shabaka. Elle est avocate et défend les droits des réfugiés palestiniens au Liban. Dalal a précédemment travaillé avec plusieurs ONG palestiniennes au Liban et a également été coordinateur de la campagne pour le droit au travail pour les réfugiés palestiniens au Liban. Elle est co-auteure de « Le statut juridique des réfugiés palestiniens au Liban » (2007) et a réalisé une large étude intitulée « L’autonomisation des femmes dans les camps de réfugiés au Liban ».
Publié le 27 avril 2020 sur The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine Dominique Muselet
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