Le groupe Stern et les lettres explosives de Betty

Dans le préambule de la création de l’Etat d’Israël, en 1948, la Belgique fut elle aussi confrontée aux prolongements d’une campagne de terreur menée par le groupe Stern contre la Grande-Bretagne.  A l’époque, les Britanniques exerçaient toujours un mandat sur la Palestine, et ce, au nom des Nations unies. Le groupe Stern (appelé également le Lehi) était la plus petite et la plus dangereuse des organisations terroristes sionistes.

Avis de recherche de la Palestine Police Force concernant des membres du Lehi (ou le groupe Stern) avec, à gauche, Yaacov Levstein. (Photo : Palestine Police Force)

Avis de recherche de la Palestine Police Force concernant des membres du Lehi (ou groupe Stern) avec, à gauche, Yaacov Levstein. (Photo : Palestine Police Force)

Georges Timmerman, 9 juillet 2020

Le lundi 2 juin 1947 à cinq heures du matin, le rapide Paris-Amsterdam s’arrêta à la gare frontalière d’Aulnois, un village hennuyer, pour ce qui avait l’air d’un contrôle de routine effectué par la douane belge. Les quatre cents voyageurs et plus durent descendre du train.

Sur le quai, une jeune femme fut fouillée superficiellement par une employée de la douane, puis escortée jusqu’à un local où elle dut se déshabiller. Dans son corset se trouvaient quatorze petits paquets de la taille d’un étui à cigarettes. Chacun contenait 75 grammes de dynamite, soit en tout un peu plus d’un kilogramme d’explosifs. 

Entre-temps, la gendarmerie avait mis le grappin sur un autre voyageur, qui tentait de se dérober avec une grande valise. Après un examen plus minutieux, il s’avéra que la valise appartenait également à la jeune femme, elle était bourrée de linges et pourvue d’un double fond où étaient dissimulées quatorze petites batteries, sept détonateurs et une petite minuterie, ainsi que six enveloppes brun jaune de vingt centimètres sur quinze, adressées à six généraux et hauts fonctionnaires britanniques de Palestine, à l’époque encore région sous mandat.

Une enveloppe fut ouverte. Une charge explosive apparut, reliée par des fils à une petite batterie. Les lettres étaient entre autres adressées au général Miles Dempsey (commandant des troupes britanniques au Moyen-Orient), à Alan Cunningham (haut-commissaire pour la Palestine) et à John Shaw (gouverneur de Trinidad, ancien secrétaire du gouvernement palestinien et, plus tard, haut responsable des services secrets britanniques du MI5).

Betty Knouth. (Photo : CC BY-SA 3.0 Daily Express)

Betty Knouth. (Photo : CC BY-SA 3.0 Daily Express)

D’après ses papiers d’identité, la jeune femme s’appelait Gilberte Elisabeth Lazarus, avait 21 ans et était de nationalité française. Le passeport de l’homme avait été établi au nom de Jacob Albert Eliav, 29 ans, né en Russie et domicilié à Paris.

Interrogée sur ce qu’on avait trouvé dans le double fond de sa valise, Gilberte expliqua qu’il s’agissait de lettres piégées. Elle refusa d’expliquer comment fonctionnait le mécanisme mais « proposa de faire exploser l’une des lettres en notre présence », nota un gendarme effrayé. Les deux voyageurs furent arrêtés.

Manifestement, il ne s’agissait pas d’un contrôle de routine, mais d’une opération ciblée résultant d’un tuyau en provenance des services secrets belges. Dans la chasse aux terroristes sionistes, la Sûreté belge de l’Etat collaborait intensivement avec le MI5 britannique. 

L’histoire selon laquelle les deux personnes arrêtées étaient liées n’avait pas l’air des plus crédibles. Toutes deux étaient prétendument montées dans le train chacune de son côté, la veille à dix heures du soir, à la gare du Nord, à Paris. Elles ne se connaissaient auparavant, dirent-elles, mais s’étaient par hasard adressé la parole en cours de voyage. Tous deux étaient juifs et parlaient russe. La conversation porta sur la Palestine.

A un moment donné, juste avant de franchir la frontière, Gilberte avait ôté sa petite veste parce qu’elle commençait à avoir trop chaud. Un petit paquet était alors tombé sur le sol et Jacob l’avait ramassé. Puisque Gilberte n’avait pas place pour le dissimuler, elle lui avait demandé de le garder sur lui et de lui rendre plus tard. Il l’avait fourré dans sa mallette, mais il fut découvert un peu plus tard par les gendarmes. C’était une pile pour une lettre piégée. Au moment de descendre, le jeune homme lui avait proposé de porter sa valise et c’était la raison pour laquelle il l’avait avec lui.

Une intelligence supérieure

Gilberte reconnut sans difficulté qu’elle travaillait pour le groupe Stern :

« Il y a un an environ, j’ai été recrutée à Boulogne », expliqua-t-elle.

« J’ai reçu un coup de fil de quelqu’un qui est resté anonyme, mais qui m’a fait comprendre qu’il travaillait pour une organisation juive de résistance. Nous avons fixé un rendez-vous au Café de la Paix, place de l’Opéra, à Paris. L’homme s’appelait Albert, mais c’était un de ses noms de guerre. Albert m’a proposé de devenir membre du groupe Stern, dont le but principal est de libérer la Palestine de l’occupant britannique. Il m’a confié que je recevrais des missions qui pourraient être dangereuses et j’ai compris qu’il s’agissait de transporter des armes et des explosifs destinés à la lutte contre l’impérialisme britannique.  

« J’ai transporté des armes de guerre, des grenades, des explosifs, des mitraillettes, surtout en France. Les marchandises m’étaient livrées par un monsieur juif que je connais très bien et dont je ne veux pas citer le nom. Quand j’assure un transport, je ne sais généralement pas ce qu’il y a dans les valises. C’est également le cas aujourd’hui, je ne savais absolument pas que je transportais des enveloppes. Je ne sais pas non plus si les adresses qui y figurent sont bien celles des destinataires. Je ne sais pas non plus où et comment ces enveloppes devaient être postées. Je vous assure que c’est la première fois que j’effectue un tel voyage en Belgique. »  

Jacob par contre joua l’innocence bafouée. Il déclara être venu en Belgique pour y chercher du travail et peut-être gagner assez pour pouvoir passer en Amérique.

« Je ne savais pas que cette fille était membre d’une organisation terroriste et qu’elle avait sur elle des explosifs et des détonateurs », prétendit-il. « Moi-même je ne suis membre d’aucun de ces groupes terroristes juifs, ni de l’Irgoun, ni de Stern. Je vous assure que j’ai été naïf, dans cette affaire. Je ne m’occupe pas de choses comme l’émigration vers la Palestine. »

Gilberte put le confirmer :

« Je vous assure que monsieur Eliav n’a rien à voir avec cette affaire et qu’il n’y a été impliqué que suite à des circonstances extraordinaires, dues au hasard, sans rien savoir du travail que j’effectuais. »

« Lazarus est une femme d’une intelligence supérieure », écrivit la gendarmerie dans le procès-verbal de son arrestation.

« Elle dit qu’elle est écrivain, que, pendant la guerre, elle a été membre de la résistance en France, qu’elle a envahi l’Allemagne avec les troupes françaises. Elle maîtrise parfaitement le français et le russe et connaît assez bien l’anglais. D’après son passeport, entre le 10 et le 15 avril 1947, elle a fait un voyage en Grande-Bretagne. Par contre, Jacob Eliav parle difficilement le français et il ne semble pas qu’il ait fait guère plus que de l’aider. »

Les deux avaient des billets de train pour Anvers. D’après une source, ils étaient en route pour Bruxelles, dans l’intention d’y faire sauter l’ambassade du Royaume-Uni. D’autres sources ont affirmé qu’ils voulaient commettre des attentats à Anvers, sur des navires de guerre qui y étaient amarrés. Ces navires bénéficièrent d’une surveillance policière accrue.

« Tous deux refusent opiniâtrement d’expliquer où ils voulaient se rendre en Belgique », consigna la gendarmerie.

« Manifestement, ces personnes se rendaient à Anvers, ou à Amsterdam, vu que le train dans lequel ils avaient pris place poursuivait sa route jusqu’Amsterdam. »

La femme de charge

Il fallut quelques semaines avant que la justice belge ne puisse vérifier l’identité des deux voyageurs ferroviaires arrêtés. Des photos de Gilberte Lazarus furent envoyées à Paris par avion. Il s’avéra qu’elle s’appelait en réalité Elizabeth « Betty » Knouth.

En France, elle était connue par la police et le service de renseignement de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST). Elle avait déjà été arrêtée en raison de ses plans prévoyant de larguer des tracts sur Londres par avion et de commettre un attentat à la bombe contre le parlement britannique.

Betty Knouth était la fille d’Arianne Scriabine, une Russe en provenance de la noblesse, fille elle-même du célèbre compositeur Alexandre Scriabine et nièce de Viatcheslav Molotov, le ministre soviétique des Affaires étrangères. Après son premier mariage avec le père de Betty, elle s’était convertie au judaïsme, avait épousé le poète juif David Knouth et était devenue une sioniste fanatique.

Betty Knouth avait débuté sa carrière comme combattante de la résistance contre les occupants nazis au tout jeune âge de quatorze ans, en tant que courrier pour une cellule clandestine dirigée par ses parents. En 1944, sa mère fut abattue par les Allemands. Après le débarquement des alliés en Normandie, Betty, 16 ans, devint correspondante de guerre et fut blessée au cours des combats.

Après la guerre, on lui demanda de devenir membre aussi bien de la Haganah et de l’Irgoun que du groupe Stern, trois organisations paramilitaires sionistes. « J’ai opté pour le groupe Stern, qui me semblait le meilleur des trois », expliqua-t-elle.

Les empreintes digitales de Jacob Eliav furent envoyées à Londres, où elles furent reconnues comme celle de Yaacov Levstein, le fabricant de bombes et commandant opérationnel du groupe Stern en Europe. Il était donc tout sauf un assistant innocent et naïf, mais un terroriste des plus aguerris.

« Levstein était déjà un terroriste du groupe Stern durant la Seconde Guerre mondiale et il fut estimé responsable de la mort de nombre de policiers en Palestine et d’une tentative d’assassinat avortée contre le haut-commissaire de Palestine »,

écrivait l’historien britannique Christopher Andrew.

« En 1942, il fut condamné à la prison à vie en Palestine (la peine fut ramenée plus tard à dix ans) mais, après huit mois, il s’évada de sa prison. »

En 1946, à Paris, Levstein avait également organisé un attentat à la voiture piégée – avorté – contre Haj Amin Al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem, un dirigeant palestinien qui, durant la guerre, avait collaboré avec les nazis. Le nommé « Albert » qui avait recruté Knouth était peut-être bien Levstein lui-même.

Quelques semaines à peine avant leur arrestation en Belgique, Knouth et Levstein avaient encore collaboré à Londres, dans une tentative de faire sauter le Colonial Office à Whitehall. C’était le ministère qui avait sous tutelle le territoire mandataire de Palestine.

Knouth arriva en Grande-Bretagne avec le bateau et put franchir sans entrave la douane à Douvres avec trois kilogrammes d’explosifs. Elle avait assemblé la bombe elle-même dans un hôtel de Londres. Avec la minuterie réglée pour déclencher l’explosion quelques minutes plus tard et mise sur son trente-et-un – il y avait justement une parade de la Horse Guard – elle prit la direction du Colonial Office et, sur place, demanda d’un air angélique aux gardes si elle pouvait se rendre aux toilettes. Avec un peu d’insistance, elle finit par pouvoir entrer.

L’attentat échoua : le mécanisme ne fonctionna pas. Avant l’heure, une femme de charge découvrit la bombe dans les toilettes des dames et, sans s’en rendre compte elle-même, elle rendit la bombe inoffensive : En ôtant le papier qui emballait l’engin, elle arracha le fil qui reliait le détonateur et la charge d’explosifs.

« On trouva les empreintes digitales de Levstein sur le mécanisme d’horlogerie de la bombe qui n’avait pas explosé et qui fut découverte le 15 avril au Colonial Office, à Londres »,

écrivit l’historien Andrew.

« Le Security Service (MI5) croyait toutefois que cette bombe avait été posée par Betty Knouth. Elle correspondait au signalement d’une jeune dame attrayante qui avait été vue dans le voisinage du Colonial Office. Elle portait alors un sac à main caractéristique en cuir bleu, qu’elle avait encore sur elle quand elle avait été arrêtée en Belgique. Knouth reconnut qu’elle était arrivée à Londres le 11 avril et qu’elle en était repartie le 15. »

Assassinats

Ce n’est qu’au surlendemain de l’arrestation de Knouth et de Levstein à la frontière belge que la campagne de lettres piégées du groupe Stern débuta sérieusement. Le 4 juin, à partir de la ville italienne de Turin, deux autres membres de Stern envoyèrent au moins 21 lettres piégées potentiellement mortelles à des hommes politiques britanniques de premier plan.

Une lettre concernant des arrestations

Les lettres étaient adressées, entre autres, au Premier ministre Clement Attlee, à l’ancien Premier ministre Winston Churchill et au ministre des Affaires étrangères Ernest Bevin. Certaines de ces lettres arrivèrent à destination, mais n’explosèrent pas. D’autres furent interceptées à temps par Scotland Yard.

Le ministre des Finances Stafford Cripps fut sauvé par sa secrétaire vigilante, qui fit preuve de méfiance parce qu’il sortait de la fumée de l’enveloppe, et elle plongea à temps la lettre dans un seau d’eau. Anthony Eden, ancien ministre de l’Intérieur, passa toute la journée sans se douter de rien aux abords d’une lettre piégée qui se trouvait dans sa mallette.

Le fait que les services belges de sécurité étaient complètement impliqués dans la protection des hommes politiques britanniques s’est révélé par exemple quand, en avril 1947, le ministre Bevin traversa notre pays en train pour se rendre en France. La Sûreté de l’Etat demanda alors à la Police judiciaire de « se livrer à des enquêtes dans les milieux israélites qui seraient de tendances révolutionnaires, afin de découvrir des organisations qui pourraient entrer en ligne de compte pour fomenter des complots contre l’Etat britannique et ses représentants ».

De l’enquête, il apparut clairement, entre autres, que l’Irgoun disposait d’une section à Anvers, « laquelle avait pour tâche de fournir des armes et des effectifs destinés à la Palestine ».

Le même mois, un journaliste de la Gazet van Antwerpen reçut un coup de fil anonyme de quelqu’un qui se présenta comme « un soldat de l’Irgoun de passage en Belgique ». L’homme exigeait que le journal publie un communiqué comportant une menace d’attentat à la bombe contre l’ambassade du Royaume-Uni à Bruxelles, contre le consulat britannique à Anvers ainsi que contre d’autres bâtiments officiels britanniques. Ces adresses elles aussi bénéficièrent d’une surveillance policière accrue.

Le 18 mai 1947, le procureur d’Anvers apprit que

« les services compétents anglais avaient déterminé que, dans un laps de temps très court, les organisations terroristes juives allaient se livrer à des attentats à Bruxelles, Gand, Anvers et Liège, et ce, tant contre des vies humaines anglaises que contre des propriétés anglaises ».  

Le groupe de Knouth fut considéré comme l’organisation sioniste la plus dangereuse. Officiellement, elle s’appelait le Lehi (Lohamei Herut Jisraëel, Combattants pour la liberté d’Israël), mais les Britanniques utilisaient le nom « Stern Gang » (groupe Stern), d’après le nom de son fondateur, Avraham Stern, qui, après son arrestation, fut abattu et tué par un policier britannique.

En huit années d’existence, de 1940 à 1948, le groupe avait commis 42 assassinats, soit le double de l’Irgoun et de la Haganah mis ensemble. Leur fait d’armes le plus spectaculaire fut l’assassinat de Walter Edward Guinness, également connu sous le nom de lord Moyne, le ministre résident britannique pour le Moyen-Orient. Lui et son chauffeur furent abattus au Caire, le 6 novembre 1944, par deux membres du groupe Stern.

Dans les premières années qui suivirent la guerre mondiale, le service de renseignement britannique MI5 considérait les groupes terroristes sionistes comme la toute première priorité, plus importante encore que la menace communiste et l’Union soviétique.

Selon certains historiens, le groupe Stern était une scission « quasi fasciste » de l’Irgoun qui, à son tour était un groupe dissident d’extrême droite de la Haganah, de “gauche”. Le groupe Stern ne comptait guère plus de quelques centaines de membres et il était le plus petit, mais le plus radical des trois.

Tous les groupes sionistes armés travaillaient ensemble jusqu’à un certain point et ils avaient le même but : mettre un terme au mandat britannique sur la Palestine, lever les limitations britanniques à l’immigration juive en Palestine et arracher la création d’un Etat juif. Vu sous cet angle, les groupes terroristes sionistes étaient particulièrement efficaces, car tous ces objectifs furent réalisés en peu de temps.

La dernière chance

La justice belge travailla étonnamment vite et se montra en même temps remarquablement peu sévère : en 1947, Knouth fut condamnée à un an d’emprisonnement, Levstein ne reçut que huit mois. Après sa libération, Knouth retourna en France où, vu son statut d’ancienne combattante de la résistance, elle était toujours la bienvenue.

Toutefois, les autorités françaises restèrent sur leurs gardes : Quand la reine d’Angleterre Elisabeth se rendit en visite officielle en France, la police française pria Knouth avec insistance de prendre quelques brèves vacances à la Riviera, jusqu’à ce que la visite royale fût terminée.

Après la proclamation de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948 et la guerre qui s’ensuivit contre les pays arabes, Knouth alla travailler en Israël comme correspondante de guerre pour un journal français. Peu après, le groupe Stern fut officiellement dissous, ses membres furent réincorporés dans l’armée israélienne et les dirigeants de l’organisation terroriste furent amnistiés de leurs crimes et méfaits.

Article du Daily Express

Article du Daily Express

Malgré cette dissolution officielle, Stern réussit encore un gros coup : l’assassinat du diplomate suédois des Nations unies, le comte Folke Bernadotte et son assistant français le colonel André Serot, le 17 septembre 1948, à Jérusalem. L’ONU avait envoyé Bernadotte en Palestine comme médiateur spécial afin d’élaborer un plan de paix. Son assassinat fut approuvé par Yitzhak Shamir, l’un des dirigeants de Stern. Plus tard, Shamir allait devenir Premier ministre d’Israël.

Pour le Premier ministre de l’époque, David Ben-Gourion, l’assassinat de Bernadotte fut l’occasion de dissoudre définitivement le groupe Stern. Il s’ensuivit des centaines d’arrestations et, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat, Betty Knouth fut elle aussi brièvement arrêtée. Officiellement, les auteurs ne furent jamais découverts, bien que leurs noms, entre-temps, eussent été révélés dans les médias.

Dès qu’elle fut remise en liberté, Knouth annonça qu’elle se retirait de ses activités illégales et qu’elle disait adieu à ses années aventureuses. Pour la circonstance, le groupe Stern organisa une conférence de presse le 25 août 1948 à Tel-Aviv, et elle y alla encore de quelques phrases assez colorées.

« Si j’ai envoyé des lettres piégées ? Hélas, la police belge m’a attrapée avant que j’en aie l’occasion. Les lettres piégées sont la marque de fabrique du groupe Stern, vous savez. Les experts belges ont dit qu’elles étaient mortelles. Je regrette que pas une seule d’entre elles ne soit arrivée à destination. »

Quand on lui demanda si elle avait quelque chose à voir dans l’attentat à la bombe contre le Colonial Office, Knouth répondit :

« Scotland Yard peut vous donner des détails très précis, là-dessus, mais je ne considère pas que le moment convient de parler de ce sujet. Nous sommes toujours en guerre avec la Grande-Bretagne. Mais ma période terroriste est désormais révolue. »

En 1951, Knouth ouvrit une boîte de nuit à Beer Sheva, dotée d’un nom chargé de toute une symbolique, « La Dernière Chance ». Elle mourut en 1965, à 37 ans, d’une crise cardiaque.

Sources

* Rijksarchief (Archives royales) Beveren, PK Antwerpen 2001 C, dossier 5365.

* « The Defense of the Realm. The authorized history of MI5 » (La défense du royaume. L’histoire autorisée du MI5), Christopher Andrew, Penguin Books, 2009.

* « DST. Police secrète », Roger Faligot & Pascal Krop, Flammarion, 1999.

* « British Intelligence and the Mandate of Palestine: Threats to British National Security Immediately After the Second World War » (Les renseignements britanniques et le mandat de Palestine : Menaces contre la sécurité nationale britannique immédiatement après la Seconde Guerre mondiale), Calder Walton, Intelligence and National Security, Routledge, Taylor & Francis, août 2008.

* « Rise and kill first. The secret history of Israel’s targeted assassinations » (Lève-toi et tue d’abord. Histoire secrète des assassinats ciblés d’Israël), Ronen Bergman, Random House, 2018.


Publié le 9 juillet 2020 sur Apache
Traduction : Jean-Marie Flémal

L’auteur : Georges Timmerman

Georges Timmerman a travaillé pendant quinze ans en free-lance, entre autres, pour Knack, Trends, VRT-radio, Belgian Business Magazine et Markant. De 1992 à 2009, il a été rédacteur à De Morgen. Il y était chargé de l’information économique, politique et générale. Georges est spécialisé dans le journalisme d’enquête, les affaires de fraude et de corruption, le crime organisé et les services de renseignement. A De Morgen, il a été président du conseil de rédaction et il a dirigé la délégation du personnel lors du licenciement collectif, en 2009.

Les archives de Georges Timmerman

Pendant 45 ans, le journaliste Georges Timmerman a collectionné coupures de presse, rapports, notes, procès-verbaux et autres documents. Il plonge dans ses archives et il en ressort des histoires oubliées, laissées de côté, perdues, sans causalité directe ni lien avec l’actualité. Il s’agit en quelque sorte d’archéologie journalistique, un genre qui se situe dans le no man’s land entre reportage et historiographie.

Lisez également : Thomas Suarez : Comment le terrorisme a créé Israël

 

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