Israël ment alors que Maher al-Akhras se meurt

Maher al-Akhras est en grève de la faim contre sa détention sans accusation ni procès par Israël.

Gaza City, 12 octobre 2020. Des Palestiniens participent à une manifestation de solidarité avec le prisonnier Maher al-Akhras, en grève de la faim depuis plus de 80 jours. (Photo : Mahmoud Ajjour APA images)

Gaza City, 12 octobre 2020. Des Palestiniens participent à une manifestation de solidarité avec le prisonnier Maher al-Akhras, en grève de la faim depuis plus de 80 jours. (Photo : Mahmoud Ajjour APA images)

Tamara Nassar, 16 octobre 2020

Israël refuse de libérer un Palestinien en grand danger de mort après plus de 80 jours sans nourriture.

« Il est en danger immédiat de mort », a déclaré Anat Litvin de Physicians for Human Rights-Israel (Médecins pour les droits de l’homme).

« Les gens qui entament des grèves de la faim et ne boivent que de l’eau pendant des jours et des jours commencent à mourir vers le 75e jour. »

Maher Al-Akhras, 49 ans, vient de la ville de Silat al-Dahr, près de Jénine, en Cisjordanie occupée. Il est marié et père de six enfants.

Israël l’a emprisonné à plusieurs reprises et il a passé un total de cinq années en prison.

Les forces israéliennes l’ont a nouveau arrêté le 27 juillet et lui ont notifié une ordonnance de détention administrative de quatre mois qui peut être renouvelée à l’infini.

Immédiatement, Al-Akhras a refusé de prendre la moindre nourriture.

Israërl n’a porté aucune accusation contre lui et il n’a pas eu de procès, pas même dans un tribunal militaire israélien, où le taux de condamnation des Palestiniens avoisine les 100 pour 100.

Ahlam Haddad, son avocat, a adressé plusieurs requêtes à la cour suprême israélienne afin qu’elle ordonne sa libération, mais la cour les a toutes rejetées.

La cour a déclaré que l’ordonnance israélienne de détention administrative contre al-Akhras était « justifiée », mais a admis que l’homme ne posait aucune menace, vu son état médical.

Malgré cela, Israël refuse toujours de le relâcher.

La seule concession proposée par Israël est de ne pas renouveler l’ordonnance de détention administrative, qui se termine le 26 novembre, « à moins que de nouvelles informations ne voient le jour », a-t-on pu lire dans le Times of Israel.

Maher Al-Akhras a rejeté la proposition.

« Mes seules conditions, ce sont la liberté ou la mort », a-t-il déclaré dans une vidéo filmée sur son lit d’hôpital au Centre médical Kaplan, dans le centre d’Isräel, un peu plus tôt ce mois-ci.

Taghrid al-Akhras, sa femme, a expliqué que l’état de santé de son mari était « très critique » et qu’il « souffrait beaucoup ».

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« Nous sommes très ennuyés et effrayés pour lui », a-t-elle dit.

« La décision de mon mari est uniquement la liberté et la libération. Il le répète tout le temps : ‘Je ne suspendrai ma grève qu’avec ma liberté et ma libération. Je ne cèderai pas.’ »

Un vide juridique

Le mois dernier, en réponse à l’une de ses requêtes, la cour suprême d’Israël a prétendument « gelé » l’ordonnance de détention administrative d’al-Akhras.

Mais de telles « suspensions » ne changent rien, pour le prisonnier : Al-Akhras n’est toujours pas libre de quitter l’hôpital et de rentrer chez lui. Il reste emprisonné.

L’association israélienne des droits de l’homme B’Tselem a qualifié la « suspension » de l’ordonnance de détention de

« solution interprétative inventée par la haute cour afin d’éviter d’en arriver à une décision et de prendre ses responsabilités à propos des détenus administratifs sur le point de mourir suite à une grève de la faim et que l’État refuse de relâcher ».

« Ce n’est pas la première fois qu’un Palestinien en grève de la faim contre la détention administrative arrive au seuil de la mort, alors que l’État refuse de le relâcher et que la haute cour coopère avec conduite affligeante »,

a ajouté B’Tselem.

Dans des cas précédents, des prisonniers palestiniens en grève de la faim avaient accepté la proposition de l’État de ne pas renouveler leur détention administrative.

Maher al-Akhras persiste dans sa grève de la faim, toutefois. Ceci « n’autorise cependant pas l’État et le tribunal à éviter de prendre une décision », a déclaré B’Tselem.

« Ma mort serait un assassinat commis par l’occupation »,

expliquait al-Akhras dans la vidéo.

Les mensonges d’Israël

Le service de rensignement intérieur d’Israël, le Shin Bet, accuse al-Akhras d’être un membre de la résistance palestinienne et de l’organisation politique du Djihad islamique.

Dans une session à huis clos de la haute cour israélienne, l’État aurait prétendu qu’on « avait entendu al-Akhras se vanter » sur son lit l’hôpital d’être un membre de l’organisation et inviter instamment les autres à « continuer le combat jusqu’au moment où il ne resterait plus un seul juif », disent les médias israéliens qui ont visionné la vidéo et sa transcription.

Le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a rapporté que la transcription présentée par l’État « ne contenait aucune référence » par al-Akhras au Djihad islamique.

Le Times of Israel a également confirmé que la vidéo et sa transcription ne contenaient aucune référence au Djihad islamique ni « le moindre message incitant directement au meurtre ou à l’expulsion des juifs ».

Le Shin Bet a déclaré que la transcription était « sans rapport » et que « le dossier administratif d’al-Akhras ne s’appuyait pas sur une seule vidéo tournée après son arrestation », lisait-on dans le Times of Israel.

Israël considère pour ainsi dire tous les partis palestiniens comme des organisations « terroristes », ce qui veut dire que toute personne active politiquement pourrait être la cible d’une arrestation.

La solidarité

Les factions de la résistance palestinienne de tout le spectre politique réclament la libération d’al-Akhras.

Le Djihad islamique a insisté en disant qu’Israël était « pleinement responsable » de sa vie.

Le Hamas, l’organisation de résistance politique et militaire qui gère les affaires internes de Gaza, a déclaré que la « négligence » par Israël de la vie d’al-Akhras était

« un crime grave pour lequel les autorités d’occupation allaient devoir payer ».

Le parti de gauche, le Front populaire pour la libération de la Palestine, a organisé une manifestation à proximité des bureaux de la Croix-Rouge à Gaza City en solidarité avec al-Akhras, ainsi qu’avec un autre prisonnier palestinien détenu en isolement total, Wael al-Jaghoub :

https://twitter.com/Alresalahpress/status/1315665773059342337?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1315665773059342337%7Ctwgr%5Eshare_3%2Ccontainerclick_0&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Ftamara-nassar%2Fisrael-lying-while-maher-al-akhras-dying

La répression exercée par l’Autorité palestinienne

Mohammad Shtayyeh, le Premier ministre de l’Autorité palestinienne (AP) installée à Ramallah, a également tenu Israël pour responsable de l’état d’al-Akhras et a réclamé sa libération.

Mais, alors que des personnalités de l’AP font ce genre de déclarations depuis des années, cette même AP a maintenu en même temps sa « coordination sécuritaire » avec l’occupation militaire israélienne et le Shin Bet.

Des activistes ont dit que, mardi dernier, dans la ville de Cisjordanie occupée de Tulkarem, les forces de l’AP avaient effectué un raid dans les bureaux de la Croix-Rouge, où celle-ci et d’anciens prisonniers avaient organisé un sit-in, qu’elles avaient forcé tout le monde à quitter le bâtiment.

L’un des prisonniers a expliqué à Quds News Network que des hommes des forces de sécurité de l’AP en civil avaient participé au raid.

Le protestataire d’ajouter que les actions de l’AP

« n’avaient aucun respect pour les sacrifices de nos prisonniers ni pour leurs grèves ».

Il avait encore ajouté qu’al-Akhras « défendait tous les Palestiniens ainsi que la dignité palestinienne ».

L’association des droits de l’homme Euro-Med Monitor a exprimé son « inquiétude extrême » au sujet d’al-Akhras.

L’association a déclaré :

« Toute personne a le droit de savoir pourquoi ils sont détenus »,

et ce, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qu’Israël a ratifié en 1991.

Les membres palestiniens du Parlement d’Israël, la Knesset, ont rendu visite à al-Akhras à l’hôpital, ces dernières semaines. Parmi eux, Yousef Jabareen, du bloc de la Liste unie.

« Si al-Akhras meurt, ce sera une exécution sans jugement »,

a déclaré Ofer Cassif, le seul membre juif de la Liste unie.


Publié le 16 octobre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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