Kamal Abu Waar meurt après 17 ans de détention en Israël

Kamal Abu Waar, 46 ans, est décédé au Centre médical Shamir, à Tel-Aviv. L’an dernier, on lui avait diagnostiqué un cancer de la gorge.

Le 11 novembre, des Palestiniens de Gaza se sont rassemblés pour protester contre le décès du prisonnier palestinien Kamal Abu Waar, en détention en Israël. (Photo : Mahmoud Ajjour APA images)

Le 11 novembre, des Palestiniens de Gaza se sont rassemblés pour protester contre le décès du prisonnier palestinien Kamal Abu Waar, en détention en Israël. (Photo : Mahmoud Ajjour APA images)

Tamara Nassar, 13 novembre 2020

Abu Waar était détenu à la prison de Gilboa, dans le nord de l’actuel Israël, quand, en juillet, il avait été testé positif au virus du Covid-19.

Récemment, il avait été transféré successivement dans plusieurs hôpitaux israéliens et il avait également subi une intervention chirurgicale afin de se faire insérer un tube respiratoire dans la gorge.

Finalement, il avait été admis à la clinique de la prison de Ramle, surnommée « l’abattoir » par les prisonniers, en raison de l’impossibilité d’y recevoir des soins médicaux adéquats.

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Suite au décès d’un prisonnier palestinien en 2018, l’association Addameer d’aide aux prisonniers palestiniens avait déjà invité l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à visiter les cliniques des prisons « afin d’établir un rapport sur le niveau nettenment insuffisant de leurs soins de santé ».

Abu Waar était né au Koweït en 1974 et il s’était installé plus tard en Cisjordanie occupée ; il avait vécu au village de Qabatiya, au sud de Jénine.

Au cours de la Seconde Intifada, en 2003, les forces israéliennes l’avaient capturé et accusé d’être impliqué dans le meurtre d’un soldat israélien, avait confié son ami Basel Kataneh à The New Arab, un journal publié au Royaume-Uni.

Le Club des prisonniers palestiniens avait déclaré qu’à l’époque, il faisait partie de la Force 17, la troupe d’élite de Yasser Arafat.

L’association a expliqué qu’il avait été interrogé avec une grande brutalité par les autorités israéliennes durant une centaine de jours, avant de se voir infliger de multiples sentences de prison à vie, plus 50 années additionnelles.

Des Palestiniens se sont rassemblés à Gaza et en Cisjordanie occupée afin de protester contre sa mort et contre les conditions de détention des prisonniers palestiniens en Israël durant la pandémie.

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La famille d’Abu Waar a ouvert sa maison pour y recevoir des condoléances, même si les autorités israéliennes retiennent le corps d’Abu Waar, refusant ainsi à ses proches le droit de l’enterrer.

Sa famille a déclaré dans The New Arab que les autorités carcérales israéliennes l’avaient empêchée de voir Abu Waar au cours des derniers mois qui avaient précédé son décès.

Son corps a été transféré à l’Institut médico-légal israélien Abu Kabir afin d’y subir une autopsie.

Abu Waar est le troisième Palestinien qui meurt en détention en Israël cette année. Les deux autres, Daoud al-Khatib et Saadi al-Gharabli, étaient eux aussi des détenus de longue date.

Le décès d’Abu Waar porte à 226 le nombre de Palestiniens morts en détention en Israël depuis 1967.

Épidémie à Gilboa

Gilboa, la prison où Abu Waar était détenu, est le centre d’une épidémie de coronavirus parmi les prisonniers palestiniens.

Cent cas ont été confirmés jusqu’à présent dans la prison surpeuplée.

Gilboa a également été le sujet d’une requête introduite par le groupe de soutien juridique palestinien Adalah à la haute cour de justice israélienne, lui demandant instamment de proposer des services de soins élémentaires aux prisonniers politiques palestiniens – qu’Israël qualifie de prisonniers « sécuritaires » – de la prison.

À Gilboa se trouvent 450 prisonniers, dont la grande majorité sont des prisonniers « sécuritaires » palestiniens.

Adalah a mis en garde contre le « danger réel pour les existences » des prisonniers de Gilboa, citant le surpeuplement et l’absence d’hygiène adéquate. Plusieurs prisonniers partagent la même cellule, laquelle comprend une minuscule kitchenette et un réduit pour la douche.

Selon la requête d’Adalah, le surpeuplement signifie que les prisonniers ne peuvent assurer entre eux une distance sociale sûre afin d’empêcher la propagation du virus.

La cour a décidé que les prisonniers palestiniens n’avaient pas droit à la protection de la distanciation physique contre le virus, en prison.

Son raisonnement était que les Palestiniens en détention sont comme les membres d’une famille ou d’un appartement vivant dans la même maison. Sur cette base, la cour a décidé que les autorités carcérales n’étaient pas obligées de fournir des moyens permettant aux prisonniers de pratiquer la distanciation physique.

Myssana Morany, une avocate d’Adalah, a qualifié cela de « fiction ».

« Ce n’est pas comme une maison privée dans laquelle je puis dire aux gardiens de ne pas entrer, afin d’être prudents »,

a déclaré Morani dans le quotidien israélien Haaretz.

« Les gardiens entrent et sortent, ils rentrent également chez eux et reviennent au travail. Ce n’est pas comme dans un espace privé. »

En d’autres termes, les gardiens pourraient introduire le virus dans les prisons.

« Un mépris permanent »

Cette fois, ce qu’on craignait se produit.

Environ 20 pour 100 des prisonniers « sécuritaires » de Gilboa ont contracté le virus, et 80 pour 100 de ces détenus contaminés se trouvent dans la même aile.

Adalah a adressé une lettre aux Services pénitentiaires israéliens (IPS) en leur posant des questions sur les démarches qu’ils avaient entreprises pour assurer une hygiène convenable aux prisonniers, pour leur permettre de s’entretenir avec leurs familles et pour empêcher la propagation du virus à d’autres pavillons.

L’organisation des droits de l’homme Al Mezan, dont le siège est à Gaza, a mis en garde contre le fait que l’épidémie se répand malgré les avertissements contre cette éventualité déjà maintes fois réitérés par d’autres groupes des droits de l’homme.

Al Mezan a également répété l’obligation pour Israël, en vertu des lois internationales, de garantir la santé des détenus palestiniens.

Les autorités carcérales israéliennes, dit-on, isolent les prisonniers infectés dans une section séparée de la prison.

Le Club des prisonniers palestiniens a déclaré que les prisonniers étaient forcés d’acheter de leurs propres deniers des masques et des produits désinfectants.

Israël détient pour l’instant 4 500 prisonniers palestiniens, dont 170 enfants et 370 prisonniers administratifs, c’est-à-dire sans accusation ni procès.


Publié le 13 novembre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

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