Israël et les dattes : la grande magouille

Un article de BDS Pays-Bas : Chaque année, à l’époque du Ramadan, nous sommes sur la brèche contre la tricherie autour des dattes. Soyons également vigilants en Belgique !

Flyer du Collectif Palestine Vaincra appellant à boycotter les marques israéliennes : Hadiklaim, Mehadrin, Mtex, Jordan River, King Salomon.

Pendant le Ramadan, le marché européen est inondé de dattes en provenance de nombreux pays. Parmi les gens originaires de la région méditerranéenne, la datte est très populaire et c’est surtout pendant le Ramadan que les musulmans en consomment beaucoup.

Il existe diverses sortes de dattes sur le marché : les muzafati d’Iran, les bahri d’Afrique du Nord, les dattes d’Arabie saoudite, les medjoul de divers pays, dont Israël et la Palestine.

Chaque année, à l’époque du Ramadan, nous sommes sur la brèche contre la tricherie autour des dattes. Avec les medjoul, il se passe beaucoup de choses. Ce sont des entrepreneurs israéliens qui s’occupent pour une part importante de la culture lucrative des dattes, et cela vaut aussi en territoire palestinien occupé. La culture des dattes remplace partiellement celle des oliviers, très longtemps omniprésents en Palestine. Du fait des interventions violentes des colons israéliens – soutenus par les forces israéliennes de l’occupation – bien des vergers palestiniens et des millions d’oliviers ont été anéantis. La gestion de l’eau par la compagnie israélienne Mekorot – par laquelle les Palestiniens ne se voient accorder qu’un cinquième de l’eau qui peut être utilisée par les Israéliens – a abouti à l’assèchement et à la salinisation des terres agricoles palestiniennes. De ce fait, certains fermiers palestiniens ont donc décidé de passer à la culture des dattiers, des palmiers qui ont besoin de moins d’eau.

La firme Hadiklaim figure sur la liste noire des Nations unies en raison de sa profonde implication dans les violations israéliennes des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés. Pensons surtout aux colonies illégales, au vol et à l’exploitation des terres palestiniennes, entre autres, dans la vallée du Jourdain, la partie la plus fertile de la Cisjordanie occupée, et dont les produits, surtout les dattes, sont commercialisés dans le monde entier et rapportent gros aux colons et au fisc israélien.

Aux Pays-Bas, cette firme dispose tout simplement de coudées franches et peut vendre des dattes sous toutes sortes de marques. Les plus connues sont Jordan River et King Solomon. Ce qui est surprenant, c’est que bien des dattes de Hadiklaim ne sont pas reconnaissables comme telles, comme, par exemple, les dattes Bomaja, dont l’étiquette mentionne « The Peanut Company ». Ces dattes de Hadiklaim sont vendues dans quasiment tous les supermarchés, de même que les dattes Shomisa. Les emballages sont des plus trompeurs : sur les Shomisa, on découvre des caractères arabes et une femme voilée. Les dattes Shomisa sont proposées sans mention du pays d’origine. Toutefois, Shomisa est également un produit de Hadiklaim.  Les dattes de Hadiklaim sont « blanchies » par l’entreprise Palmfruits BV, qui est affiliée à la Chambre de commerce des Pays-Bas. Sur les boîtes figure un code-barres commençant par 871 et indiquant donc que les dattes sont originaires des Pays-Bas.

Sur ses emballages, King Medjoul ne mentionne pas davantage le pays d’origine. Sur le site internet de World Open Food Facts, l’origine mentionnée est « Israël ». Une photo sur le site internet de King Medjoul indique cependant que les dattes sont « 100 pour 100 palestiniennes ». Les dattes seraient originaires de « the ancient land of Jericho rich in Palestinian palm farms » (l’ancien pays de Jéricho riche en palmeraies palestiniennes). Un examen plus approfondi a révélé que les petits films du site de King Medjoul avaient été copiés sur ceux de l’entreprise palestinienne, avec laquelle nous sommes entrés en contact à ce propos. Nakheel exporte des dattes medjoul vers le marché européen sous les marques « Jericho » et « Moon City ».

L’entreprise israélienne Mehadrin elle aussi lance des dattes sur le marché sans en mentionner le pays d’origine. Un emballage montre la Lampe magique d’Aladin, un récit des contes arabes des mille et une nuits, ce qui suggérerait que le producteur est arabe. Une autre firme mentionne tout simplement « Medjoul Dates (King of dates) » (la reine des dattes), sans mention de l’entreprise ou du pays d’origine.  

Alors que la mention de l’origine est pourtant obligatoire, les Autorités hollandaises de l’alimentation et des denrées ne la contrôlent manifestement pas. Juste avant le Ramadan de cette année, il s’est avéré qu’à Sainsbury (Angleterre), des consommateurs de dattes medjoul ont été infectés par l’hépatite A. Comment retrouver la source de l’infection si l’origine du produit reste obscure ?

 

Mais les acheteurs de dattes eux aussi ont des tas d’ennuis avec le manque de clarté concernant l’origine des dattes medjoul. Ces dattes sont très populaires, à l’époque du Ramadan. Pour bien des musulmans, le Ramadan est un mois durant lequel ils comptent se purifier sur le plan spirituel. Le fait de savoir que l’on triche avec l’origine des dattes à l’aide desquelles ils rompent leur jeûne leur est insupportable.  

C’est pourquoi il existe une véritable quête vers des dattes medjoul honnêtes, originaires de préférence de Palestine. Au grand dam de l’acheteur, il est fréquent que celui-ci achète une boîte de dattes trafiquées, puisqu’on ne peut voir sur l’emballage d’où ces dattes proviennent. De même, les vendeurs des marchés sont lésés eux aussi, a révélé une tournée des marchés, puisqu’eux-mêmes, souvent, ne savent pas non plus qu’ils vendent des dattes d’origine trompeuse. Si l’on ne contrôle pas la mention quant à l’origine, qu’en est-il alors de nos droits en tant que consommateurs ?

Il est bel et bien question d’un scandale des dattes, montre un petit film de 2014 réalisé par Al Jazeerah et intitulé « How Israeli settlers deceive the international community » (Comment les colons israéliens  trompent la communauté internationale). Le colon qui travaille comme consultant agricole montre les stocks de dattes dans son entrepôt. Les boîtes portent l’étiquette « Jericho, Palestine » en caractères arabes. « Nous écrivons sur les boîtes ce que le client veut », dit le consultant. « Nous ne mentionnons pas ‘Israël’ dessus. » Pas grand-chose n’a changé depuis 2014, avons-nous constaté nous-mêmes par la suite.

Entre-temps, les commerçants palestiniens en dattes sont confrontés à d’énormes obstacles pour écouler leurs produits sur le marché européen, comme le manque d’installations frigorifiques dans les ports israéliens et les temps d’attente interminables aux check-points, des conditions qui n’ont rien d’optimal pour la qualité de leurs produits, et encore moins pour la concurrence avec les négociants israéliens qui, eux, ne sont pas du tout confrontés à ces obstacles.

Par-dessus tout, les producteurs palestiniens sont aux prises avec des problèmes comme le vol de leurs terres par les colons israéliens mais, manifestement aussi, le vol de la propriété intellectuelle via le plagiat de leur site internet et la concurrence déloyale du fait que les dattes des colonies sont larguées à des prix cassés sans mention de leur pays d’origine.

Quels profits illégaux peut-on tirer de l’escamotage des taxes prévues au sein de l’UE sur l’importation de produits originaires des colonies illégales ? Quel est le montant des taxes qui échappent au fisc hollandais ? Il est grand-temps qu’on se livre à une inspection fouillée, ici, et que les fraudeurs soient poursuivis.

Mais, par-dessus tout cela, il y a le fait que les droits des Palestiniens sont foulés aux pieds. Depuis des décennies d’occupation, ils doivent tenter de garder la tête au-dessus de l’eau, alors que les colons israéliens leur volent leurs terres et leur gagne-pain. On ne tient pas du tout compte non plus de nos droits en tant que consommateurs ni de nos rentrées fiscales. Indiscutablement, il existe un lien direct entre le fait qu’on mène nos consommateurs par le bout du nez et les violations des droits des Palestiniens.

Et, pour l’un et l’autre, cela fait des années que l’État néerlandais hausse les épaules.


Publié le 24 avril 2021 sur BDS Nederland

La Plate-forme Charleroi-Palestine a dans le passé organisé de nombreuses actions de sensibilisation concernant les dattes israéliennes, y compris sur les conditions de travail des ouvriers palestiniens dans les colonies, proches de l’esclavage. Trouvez ici le témoignage de Raed Abuyussef, qui travaillait à l’époque pour l’organisation de défense des travailleurs palestiniens “Kav LaOved”.
Ces dernières années, nous avons diffusé nous-mêmes des dattes palestiniennes. Malheureusement, les conditions sanitaires nous ont empêché de faire pareil cette année.

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