BDS gagne en intensité avec les actions de #BlockTheBoat à Oakland et à Seattle

Les mobilisations à Seattle et à Oakland font partie d’une campagne internationale coordonnée de #BlockTheBoat, qui a eu lieu à la fois sur les côtes américaines, au Canada, en Afrique du Sud, au Liban et dans certains ports européens.

Le Zim San Diego est bloqué depuis le 2 juin du fait qu’un piquet communautaire toujours en place l’empêche d’accoster au port de Seattle. (Photo : Alex Garland)

Le Zim San Diego est bloqué depuis le 2 juin du fait qu’un piquet communautaire toujours en place l’empêche d’accoster au port de Seattle. (Photo : Alex Garland)

Yoav Litvin, 11 juin  2021

En guise de soutien aux droits des Palestiniens et à leur libération, un piquet de grève est parvenu à retarder depuis plus d’une semaine déjà un navire affrété par la plus grande compagnie israélienne de transport maritime et à empêcher de le décharger dans le port de Seattle.

Il était prévu que le navire, qui appartient à la compagnie maritime israélienne Zim Integrated Shipping Services Ltd. (ZIM) et qui porte le nom de Zim San Diego, décharge sa marchandise à Seattle le 2 juin, mais il a dû reporter son accostage suite au piquet de grève toujours en place de #BlockThe Boat (Bloquez le navire) et organisé par Falastiniyat, un collectif de femmes palestiniennes installé à Seattle. On s’attend à ce que des centaines de personnes convergent sur les lieux afin de protester contre le Zim San Diego s’il parvient à accoster au port.

L’actuel piquet de Seattle suit de très près la victoire de #BlockTheBoat à Oakland, en Californie, où une coalition entre la communauté et les travailleurs dirigée par l’Arab Resource and Organizing Center (AROC) a bloqué avec succès un navire israélien de la compagnie ZIM jusqu’au 4 juin, après l’avoir empêché pendant 17 jours d’accoster au dock.

Les mobilisations à Seattle et à Oakland font partie d’une campagne internationale coordonnée de #BlockTheBoat, qui a eu lieu à la fois sur les côtes américaines, au Canada, en Afrique du Sud, au Liban et dans certains ports européens. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une réponse globale aux appels renouvelés aux Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) par la société civile palestinienne, suite au tout récent massacre par Israël du peuple palestinien à Gaza et à la violence qui a sévi en Cisjordanie et dans les frontières de 1948 du chef de l’armée israélienne et des groupes armés de vigiles sionistes.

Les actuelles protestations viennent s’ajouter à une longue histoire d’organisation de blocages portuaires, y compris les protestations de #BlockTheBoat dirigée par l’AROC, qui ont bloqué les navires israéliens de ZIM en 2014, ainsi que les puissants piquets organisés par le syndicat International Longshore and Warehouse Union (ILWU), qui a une longue tradition aussi de solidarité internationale antiraciste et a combattu l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1960, 1970 et 1980. En 1984, des membres des branches de l’ILWU dans la région côtière, les sections locales n° 10 et n° 34, avaient refusé pendant 11 jours de décharger un cargo sud-africain, et cette action avait poussé de nombreux résidents de la région de la baie à rallier le mouvement antiapartheid américain.

Truthout s’est entretenu avec Aisha Mansour et Alia Taqieddin, cofondatrices de Falastiniyat, qui dirige l’actuel piquet de grève au port de Seattle.

Yoav Litvin. Pouvez-vous vous présenter, s’il vous plaît ? Qu’est-ce que Falastiniyat ? Pourquoi accomplissez-vous ce travail ?

La cofondatrice de Falastiniyat, Aisha Mansour. (Photo : avec l’aimable autorisation d’Aisha Mansour)   

La cofondatrice de Falastiniyat, Aisha Mansour. (Photo : avec l’aimable autorisation d’Aisha Mansour)  

Aisha Mansour. Je porte le prénom de ma grand-mère, qui a été tuée par l’armée israélienne en 1996. Mon activisme et ma résistance constituent des moyens pour moi d’honorer son nom. Ma famille a été déportée du village d’al-Walaja en 1948 et elle réside majoritairement aujourd’hui au camp de réfugiés d’Aida, limitrophe de la ville de Bethléem. Je suis l’une des rares personnes à avoir eu la chance de retourner en Palestine et de se connecter physiquement à sa patrie. Mon espoir, c’est qu’un jour je retournerai pour de bon en même temps que les millions de Palestiniens qui vivent dans la diaspora.

Falastiniyat est un collectif de féministes palestiniennes qui vivent et s’organisent à Seattle, dans l’État de Washington. Alors que nous avons chacune une relation différente avec notre patrie physique, en vivant dans la diaspora et en exil, un engagement de toute une vie dans la lutte pour la libération de la Palestine nous unit.

Nous situons notre combat pour l’indépendance dans un mouvement anti-impérialiste mondial plus large et nous nous alignons avec tous ceux qui luttent pour la souveraineté autochtone. Chaque membre de Falastiniyat perpétue un héritage familial de résistance au pouvoir colonial. Nous percevons le travail dans lequel nous nous engageons comme une obligation de poursuivre et de maintenir cette voie.

Yoav Litvin. Pouvez-vous vous présenter, s’il vous plaît ? Comment vous rattachez-vous à l’histoire unique du racisme et du colonialisme de peuplement dans le nord-ouest de la côte du Pacifique ?

La cofondatrice de Falastiniyat, Alia Taqieddin. (Photo : avec l’aimable autorisation d’Alia Taqieddin)

La cofondatrice de Falastiniyat, Alia Taqieddin. (Photo : avec l’aimable autorisation d’Alia Taqieddin)

Alia Taqieddin. J’ai été élevée avec les histoires de mon père, de mes tantes et oncles et de ma grand-mère concernant la maison de ma famille, en Palestine, la fragmentation forcée de notre famille après la Naksa de 1967 et la guerre des Six-Jours et les rêves de retour. Alors que certains membres de notre famille vivent toujours à Sabastiya, un village à Naplouse, notre famille immédiate n’a pas été en mesure de retourner en Palestine depuis l’époque où mon père avait cinq ans. En 2016, j’ai tenté de rendre visite à mon oncle et à mes cousins, mis on m’a refusé l’accès à la même frontière que celle où nous avons assisté au passage en force de 30 000 Palestiniens déportés en Jordanie en mai dernier. C’est un des moments intenses qui me tiennent en action. Une Palestine libérée signifie la réunification de notre famille et la fin d’une occupation arbitraire et illégale qui nous tient fragmentés vis-à-vis de ceux qui nous sont chers.

Falastiniyat est né de nos expériences vécues en tant que féministes et Palestiniennes dans la diaspora. L’histoire de notre collectif provient de la violence de genre à Seattle même – nous nous sommes découvertes les unes et les autres alors que nous étions confrontées individuellement aux réalités de la violence patriarcale. En formant un collectif, nous avons bâti un réceptacle en vue d’explorer et de développer une approche principielle de nos situations. Notre positionnement collectif à Seattle consiste à d’abord mettre en question la violence implicite et explicite du colonialisme sioniste de peuplement, à reconnaître au sein de ce projet le rôle de la violence de genre et sexuelle ainsi que de l’oppression, et à revendiquer nos identités en tant que féministes transnationales en exil.

Comme nous contestons le projet colonial de peuplement sioniste, nous le faisons aussi dans le contexte colonial de peuplement américain. Notre cadre féministe est inséparable de notre cadre décolonisateur. Les soulèvements à propos de George Floyd nous ont mobilisées. Falastiniyat s’est constitué durant les protestations de la Journée de la Colère, en juillet dernier, quand les activistes et les membres de la communauté à Seattle ont exposé des comparaisons cruciales et accusatrices entre l’annexion illégale par Israël de terres palestiniennes et le déplacement par la Ville de Seattle de quartiers noirs. Ensemble, nous nous sommes opposés au SPD (Seattle Police Department) qui recourt activement à des tactiques apprises en s’entraînant en compagnie de la police israélienne quand elle contrôle « ses propres » communautés. Nous avons identifié des sources structurelles communes à nos oppressions mutuelles et, en le faisant, nous savons élaboré des manières de mettre sur pied des relations intercommunautaires et une confiance réciproque. Nombre d’organisations qui ont partagé la scène avec nous en juillet dernier travaillent avec nous dans cette action en tant que partenaires de coalition. De même que nous nous opposons aux alignements politiques qui sont progressistes sauf en ce qui concerne la Palestine, nous nous opposons aussi à la notion selon laquelle la libération palestinienne pourrait se réaliser dans un silo. Nous tendons à améliorer, amplifier et bâtir des relations de coalition avec les luttes locales en faveur de la souveraineté et de la justice.

Yoav Litvin. Parlez-nous de l’action #BlockTheBoat et de la coalition qui se trouve derrière. Quels sont vos buts ?

Mansour. Nous participons à un appel international de BDS contre l’Israël de l’apartheid en bloquant un navire de transport appartenant à ZIM et en l’empêchant d’accoster au port de Seattle. Notre but est d’amplifier tout en y répondant les appels émanant de la Fédération générale syndicale palestinienne en perturbant le commerce israélien avec les États-Unis tant qu’ils seront complices dans l’occupation des terres palestiniennes. Il était prévu que le Zim San Diego accoste le 2 juin, mais il est resté à l’arrêt dans la baie Elliott pendant plus d’une semaine, permettant à plusieurs autres navires à se présenter l’un après l’autre et à décharger leur cargaison. En ce moment, le navire immobilisé a coûté à ZIM et, par extension, à l’État d’Israël, des milliers de dollars. Que le navire accoste au port de Seattle ou qu’il décide d’accoster dans un port différent dans un effort en vue d’éviter nos protestations, notre but de perturber le commerce et d’impacter matériellement la compagnie ZIM en tant que profiteuse de l’occupation israélienne a été atteint.

ZIM est la première compagnie israélienne de transport maritime et elle transporte souvent de la technologie, de l’armements et de l’équipement logistique de fabrication israélienne, et c’est la raison pour laquelle notre collectif a décidé de s’engager dans la campagne #BlockTheBoat. Notre but est de mettre sur pied une relation durable avec l’ILWU de Seattle en espérant qu’il aura un jour une section locale qui prendra explicitement position en faveur de la solidarité avec les syndicalistes palestiniens contre l’apartheid israélien.

Le Zim San Diego attend d’être déchargé avec, à l’arrière-plan, la Space Needle (aiguille de l’espace) de Seattle. (Photo : Alex Garland)   

Le Zim San Diego attend d’être déchargé avec, à l’arrière-plan, la Space Needle (aiguille de l’espace) de Seattle. (Photo : Alex Garland)  

Comment cette campagne a-t-elle progressé ?

Mansour. Jusqu’à présent, notre succès en bloquant ZIM a été obtenu via une campagne en ligne, qui a reçu une quantité de soutien sans précédent. Plus de 1 200 personnes ont souscrit à notre système d’alerte par message écrit et sont prêtes à se mobiliser quand le Zim San Diego tentera d’accoster. Des activistes de toutes les communautés et confessions de Seattle ont multiplié leurs efforts pour fournir un soutien sécuritaire, de l’assistance mutuelle et ils se sont engagés dans un travail d’éducation politique centré sur BDS. Récemment, Falastiniyat a organisé la plus grande manifestation palestinienne de l’histoire de Seattle afin de commémorer le 73e anniversaire de la Nakba et protester en même temps contre l’escalade de la violence contre le peuple palestinien qui a tué 295 personnes, en a blessé plus de 3 000 et en a chassé 90 000 de leurs maisons. Nous croyons que tout ceci a été possible en raison de notre engagement dans d’autres luttes révolutionnaires et de notre alignement avec les mouvements anti-impérialistes.


Publié le 11 juin 2021 sur Thruthout
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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