Facebook bloque le compte qui a posté la lettre de Khalida Jarrar

Facebook a suspendu pour deux mois le compte d’un abonné qui a posté une lettre de Khalida Jarrar, une activiste politique palestinienne et ancienne parlementaire qui purge une peine de prison en Israël. Cette lettre avait été écrite par Khalida Jarrar peu après les funérailles de sa fille, mardi dernier (13 juillet).

Le message envoyé par Facebook sur le compte d'Omar Nazzal (Photo : Capture d’écran FB)

Le message envoyé par Facebook sur le compte d’Omar Nazzal (Photo : Capture d’écran FB)

Amira Hass, 17 juillet 2021

Omar Nazzal, un ami proche des Jarrar, a été averti cette semaine que son compte Facebook avait été suspendu pour deux mois, peu après qu’il avait posté cette lettre.

Lundi 12 juillet, les Services carcéraux israéliens (IPS) ont rejeté la requête de Khalida Jarrar afin d’assister aux funérailles de sa fille Suha, décédée dimanche 11 juillet à l’âge de 31 ans. Une autre lettre rédigée par Khalida Jarrar au moment où elle avait appris qu’il ne lui serait pas permis d’assister aux funérailles a été lue en public lors de l’enterrement et a largement circulé sur Facebook et d’autres médias sociaux.

Omar Nazzal est journaliste et, dans le passé, il a déjà connu lui aussi la détention administrative en Israël. Il a posté la lettre sur son compte Facebook mardi matin (12 juillet). Cinq heures plus tard environ, une annonce en anglais émanant de Facebook paraissait sur son compte, disant :

« Vous ne pouvez apparaître ou publier pendant 60 jours. Et ce, parce que vous avez précédemment publié quelque chose qui ne respectait pas les normes de notre communauté. »

L’annonce, qui avait supprimé le début de la lettre de Khalida Jarrar, ne permettant d’en voir que la première phrase, continuait : « Ce message va à l’encontre de nos normes concernant les organisations et individus dangereux, de sorte qu’il n’y a que vous qui pouvez la lire. »

« Suha est venue au monde alors que son père était en prison, et elle quitte le monde alors que sa mère est en prison. »

C’est la première phrase de la lettre de Khalida Jarrar. Le père de Suha, Ghassan Jarrar, avait connu la détention administrative – pas de procès, pas d’accusation – à l’époque de la naissance de Suha. 

La lettre continue :

« Voici un intense résumé humain de l’existence d’une Palestinienne qui aime la vie et l’espoir et la liberté et qui déteste l’esclavage et le colonialisme. L’occupation nous prend tout, même l’air que nous respirons, et interdit tout, puisqu’elle m’a empêché de dire au revoir à mon petit oiseau Suha. »

La tombe de Suha Jarrar, mardi 13 juillet 2021. (Photo :  Amira Hass)

La tombe de Suha Jarrar, mardi 13 juillet 2021. (Photo :  Amira Hass)

C’est Nazzal qui a découvert le corps de Suha dans sa maison de Ramallah, dimanche, après que son père, qui avait passé une journée à Jénine, et sa sœur, Yafa, qui vit au Canada, avaient été dans l’impossibilité de la joindre.

L’IPS a rejeté la requête de Khalida Jarrar en vue d’assister aux funérailles, même après que deux membres de la Knesset au moins avaient adressé un appel au ministre de la Sécurité publique, Omer Bar-Lev.

Khalida Jarrar purge une peine de prison de deux ans en Israël après avoir été reconnue coupable d’appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine, interdit et déclaré illégal par Israël. Elle a été détenue à la prison de Damon depuis son arrestation en octobre 2019 et il est prévu qu’elle soit relâchée dans trois mois. Précédemment, elle avait été arrêtée en avril 2015 et condamnée à un an de prison après avoir été reconnue coupable d’incitation à la violence et d’appartenance au FPLP. À l’époque, alors qu’elle était emprisonnée, son père était décédé et elle n’avait déjà pas pu assister aux funérailles.

Facebook n’a pas répondu aux questions posées par Haaretz.


Publié le 17 juillet 2021 sur Haaretz
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Trouvez dans cet article les deux lettres que Khalida Jarrar à envoyées depuis la prison.

Amira Hass

 

Amira Hass est une journaliste israélienne, travaillant pour le journal Haaretz. Elle a été pendant de longues années l’unique journaliste israélienne à vivre à Gaza, et a notamment écrit « Boire la mer à Gaza » (Editions La Fabrique)

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