Sally Rooney soutient la Palestine en dépit des calomnies

La romancière irlandaise à succès Sally Rooney défend les Palestiniens en respectant leur appel au boycott d’Israël.

Elle refuse de permettre à une société israélienne d’acheter la traduction en hébreu et les droits de publication de son tout dernier roman.

Romancière primée et respectueuse du boycott, Sally Rooney n’autorisera pas un éditeur israélien à publier son œuvre. (Photo : Henry Nicholls, via Reuters)

Tamara Nassar, 12 octobre 2021

La Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) a salué Sally Rooney pour avoir rallié « les très nombreux écrivains internationaux en soutenant le boycott culturel institutionnel du secteur de l’édition complice avec Israël ».

Mais les médias et groupes de pression pro-israéliens ont tenté de faire passer sa décision pour un boycott de la langue hébraïque – une insinuation prévisible de ce que sa solidarité avec les Palestiniens est motivée par des préjugés.

Sally Rooney a expliqué aux médias pourquoi elle avait refusé l’offre de la maison d’édition israélienne Modan de traduire son dernier roman, Beautiful World, Where Are You (Joli monde, où es-tu ?)

Elle s’est dite « très fière » de voir ses précédents livres, Conversations with Friends (Conversations entre amis) et Normal People (Des gens normaux) disponibles en hébreu, mais déclare qu’elle a

« choisi pour l’instant de ne pas vendre ces droits de traduction à une maison d’édition établie en Israël ».

Sally Rooney a cité des rapports publiés plus tôt cette année par l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem et par Human Rights Watch et qui reconnaissent – tardivement – le système israélien d’apartheid imposé aux Palestiniens.

Ces rapports

« ont confirmé ce que les organisations palestiniennes des droits de l’homme disent depuis longtemps : le système israélien de domination et de ségrégation raciale à l’encontre les Palestiniens correspond à la définition de l’apartheid selon les lois internationales »,

a ajouté Sally Rooney.

La romancière a déclaré qu’elle répondait à l’appel de la société civile palestinienne en vue d’imposer « un boycott économique et culturel des entreprises complices d’Israël », faisant ainsi allusion à BDS – boycott, désinvestissement et sanctions – comme un mouvement « antiraciste et non violent ».

« Je n’ai simplement pas l’impression qu’il serait juste de ma part, dans les circonstances actuelles, d’accepter un nouveau contrat avec une société israélienne qui ne se distancie pas publiquement de l’apartheid »,

a ajouté Sally Rooney.

Elle a confirmé que les droits de traduction de son nouveau roman en langue hébraïque sont toujours disponibles si elle

« peut trouver une façon de vendre ces droits qui serait en conformité avec les directives de boycott institutionnel édictées par le mouvement BDS ».

 

Des distorsions

Les médias pro-israéliens ont volontairement mal interprété son acte de solidarité comme un prétexte pour interdire la traduction de son œuvre en hébreu, et non comme ce qu’il est réellement, c’est-à-dire un acte de respect vis-à-vis de l’appel palestinien aux BDS.  

Dave Rich, du Community Security Trust – une organisation pro-israélienne financée par le gouvernement britannique et qui sort régulièrement de fausses accusations d’antisémitisme contre des Palestiniens et leurs partisans – a également amplifié ces affirmations.

Les calomnies ont également été reprises, entre autres, par Michael Dickson, directeur exécutif du groupe de pression israélien de droite :

Il convient de noter que Modan Publishing House, qui s’est également chargée des précédents romans de Sally Rooney, se vante sur son site internet de publier et commercialiser des ouvrages pour le compte du ministère israélien de la Défense.

Les présentations déformées de la décision de Sally Rooney rappellent les distorsions de la décision de la lauréate du prix Pulitzer, Alice Walker, de boycotter les éditeurs israéliens voici près d’une décennie.

À l’époque, Alice Walker avait déclaré qu’elle attendrait qu’Israël ait cessé d’être un État d’apartheid avant de lui permettre de faire publier son livre Couleur pourpre par une société israélienne.

Au début, le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, et la Jewish Telegraphic Agency avaient accusé Alice Walker de refuser de permettre la traduction de son livre en hébreu – ce qui était une distorsion complète de ses intentions.

 

Une tradition de solidarité

La décision de Sally Rooney fait partie d’une tradition très ancienne déjà de solidarité entre les peuples irlandais et palestinien.

« Plus de 1 300 artistes ont actuellement signé la décision de la Campagne de solidarité Irlande Palestine de maintenir le boycott culturel d’Israël et son apartheid »,

a expliqué l’organisation palestinienne PACBI.

Sally Rooney est également l’une des centaines d’artistes et personnalités culturelles qui ont signé « Une lettre contre l’apartheid » après les 11 jours d’offensive israélienne contre Gaza en mai dernier, offensive au cours de laquelle 260 Palestiniens avaient été tués.

Dans son roman de 2018, Normal People, des personnages discutent de la « libération palestinienne » et participent même à une manifestation contre la campagne israélienne de bombardement de Gaza en 2014.

Normal People a été sacré Livre de l’Année par les Book Awards britanniques de 2019.

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Publié le 12 octobre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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