Comment la violence des colons alimente les tensions en Cisjordanie

Dans le même temps que les attaques contre les Palestiniens empirent, nous nous entretenons avec des fermiers, des colons, des activistes israéliens des droits de l’homme et la mère d’un petit garçon de trois ans qui a été blessé au cours d’une expédition punitive. 

Baraa Hamamda accompagnée de ses enfants. Mohammed, 3 ans, le deuxième à partir de la gauche, a été grièvement blessé par une pierre lors de l’expédition punitive des colons contre Al Mufakara. (Photo : Quique Kierszenbaum)

Donald Macintyre et Quique Kierszenbaum à Al Mufakara, 28 novembre 2021

L’attaque était déjà lancée quand, après être allée rechercher en toute hâte le plus jeune de ses enfants chez une voisine, Baraa Hamamda, 24 ans, a couru chez elle pour trouver son petit garçon de trois ans, Mohammed, gisant dans une petite mare de sang et apparemment sans vie sur le sol nu où elle l’avait laissé endormi. « J’ai pensé, voilà, il est mort », dit-elle. « Il ne reviendra pas à lui. »

Mohammed n’était pas mort, encore qu’il allât lui falloir plus de 11 heures pour reprendre conscience, après avoir été frappé à la tête par une pierre lancée à travers une fenêtre par un colon israélien, l’un des dizaines d’hommes qui venaient d’envahir le village isolé d’Al Mufakara, dans le sud aride et rocailleux des collines de Hébron, en Cisjordanie.

Vers 13 h 30, des colons venus de deux postes avancés, Havat Maon et Avigayil – illégaux, même selon la loi israélienne –, qui, situés de part et d’autre du village palestinien, rendent la position de ce dernier inconfortable, se sont précipités sur le troupeau d’un berger palestinien du village voisin de Rakiz, ont jeté des pierres sur les moutons et en ont même tué six à coups de couteau. Plus d’une douzaine des 120 résidents d’Al Mufakara ont riposté à coups de pierres dans une tentative de repousser les colons. Mais ceux-ci, parmi lesquels plusieurs étaient armés, sont rapidement entrés dans le village et, comme les femmes s’étaient barricadées avec leurs enfants dans leurs maisons, ont laissé derrière eux toute une série de vitres brisées, une voiture retournée, des parebrises en miettes, des citernes d’eau percées, des pneus lacérés, des panneaux solaires détruits et six Palestiniens blessés, dont le petit Mohammed.

D’abord, quelques soldats ont apparemment tenté de séparer les deux camps – une vidéo des FDI les montre en train d’essayer de retenir un des colons. Mais Mahmoud Hamamda, le grand-père de Mohammed, dit que, lorsque les renforts sont arrivés, ils se sont concentrés sur la dispersion des Palestiniens qui défendaient le village, et dont une moitié, dès cet instant, se sont repliés vers la vallée située plus bas.

« Ils étaient aux côtés des colons, lançant des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes et tirant des balles enrobées de caoutchouc sur les Palestiniens »,

ajoute-t-il.

« Si Israël respectait les lois, aucun de ces colons ne serait ici (…) pourtant, les soldats israéliens viennent avec leurs M16 et ils affrontent des gens comme ceux d’ici, qui n’ont pas d’armes. »

On se demande dans ce cas ce qu’Israël fait pour freiner ce qui ressemble de plus en plus à un recours systématique à la violence par les colons. L’incursion au village d’Al Mufakara, que le journal libéral israélien Haaretz a qualifiée de « pogrom », est l’événement le plus marquant d’une récent escalade de la violence des colons. Les organisations israéliennes des droits humains prétendent que cette façon d’agir est de plus en plus utilisée comme une stratégie visant à éloigner un grand nombre des 300 000 Palestiniens habitant dans les 60 % ruraux de la Cisjordanie occupée désignés comme Zone C dans les accords d’Oslo.

On peut présumer que les colons ont tenté de faire de force ce qu’Israël tente depuis longtemps par des moyens bureaucratiques. Au contraire de la plupart des colons, les résidents palestiniens des villages comme Mufakara se sont vu refuser des permis des autorisations de construire des cliniques et des écoles ou d’améliorer leurs voies d’accès des plus rudimentaires. Privés d’accès aux services d’utilité publique, ils peuvent payer leur eau jusque cinq fois plus cher que les Israéliens. Bien des maisons ont fait l’objet d’ordonnances militaires de démolition. La chose est encore aggravée par les dizaines de milliers d’acres (1 acre = 0,4 ha) de « terres d’État » allouées aux colons couvrant en fait des pâturages utilisés par les Palestiniens depuis de nombreuses générations.

L’institution israélienne des droits humains, B’Tselem, a affirmé ce mois-ci que l’État a

« exploité la violence des colons pour promouvoir sa politique consistant à reprendre des terres palestiniennes afin qu’elles soient utilisées par des juifs ».

Alors que Naftali Bennett qui, en juin, a remplacé Benjamin Netanyahou au poste de Premier ministre, est un nationaliste de droite, il a toutefois été obligé d’inclure dans sa coalition les partis travailliste et Meretz (le parti israélien le plus à gauche), de même que – pour la première fois – un parti arabe, le Ra’am, à tendance islamique. Le principal accord politique que Bennett a accepté en compagnie de ses partenaires de centre gauche était qu’il ne concrétiserait pas son propre rêve d’annexion de jure de parties importantes de la Cisjordanie ; en retour, le gouvernement se concentrerait sur des mesures à l’intérieur d’Israël même : pas d’annexion mais pas de cessation non plus de l’occupation.

Bennett partage entièrement le point de vue expansionniste des dirigeants des colons consistant en ce qu’Israël s’étende jusqu’au Jourdain et il a promis de continuer de développer les colonies existantes. Alors que le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid a immédiatement condamné par tweet la bavure de Mufakara comme un « acte de terrorisme étranger aux méthodes juives », Bennett ne l’a pas fait.

Les députés du Meretz représentant l’arrière-ban de la Knesset, comme l’avocate Gaby Lasky, ont mis le doigt directement sur la nécessité pour le gouvernement d’ordonner à l’armée d’utiliser ses pouvoirs légaux non équivoques contre le déploiement de violence des colons en tant qu’« outils stratégiques », y compris les  méthodes de contrôle des émeutes auxquelles elle recourt régulièrement contre les Palestiniens.

Gaby Lasky fait remarquer que la Quatrième Convention de Genève – celle que violent toutes les colonies établies dans les territoires saisis par Israël en 1967 – requiert spécifiquement dans son article 27 que les sujets d’une puissance occupante

« soient protégés (…) contre tous les actes de violence ou menaces en ce sens ».
« Alors que les colons répondent de leurs actes devant les tribunaux civils d’Israël et les Palestiniens devant les tribunaux militaires, (…) l’armée, légalement, peut disperser les colons ; elle peut arrêter quelqu’un tant que la police n’est pas présente. » En lieu et place, il y a eu « impunité pour les colons violents ».

Après avoir émis des inquiétudes diplomatiques – y compris à Washington – le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a fait savoir qu’il avait convoqué les hautes instances de l’armée, de la police et du renseignement le 18 novembre, en vue de durcir l’application de la loi contre ce qu’il a appelé des « crimes de haine » en Cisjordanie, y compris de nouvelles directives contre les troupes « n’intervenant pas » lors d’attaques de colons contre les Palestiniens. Parmi les responsables présents figurait le chef du Commandement central des Forces de défense israéliennes, Yehuda Fuchs qui, lors d’une visite exceptionnelle à Al Mufakara après l’incursion des colons, a garanti que « le devoir de l’armée est de protéger tous les habitants ».

Mais Avner Gvaryahu, un ancien sergent des opérations spéciales dans le nord de la Cisjordanie et aujourd’hui directeur exécutif du groupe des vétérans contre l’occupation, Breaking the Silence (Rompre le silence), est profondément sceptique. « Les mots ne signifient rien », dit-il.

« Seules les actions comptent. Jusqu’à présent, la violence des colons a continué à faire des ravages et Gantz n’a rien fait. »

Il doute que, même si l’on déploie plus de policiers sur le terrain, « il puisse y avoir un changement fondamental » parce que l’occupation, les colonies et les postes avancés

« font tous partie d’un système se violence. Dans cette réalité, nous avons le devoir de protéger les Palestiniens, mais nous savons que la plupart des soldats ne sont pas informés qu’ils disposent de cette autorité et on ne leur transmet tout simplement pas les ordres d’appliquer la loi contre les colons ».

Il n’y a certainement guère eu de preuves lors de la récolte des olives de cette année – après l’attaque contre Al Mufakara – que le changement de gouvernement a modifié le comportement des colons. Dans le village de Turmus Aya, le fermier Mumtaz al Salmah, 42 ans, a expliqué comment, le 23 octobre, trois groupes familiaux palestiniens avaient fui devant une vingtaine de colons masqués qui leur avaient jeté des pierres, puis avaient éparpillé des sacs d’olives déjà cueillies, incendié une voiture et lacéré les pneus de quelques autres. Al Salmah, le dernier à avoir quitté les lieux, dit qu’il avait reçu un coup de bâton à l’arrière de la tête et de la nuque et que les militaires arrivés sur les lieux avaient utilisé des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes pour repousser les villageois – venus sur place pour soutenir les familles – et pour les empêcher de jeter des pierres.  « J’ai peur d’emmener des femmes et des enfants pour cueillir les olives, désormais », dit-il.

« Ils [les colons] nous attaquent sur nos propres terres et sous les yeux de nos propres enfants et je ne puis strictement rien faire. »

Des soldats ont également été attaqués par des colons extrémistes. Mais il y a des facteurs culturels qui alignent un grand nombre de ces soldats sur la même longueur d’onde que les colons. Des experts ont estimé en 2016 qu’entre un tiers et la moitié des cadets de l’armée épousaient le sionisme religieux, le credo des colons les plus idéologisés – alors que ce n’est le cas que pour 10 pour 100 de l’ensemble de la population.

Après avoir déclaré que le sionisme religieux est « dominant » jusqu’au niveau des officiers supérieurs, Yehuda Shaul – du Centre israélien des Affaires publiques –, un autre militant contre l’occupation, ajoute que les colons bénéficient souvent d’un contact « symbiotique » avec les unités des FDI cantonnées dans leurs parages. S’appuyant sur sa propre expérience en tant que conscrit à Hébron, il dit des colons :

« Le dimanche, ils étaient à ma caserne, où ils utilisaient le stand de tir, du fait qu’ils faisaient partie de mes unités de réservistes ; le samedi, ils m’avaient accueilli pour le cholent [le ragoût traditionnel du sabbat] ; le mardi,  leur chef était venu à la réunion des FDI sur les renseignements et les opérations ; le mercredi, j’avais fait un tour avec eux jusqu’au tombeau des Patriarches et, le jeudi, vous auriez voulu que je les arrête ? Vous êtes cinglés ? »

La présence de civils israéliens juifs peut apporter une certaine protection aux agriculteurs palestiniens. Un vendredi de ce mois, dans le village de Burin, dans le nord de la Cisjordanie, le professeur de théologie juive né à Londres, Michael Marmur, qui préside Rabbis for Human Rights (Rabbins pour les droits humains), était sur une échelle en train de cueillir des olives avec la famille Qaduz, au bas de l’avant-poste connu pour son extrémisme – et illégal – de Givat Ronen. À Burin, le mois précédent, les militaires n’ont pas empêché les colons de jeter à de multiples reprises des pierres sur une maison occupée par trois femmes et un petit garçon et ce n’est que lorsqu’une force armée plus importante est arrivée finalement au bout de 40 minutes, que les colons sont enfin partis, non sans avoir incendié une centaine d’oliviers. Décrivant les colons du « hilltop youth » (les jeunes extrémistes religieux nationalistes de la ligne dure qui installent des avant-postes, dixit Wikipédia) au point le plus chaud de la bataille pour la Zone C comme « sous-stimulés et surmotivés », Marmur cite l’injonction biblique de ne pas « regarder en arrière » et déclare que c’est « un impératif moral, de se dresser contre les violations quotidiennes des droits humains ».

Le fermier Jamal Qaduz, 48 ans, a témoigné sa gratitude envers ses visiteurs israéliens non seulement via de généreuses portions d’arrayes (des pittas farcies de viande) mais en déclarant ce qui suit, au moment où il montait vers ses oliviers proches de Givat Ronen, où la récolte n’avait pas encore eu lieu : « La semaine prochaine, nous aurons besoin de bien plus de volontaires et j’ai peur d’aller plus haut sans eux. »

Qaduz a introduit une plainte auprès de la police à propos de l’incident de la semaine précédente, quoique sans grand espoir. Selon l’agence israélienne des droits humains, Yesh Din, plus de 80 % de ce genre de plaintes n’aboutissent pas à une enquête pénale et seuls 9 % des plaintes déposées entre 2015 et 2019 se sont traduites par une condamnation.

Les colons n’ont pas tiré de coups de feu, à Burin. Mais, le 10 novembre, les événements ont toutefois pris une tournure plus grave, dans le village de Khalat al-Daba, dans le sud des collines de Hébron. Des colons, enjoints par un responsable militaire de l’administration civile de démonter une tente manifestement dressée pour fournir de l’ombre à leurs moutons, mais à proximité d’un bâtiment de ferme palestinien, sont restés dans la zone et ont mené leur troupeau jusque sous les oliviers cultivés par les villageois.

Itai Feitelson est arrivé avec d’autres activistes – palestiniens et israéliens – peu après 20 heures, suite à des rapports disant que les colons s’étaient mis à jeter des pierres, brisant ainsi la jambe d’un Palestinien de 64 ans. Feitelson, 26 ans, fait partie d’une nouvelle génération d’activistes israéliens qui passent des périodes considérables dans les collines au sud de Hébron, apprenant l’arabe et soutenant les agriculteurs palestiniens. Originaire de ce qu’il décrit comme un « foyer israélien traditionnel », Feitelson a accompli ses trois années de service militaire dans le nord d’Israël, choisissant le « moyen terme » d’un poste dans les renseignements qui n’allait pas le mêler à l’occupation, mais il avait petit à petit décidé de s’engager davantage. Il déclare :

« Je n’aime pas qu’on me tire dessus, mais j’aime cueillir des olives. J’aime cheminer avec les bergers. J’aime être dans les villages. » 

« Les victoires sont peu nombreuses. Parfois, on peut faire désescalader une situation ou empêcher une arrestation ; ou l’on peut avoir l’impression que les protestations sont moins sévèrement réprimées du fait de la présence de sympathisants israéliens. »

Cette nuit-là, à Khalat al-Daba, toutefois, Feitelson n’a pu qu’assister aux événements qui se sont déroulés rapidement dans l’obscurité. Ils se sont dramatiquement accélérés quand, à un moment apparemment de tension maximale, les soldats ont brusquement « grimpé dans leurs jeeps pour quitter les lieux ».

Ce fut une accalmie menaçante, suivie de « jets de pierres massifs de la part des deux camps », jusqu’à ce que, sept minutes exactement après le départ de l’armée, les « colons se sont mis à tirer comme des dingues » – apparemment avec des pistolets – blessant deux Palestiniens et touchant également des véhicules, dont une ambulance palestinienne. Il fallut alors attendre 40 minutes jusqu’à la réapparition de l’armée – à la demande expresse des villageois -, qui ordonna que les Palestiniens retournent dans leur village, après quoi l’armée escorta les colons jusqu’à l’avant-poste – illégal – de Mitzpe Yair.

« J’ai vu des colons qui tiraient », explique Feitelson,

« mais jamais pendant 40 minutes. La chose la plus dingue, à mon avis (…) c’est que l’armée s’est retirée. Il était si évident que la situation allait dégénérer ! »

Le rapport de B’Tselem, ce mois-ci, se concentrait avant tout sur un nouveau genre de poste avancé « non autorisé » – 40 « fermes » un peu partout en Cisjordanie qui, progressivement, allaient accaparer des pâturages et des sources d’eau vitales appartenant aux Palestiniens. Ceci, affirme Yehuda Shaul, « va enfoncer le clou final dans le cercueil des communautés de bergers palestiniens ». La violence, prétend Shaul, « est existentielle, pour les fermes (…) c’est une démarche nécessaire » dans le but de « faire partir les communautés de bergers palestiniens ».

Le 7 novembre, les hommes d’une de ces fermes, propriété du colon Issachar Mann, se sont avancés vers le village d’al-Tha’ala et sont parvenus – et entretenue – par des bergers palestiniens. Ces citernes sont d’une importance cruciale pour l’économie pastorale palestinienne du fait que les villageois dépendent d’elles pour donner de l’eau à leurs moutons.

Un activiste palestinien, Basil Adraa, est arrivé à temps pour filmer des scènes chaotiques, au moment où des soldats repoussaient les Palestiniens vers le village tout en permettant aux moutons des colons d’accéder à la citerne. Les militaires affirment que la citerne est « accessible aux deux parties ». De façon compréhensible, les Palestiniens la perçoivent comme n’appartenant qu’à eux-mêmes. Dans un échange verbal, un officier demande son nom à Adraa, qui répond en hébreu :

« Pourquoi ne dites-vous pas aux colons masqués de s’identifier eux-mêmes ? »

« Ne vous en faites pas », répond l’officier, « je les connais très bien. »

L’incident d’al-Tha’ala a eu lieu alors que, non loin de là, à Susiya, Hamdan Mohammed décrivait une scène bizarre qui avait eu lieu la veille quand des colons avaient faire irruption sur la plaine de jeux du village, engendrant des images d’adultes et d’adolescents ricanant sur des bascules et balançoires dans le même temps que des soldats des FDI se tenaient dans les parages immédiats pour empêcher les Palestiniens d’entrer. C’était le sabbat, ce qui avait incité Hamdam à dire : « Ils ne respectent même pas leur propre religion ! »

Il y a plus d’un millénaire, juifs et musulmans ont habité le secteur par moments. Le Susiya palestinien est destiné à être démoli, puisque considéré comme illégal par la loi israélienne, bien qu’il ne le soit pas plus en fait que les 150 avant-postes de peuplement juifs « non autorisés » et bien plus récents, dont celui de Givat Ha Degel, d’où provenaient certains des intrus du terrain de jeux. Selon les lois internationales, le village palestinien est entièrement légal et c’est la raison pour laquelle l’Union européenne et les États-Unis se sont si longtemps opposés à sa démolition.

Le Susiya israélien, dont Givat Ha Degel est un avant-poste, est la plus grande colonie de la région. Mais, bien que certains de ses 1 500 résidents aient participé à l’intrusion à la plaine de jeux, l’un des plus éminents colons de Susiya, Nadav Abrahamov dit que c’était une « erreur ». Il dit qu’il n’y a « pas eu de violence », mais que des colons de la zone avaient « été vraiment fâchés » de voir une nouvelle plaine de jeux dans une zone faisant l’objet d’ordonnances de démolition et qu’à ce moment – le matin même – des activistes israéliens étaient arrivés pour filmer des maisons récemment construites à Givat Ha Degel.

Néanmoins, ajoute Abrahamov, l’épisode « a été un incident stupide. Cela ne devrait pas arriver. » Il continue en insistant pour dire que l’envahissement d’Al Mufakara était l’action d’une « minorité au sein d’une minorité » – tout en reconnaissant qu’il ne sait pas « exactement ce qui s’est passé ».

N’importe quelle solution, explique Abrahamov, requiert le départ des activistes israéliens qu’il décrit à plusieurs reprises comme des « anarchistes » et qui, insiste-t-il, sont « ceux qui créent les tensions ». Il déclare que,

« sans eux, nous [les colons et les Palestiniens qui s’accrochent à leur Susiya] pourrions trouver une façon de vivre ensemble ».

Il dit que les dirigeants de la colonie de Susiya ont interdit aux résidents de répéter cette intrusion dans la plaine de jeux lors du prochain sabbat, en concluant en effet un arrangement avec l’armée qui empêcherait les « anarchistes » de venir dans la zone. Effectivement, l’armée a installé des check-points temporaires ce samedi-là, arrêtant les voitures portant des plaques d’immatriculation israéliennes et les empêchant pendant plus de deux heures d’atteindre le sud des collines de Hébron – l’information figurait également dans The Observer.

Une jeune Palestinienne aperçue par la fenêtre brisée de sa maison après que les colons ont attaqué Al Mufakara, près de Hébron. (Photo :  Nasser Nasser / AP)

Pourtant, bien que les colons de Susiya aient affirmé que, sans les « anarchistes », ils pourraient cohabiter avec le Susiya palestinien, ils préféreraient que ces derniers n’existent pas, qu’il reste un fossé infranchissable entre leur point de vue et  celui de la communauté internationale à propos de qui a ou n’a pas le droit d’habiter le sud des collines de Hébron – et le reste de la Zone C. La désignation comme Zone C, indispensable pour le futur État palestinien que les gouvernements étrangers veulent voir exister, était censée n’être que temporaire, dans l’attente d’un accord de paix définitif. Au lieu de cela, les colons attendent désormais son annexion complète au sein d’Israël. « Nous sommes une partie intégrante d’Israël, mais pas [encore] l’État d’Israël », se lamente un autre colon de Susiya, Shmaya Berkowitz.

La notion selon laquelle la violence des colons est limitée à une frange ultra-extrémiste ne fait pas bon ménage non plus avec l’accusation portée contre des agences comme le Yesh Din – et étayée par des preuves de plus en plus nombreuses – qu’elle fait « partie d’une stratégie calculée afin de déposséder les Palestiniens de leur terre ». Pas plus qu’elle ne colle avec les propos de Yehuda Shaul, un fervent partisan d’un accord à deux États avec les Palestiniens, qui dit que

« la violence des colons n’est pas l’affaire d’une cinquantaine de dingues en marge du mouvement (…) mais une démarche essentielle dans l’évolution du projet de peuplement ».

Les FDI ont déclaré la semaine dernière qu’elles étaient

« engagées dans le bien-être de tous les habitants de la zone et dans des actions destinées à empêcher la violence dans la zone placée sous leur responsabilité ».

Faisant allusion aux colons, elles ont ajouté :

« Toute allégation selon laquelle les FDI soutiennent ou autorisent des violences de la part des résidents de la zone est fausse. »

De retour à Al Mufakara, Baraa Hamamda dit que ses enfants ont été traumatisés par cet après-midi de septembre ; qu’ils sont désormais préoccupés par les fenêtres, sachant qu’elles sont constituées de verre pouvant être brisé par une pierre.

« Ils disent : ‘Comment des fenêtres peuvent-elles nous aider ? Nous n’avons pas besoin de fenêtres !’ »  

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Publié le 28 novembre 2021 sur The Guardian
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également :

Témoignage : Un autre pogrom horrible contre les Palestiniens

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