La Suède « pacifiste » s’approvisionne en armes israéliennes

En juin 2021 – pas même deux mois après le massacre de Gaza – la Suède autorisait Elbit Systems, l’un des plus gros manufacturiers d’armes d’Israël, à ouvrir une branche suédoise de ses activités.

Un sauveteur palestinien pose la main sur un corps découvert dans les décombres d’un immeuble résidentiel de la rue al-Wihda, à Gaza, bombardée le 16 mai 2021. L’attaque avait tué plus de 40 personnes dans leurs logements (Photo : Mohammed Zaanoun ActiveStills)

Un sauveteur palestinien pose la main sur un corps découvert dans les décombres d’un immeuble résidentiel de la rue al-Wihda, à Gaza, bombardée le 16 mai 2021. L’attaque avait tué plus de 40 personnes dans leurs logements (Photo : Mohammed Zaanoun ActiveStills)

Ali Abunimah, 6 avril 2022

La semaine dernière, Jenny Ohlsson, ministre suédoise du développement international, était en visite en Israël et en Cisjordanie occupée.

À Hébron, pour une séance de photos, elle a posé en compagnie d’enfants palestiniens et a prétendu qu’ils lui avaient posé la « question la plus ardue » qu’elle ait entendue durant toute cette semaine.

« Pourquoi tous les pays et toutes les personnes ne sont-ils pas traités de la même manière dans les affaires mondiales quand il s’agit d’attention et de soutien ? »,

avaient demandé les enfants, a-t-elle déclaré dans un tweet.

« J’ai répondu que c’était une bonne question et j’ai promis de combattre cette tendance. Toujours »,

a répondu la ministre Ohlsson. Et d’ajouter :

« Je vais soulever cette préoccupation quand je le pourrai. Voilà ! »

La réponse à la question n’est pas difficile : Palestiniens, Irakiens, Afghans, Yéménites et autres sont traités par la Suède d’une autre façon que, disons, les Ukrainiens, parce que la Suède, comme le reste de l’Europe, est une vassale des États-Unis. Elle fait plus ou moins ce qu’on lui dit de faire.

Il existe également une forte dose de racisme, dans sa politique étrangère : L’existence des blancs est tout simplement plus précieuse, à ses yeux.

De plus, la promesse d’Ohlsson de soulever l’« inquiétude » des enfants n’est qu’une façon de tourner autour du pot et une tentative en vue de masquer la complicité directe de la Suède dans l’occupation, la persécution, la colonisation et les tueries auxquelles le régime israélien d’apartheid soumet les Palestiniens.

Cette complicité inclut les achats de plus en plus importants par la Suède d’armes israéliennes et sa récente décision de permettre à un fabricant d’armes israélien notoire de s’installer sur son territoire.

Pendant qu’Ohlsson était en Palestine, les forces d’occupation israéliennes tuaient un adolescent de 16 ans, Sanad Abu Atiya au cours d’un raid contre Jénine.

Selon un témoin oculaire, Sanad a été mortellement abattu alors qu’il tentait de venir en aide à Yazid al-Saadi, 22 ans, qui venait d’être touché à l’arrière de la tête par les assaillants israéliens.

Ce dernier homicide d’un enfant palestinien n’a suscité aucun commentaire, ni la moindre indignation ou condamnation, de la part d’Ohlsson ou de quelque autre responsable européen, me semble-t-il, jusqu’à présent.

Assez tristement, cette approbation tacite des crimes israéliens s’inscrit dans la norme.

La Suède récompense le massacre de Gaza

En mai, Israël bombardait la bande de Gaza pendant 11 jours, tuant plus de 250 Palestinien·ne·s, dont près de 70 enfants.

Une bonne douzaine de familles voyaient plusieurs de leurs générations balayées en une seule fois, au cours de ces attaques israéliennes, comme lors du massacre, entre autres, de la rue al-Wihda, le 16 mai 2021.

Ces bombardements israéliens particuliers d’immeubles résidentiels de Gaza ont tué plus de 40 Palestinien·ne·s dans leurs foyers, dont près d’une moitié d’enfants.

Bien que la soi-disant communauté internationale – les États-Unis et leurs clients euro-atlantiques – aient continué à soutenir Israël alors qu’il ciblait des infrastructures civiles et qu’il tuait des civils, on a assisté à un épanchement mondial de solidarité avec les Palestiniens.

Comme il le fait habituellement, Israël a annoncé qu’il allait refuser de coopérer dans une enquête indépendante sur les crimes de guerre commanditée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

Non contents de ne pas avoir remué le petit doigt quand Israël a massacré une fois de plus des civils sans défense dans un territoire assiégé et occupé, certains pays se sont même enhardis à le récompenser et, de la sorte, à encourager peut-être de futurs massacres.

Ces derniers mois, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont signé des accords avec Israël en vue d’accroître leur coopération militaire.

Et c’est également le cas pour la Suède, qui se vante volontiers d’être une championne des droits de l’homme et de la paix – prétendant même d’avoir une « politique étrangère féministe ».

Peu après le dernier massacre à Gaza, la nation nordique s’est targuée de raviver ses liens avec l’État d’apartheid.

 

Mais les ministres suédois n’ont pas mis en exergue de développement particulier.

En juin 2021 – pas même deux mois après le massacre de Gaza – la Suède autorisait Elbit Systems, l’un des plus gros manufacturiers d’armes d’Israël, à ouvrir une branche suédoise de ses activités.

« La Suède est un marché important pour Elbit Systems et une pierre angulaire en vue d’une expansion future en Europe »,

a déclaré Haim Delmar, le président d’Elbit Systems – Suède.

Les contrats d’armement ont rapidement suivi. En janvier, la marine de guerre suédoise signait avec Elbit un contrat de 27 millions de USD portant sur des « systèmes de gestion de combat ».

Le mois dernier, l’armée suédoise signait un autre contrat, de 27 millions de USD également, avec la firme israélienne, portant cette fois sur l’achat d’obus de char de 120 mm.

« Je crois que ce choix par la Suède souligne la reconnaissance croissante par les armées occidentales de la qualité unique de notre portefeuille de produits »,

a déclaré Yehuda Vered, d’Elbit.

Les Palestiniens de Gaza peuvent témoigner des effets horriblement destructeurs des « produits » Elbit – qui sont très habituellement testés sur eux.

Il convient de remarquer que la Suède propose à Elbit Systems une nouvelle base au moment précis où, au Royaume-Uni, des protestations par action directe forcent la firme israélienne à fermer certains de ses sites insulaires.

Comme s’il s’agissait d’une ironie du sort, depuis 2010, le fonds de pension du gouvernement suédois interdit les investissements dans Elbit Systems du fait que la firme fabrique des équipements utilisés par Israël pour « violer les lois internationales ».

Un boum dans le commerce des armes

Bien qu’elle se fasse passer pour une force en faveur de la paix, la Suède est la 13e nation exportatrice d’armes au monde, selon les données les plus récentes de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

En effet, selon le SIPRI, les pays de l’Amérique du Nord et de l’Europe ont pris à leur compte 87 pour 100 des exportations d’armes mondiales au cours des années 2017-2021.

Durant cette période, Israël a été le 10e exportateur d’armes au monde. À partir de sa nouvelle base en Suède, Elbit va peut-être être en mesure de développer plus encore sa part de marché.

Le gouvernement social-démocratique de la Suède, qui se prétend de gauche, n’a cessé d’exercer des pressions afin que l’on impose des sanctions on ne peut plus sévères contre la Russie, dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine.

Il a également envoyé de grosses quantités d’armes en Ukraine afin de combattre la Russie.

La Russie

« sera tenue pour responsable de son agression brutale, au mépris de toutes les lois internationales, contre l’Ukraine »,

a déclaré la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde.

Pendant ce temps, Stockholm fait en sorte qu’Israël soit récompensé pour son agression brutale contre la Palestine, une agression longue de plusieurs décennies et qui depuis n’a cessé de violer les lois internationales

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impa

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Publié le 6 avril 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Bon à savoir :

En Belgique, les entreprises OIP situées à Oudenaarde et à Tournai, sont également la propriété d’Elbit.

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