Les demandes de libération du Palestinien Ahmad Manasra, emprisonné à 13 ans se multiplient

Ahmad Manasra est détenu en Israël depuis l’âge de 13 ans. Très grièvement blessé au moment de son arrestation, il a constamment été soumis depuis à des violences physiques et psychologiques. Plus de six ans plus tard, une campagne mondiale de solidarité a exercé des pressions sur les tribunaux israéliens au point qu’ils vont organiser le 13 avril une audience en vue de revoir son cas et, si possible, de le faire passer en appel. Cette campagne réclame sa libération immédiate.

30 mars 2022. Protestations en face du QG de Friends of the Israeli Defense Force (Amis des FDI) à New York City pour la libération d'Ahmed Manara (Photo : avec l’aimable autorisation de Palestine-Global Mental Health Network)

30 mars 2022. Protestations en face du QG de Friends of the Israeli Defense Force (Amis des FDI) à New York City. (Photo : avec l’aimable autorisation de Palestine-Global Mental Health Network)

Yaakov Rav et Henry Vumbaca, 22 avril 2022

En 2015, la nature cruelle de l’arrestation d’Ahmad avait déclenché l’indignation. Il avait été renversé par la voiture d’un colon et, malgré une fracture du crâne, on lui avait refusé les soins médicaux adéquats. Son cas était devenu le symbole d’une forme de violence sioniste que Charlotte Kates, de Samidoun (Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens), a qualifié d’« offensive spéciale contre les enfants palestiniens ».

« C’est de la guerre psychologique » contre un enfant

« L’attention s’est concentrée sur Ahmad en raison de la vidéo de son interrogatoire », a expliqué à Liberation News Linda Mansour, une avocate américaine installée en Palestine et membre de la Campagne de libération d’Ahmad Manasra. Dans une scène qui rappelle l’infâme prison de la baie de Guantanamo, Ahmad était enchaîné à une chaise, recevait des décharges électriques à l’aide d’un bracelet électronique et on lui criait dessus sans arrêt quand il hurlait « Je ne me souviens pas » et qu’il demandait de voir un médecin. Cette prise de vue avait suscité l’indignation au niveau mondial et elle s’est retrouvée au centre de la Campagne de libération d’Ahmad Manasra lancée par le Palestine Global Mental Health Network (PGMHN – Réseau mondial de santé mentale – Palestine).

Cet interrogatoire avait débouché sur l’extorsion de faux aveux. Ahmad Manasra avait été accusé de tentative d’homicide et condamné à 12 ans de prison pour avoir prétendument participé avec son cousin à une attaque dans une colonie israélienne illégale de Jérusalem-Est. Sa sentence avait été réduite par la suite à 9 ans, en partie en raison du manque de preuves de ce qu’il avait joué un rôle secondaire dans l’attaque.

« C’est de la guerre psychologique », déclare Linda Mansour.

« Ahmad Manasra a été utilisé comme exemple afin d’intimider le reste de la population. Un psychologue palestinien a sorti le terme « désenfantisation » (unchilding) pour décrire (…) l’intimidation, la terrorisation et l’arrestation des enfants palestiniens. Aucun d’entre eux n’a eu de véritable enfance ; soit leur maison a été démolie, soit, sur le chemin de l’école, ils sont harcelés par des soldats dans des chars, soit leurs pères et frères sont en prison, soit eux-mêmes sont en prison. »

Les familles sont elles aussi punies

La démolition des maisons palestiniennes, explique Jamal Nazzal, du Fatah, est liée au problème des enfants prisonniers. « La démolition des maisons est une pratique courante, elle fait partie des punitions collectives », dit-il.

« Quand un enfant est accusé d’un délit, la maison de sa famille va à coup sûr être détruite. (…) La punition collective interdit même aux proches des enfants emprisonnés de leur rendre visite ou de chercher du travail dans la même zone de la Cisjordanie que leur enfant. (…) Cela va totalement à l’encontre des prétentions israéliennes à la démocratie. »

Concernant le cas Manasra et sa révision d’ici peu, Nazzal déclare :

« Quoi que disent ou ne disent pas les tribunaux israéliens, nous demandons qu’il soit relâché immédiatement et que tous les 160 autres enfants détenus dans des prisons israéliennes soient libérés immédiatement aussi. »

Ce nombre, dit Charlotte Kates, de Samidoun, est en réalité bien plus élevé que le chiffre officiel :

« Comme Ahmad Manasra, les Palestiniens qui sont emprisonnés en tant qu’enfants passent souvent le cap de leurs 18 ans en étant derrière les barreaux et, dès lors, ils sortent des statistiques »

en tant qu’enfants détenus, explique-t-elle à Liberation News,

« Ce n’est pas un système où on vous relâche à 18 ans parce que vous avez été arrêté en tant qu’ado. Bien des Palestiniens classés comme détenus adultes ont été arrêtés quand ils étaient adolescents et, une fois qu’ils ont eu 18 ans, ils sont devenus nettement moins visibles. »

« Ce ciblage permanent et systématique des enfants palestiniens », ajoute Charlotte Kates,

« n’est pas totalement séparé de ce qui se passe dans les puissances impérialistes – les EU, le Canada, l’UE – qui accordent à Israël une couverture politique, militaire et diplomatique. Il y a bien trop de cas similaires d’enfants et d’adolescents des communautés opprimées des EU qui sont ciblés pour la violence policière, l’extorsion de faux aveux et diverses formes de violence et de torture. »

Lutter pour l’obtention d’une révision du procès

Cette campagne a été lancée afin de lutter pour le droit d’Ahmad à une révision de son procès, que Linda Mansour décrit comme similaire au système américain de libération sur parole.

« Si vous avez accompli deux tiers de votre peine, vous avez droit à ce qu’elle soit révisée »,

explique-t-elle à Liberation News,

« Il en a accompli plus de deux tiers : près de 7 ans de sa peine [de 9 ans]. »

La Commission spéciale de l’autorité carcérale, le corps administratif au sein même du système carcéral israélien chargé de superviser ces procédures, a carrément rejeté une révision du procès d’Ahmad demandée pour le 7 février. Ses avocats ont déposé une requête au tribunal de district de Beer Sheva en vue d’aller en appel contre la décision de la Commission spéciale et, avec le soutien international de la Campagne de libération d’Ahmad Manasra, une date a été fixée pour entendre son appel le 13 avril.

Dans sa Déclaration concernant la liberté d’Ahmad Manasra, le PGMHN réclame la libération immédiate d’Ahmad Manasra et cite en détail les diverses façons dont les autorités israéliennes ont violé les lois internationales et la législation israélienne même :

« Ahmad n’avait pas atteint l’âge légal pour être prévenu quand il avait été détenu illégalement. Les autorités israéliennes ont retardé leurs procédures judiciaires pendant près d’un an (…) avant de la condamner dans le cadre de la prétendue ‘loi antiterroriste’ qui, juridiquement, ne devrait pas s’appliquer à des mineurs. »

Détenu de façon itérative en confinement solitaire

Pendant cette année de détention prolongée d’avant son procès, Ahmad a été de multiples fois soumis au confinement solitaire. Selon le PGMHN, sa période la plus récente de confinement solitaire a duré quatre mois, ce qui constitue une violation grossière des lois internationales, qui stipulent que le confinement solitaire de plus de quinze jours équivaut à de la torture.

Cette situation a même été portée à la connaissance du Congrès américain. Betty McCollum (DFL-Minn.) a introduit la Loi de défense des droits humains des enfants – et familles – palestiniens vivant sous occupation militaire israélienne (H.R. 2590) afin de forcer Israël à cesser d’utiliser les dollars du contribuable américain pour la détention militaire, les abus ou les mauvais traitements des enfants palestiniens dans les prisons israéliennes ou de saisir et détruire la propriété et les maisons palestiniennes en violation des lois internationales.

« Toutefois », comme l’explique Jamal Nazzal,

« les autorités israéliennes peuvent adapter les lois comme bon leur semble. Non seulement elles peuvent utiliser les lois de façon raciste et antidémocratique, mais elles peuvent également les adapter afin de convenir à leurs besoins à un moment bien spécifique dans le temps. C’est ce à quoi nous avons assisté au cours des décennies avec toutes les formes d’oppression auxquelles nous avons été confrontés. »

C’est pourquoi la solution, comme le montre clairement Charlotte Kates, de Samidoun, réside dans l’organisation massive de la solidarité avec les prisonniers palestiniens :

« Les prisonniers palestiniens, en tant que leaders de la résistance palestinienne, sont les dirigeants légitimes du mouvement palestinien »,

affirme-t-elle.

« Il nous faut accroître la conscience, il nous faut mettre le Congrès sous pression, mais il nous faut également bâtir un mouvement qui puisse faire naître partout la libération de la Palestine. La seule façon de libérer les enfants palestiniens, c’est de libérer toute la Palestine, du fleuve à la mer. »

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Publié le 12 avril 2022 sur Liberation News
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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