Israël va dissoudre son gouvernement afin de sauvegarder l’apartheid

Israël va devoir dissoudre son gouvernement pour maintenir son système d’apartheid en Cisjordanie, où les Palestiniens vivent sous une dictature militaire depuis son occupation en 1967.

20 mai 2022. Al-Tuwani, village des collines du sud de Hébron, en Cisjordanie. Un manifestant brandit un drapeau palestinien lors d’une manifestation de solidarité avec Masafer Yatta. (Photo : Heather Sharona Weiss / ActiveStills)

20 mai 2022. Al-Tuwani, village des collines du sud de Hébron, en Cisjordanie. Un manifestant brandit un drapeau palestinien lors d’une manifestation de solidarité avec Masafer Yatta. (Photo : Heather Sharona Weiss / ActiveStills)


Maureen Clare Murphy,
22 juin 2022

Une mesure d’urgente appliquant la législation civile israélienne aux colons de Cisjordanie va expirer à la fin du mois, après que le Parlement de l’État n’a pas été en mesure de prolonger la loi.

Israël a régulièrement prolongé les mesures d’urgence toutes les quelques années depuis qu’elles ont été imposées, c’est-à-dire dès le début de l’occupation.

Comme l’a fait remarquer l’agence de presse AP, « une majorité écrasante » du Parlement israélien « soutient le maintien des systèmes séparés » pour les colons juifs et les Palestiniens vivant en Cisjordanie.

« La raison principale pour laquelle le projet n’est pas passé était que l’opposition nationaliste – qui l’appuie à fond – a paradoxalement refusé de voter en faveur d’une tentative de dissoudre le gouvernement israélien à base large mais constitué d’une coalition fragile »,

a ajouté AP.

« Dans une veine similaire, les députés hostiles aux colonies ont voté en faveur de la législation censée maintenir la coalition en place. »

Le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a rapporté cette semaine que Naftali Bennett, le Premier ministre israélien, s’était laissé dire par le ministre de la Justice du pays

« qu’il n’y aurait pas moyen d’aller au-delà des délais d’expiration des réglementations d’urgence ».

En convoquant de nouvelles élections, ces réglementations seront automatiquement prolongées, ajoutait le journal.

Naftali Bennet et Yair Lapid, le ministre des Affaires étrangères d’Israël, se sont dits d’accord pour voter la dissolution du gouvernement la semaine prochaine, et ont déclaré qu’ils avaient « épuisé les options en vue de stabiliser » leur coalition dirigeante.

Netanyahou prépare son retour

La peu maniable coalition à huit partis, instable dès le début, s’est constituée sur une opposition partagée au chef du parti Likoud, Benjamin Netanyahou.

Le vote offrira une opportunité de retour dans l’arène politique à Netanyahou, Premier ministre pendant 12 ans jusqu’à la formation de l’actuelle coalition, l’an dernier.

Comme l’a fait remarquer Omar Karmi, de The Electronic Intifada, Netanyahou a préparé son retour.

Son parti, le très populaire Likoud,

« sème la crainte sur la façon dont ‘les Arabes reprennent du poil de la bête’ et il propose d’emprisonner toute personne brandissant un drapeau palestinien, d’expulser les familles de tous ceux qui se livrent à des agressions contre des Israéliens et de priver de sa citoyenneté toute personne qui manifeste en temps de guerre ».

Si la Knesset devait voter la dissolution, Lapid deviendrait Premier ministre par intérim jusqu’aux prochaines élections,

Bennett a déclaré que ce n’était « pas un moment facile, mais nous avons pris la décision qu’il fallait pour l’État d’Israël », a rapporté Haaretz.

Cette décision démontre comment le colonialisme de peuplement est le seul principe organisateur de l’État d’Israël.

Le maintien de l’apartheid – une structure de gouvernance raciste qui facilite la déportation des Palestiniens et le vol de leurs terres – prévaut sur le maintien en place de la coalition dirigeante.

Les Palestiniens sont soumis à un pouvoir militaire oppressif afin d’éliminer toute opposition à la colonisation en Cisjordanie.

Masafer Yatta

Mardi et mercredi, alors que la chute du gouvernement dominait les gros titres, les chars israéliens déferlaient sur la zone de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie.

Lundi, un juge de la haute cour israélienne approuvait un exercice militaire à Masafer Yatta.

En mai, le même tribunal entérinait l’expulsion forcée de plus d’un millier de Palestiniens de huit villages de la région.

Si Israël applique cette déportation forcée – un crime de guerre – ce sera l’une des plus grosses expulsions de Palestiniens depuis 1967.

David Mintz, l’un des trois juges qui ont prononcé le verdict concernant Masafer Yatta, est né en Angleterre et vit à Dolev, une colonie construite en Cisjordanie en violation des lois internationales.

Si les réglementations d’urgence prolongeant l’application des lois civiles israéliennes aux colons de Cisjordanie avaient expiré à la fin de ce mois, Mintz et un autre membre de la haute cour israélienne, et tous les procureurs israéliens vivant dans les colonies auraient perdu leur droit de pratiquer la justice.

Les exercices entrepris par l’armée israélienne à Masafer Yatta seront les premiers dans la région qui impliqueront des tirs à munitions réelles en plus de deux décennies, affirme Haaretz.

Durant ces vingt et quelques années, les résidents palestiniens de la région ont adressé des requêtes aux tribunaux israéliens contre l’approbation des revendications militaires concernant leurs terres, puisque cela permettrait effectivement à l’armée de procéder à leur déportation forcée.

L’an dernier, Israël a organisé des manœuvres militaires pendant deux ou trois jours à Masafer Yatta, amenant des chars à proximité d’une école, d’une clinique et d’une mosquée du village, tout en endommageant des terres agricoles et des structures résidentielles.

Alors que le gouvernement israélien en est au point mort, les roues de la colonisation et de la dépossession continuent de tourner sur la terre de Palestine.

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Publié le 22 juin 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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