La cour suprême facilite l’expulsion des citoyens palestiniens d’Israël

La cour suprême israélienne a décidé la semaine dernière que la citoyenneté pouvait être révoquée pour des délits constituant un « manquement à la loyauté », même si cette mesure fait une apatride de la personne concernée.

Jusqu’à présent, seuls des citoyens palestiniens d’Israël - et aucun de leurs homologues juifs – se sont vu retirer leur citoyenneté selon les termes d’une loi de 2008. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

Jusqu’à présent, seuls des citoyens palestiniens d’Israël – et aucun de leurs homologues juifs – se sont vu retirer leur citoyenneté selon les termes d’une loi de 2008. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

 

Maureen Clare Murphy, 28 juillet 2022

La décision fournit à l’État un mécanisme juridique additionnel en vue de priver les Palestiniens de leur citoyenneté et de leurs droits fondamentaux.

La décision de la cour suprême était une réponse à un appel d’Adalah, une organisation qui défend les droits des Palestiniens en Israël, et de l’Association des droits civiques en Israël (ACRI).

Les deux organisations allaient en appel contre une décision du tribunal, en 2017, qui approuvait la démarche du ministre de l’Intérieur en vue de révoquer la citoyenneté d’Alaa Zayoud, un Palestinien d’Umm al-Fahm qui avait été emprisonné après avoir percuté une station d’autobus avec sa voiture et poignardé trois Israéliens en 2015.

Israël n’a jamais révoqué la citoyenneté de Juifs israéliens impliqués dans de graves délits.

En 1996, la cour suprême d’Israël a rejeté une requête en vue de révoquer la citoyenneté de Yigal Amir, qui avait assassiné Yitzhak Rabin, le Premier ministre, un an plus tôt.

La cour suprême a rejeté l’argument d’Adalah et de l’ACRI disant que la loi israélienne de 2008 « sur la nationalité » était utilisée de façon discriminatoire contre les citoyens palestiniens d’Israël.

Cette loi définit un « manquement à la loyauté envers l’État d’Israël » comme le fait de commettre ou assister un « acte de terrorisme », de s’engager dans des actions que l’État perçoit comme trahisons ou actes d’espionnage, d’acquérir la citoyenneté ou la résidence permanente en Iran, Afghanistan, Libye, au Soudan, en Syrie, Irak, au Pakistan, au Yemen ou dans la bande de Gaza.

Toutefois, selon Adalah, dans les 31 cas où la révocation de citoyenneté a été envisagée depuis l’entrée en vigueur de la loi, aucun n’impliquait un citoyen israélien juif.

« Il y a beaucoup de cas de juifs en Israël qui ont participé au terrorisme et pas même une fois le ministère de l’Intérieur n’a envisagé de lancer un appel en vue de révoquer leur citoyenneté »,

a déclaré à Reuters Oded Feller, de l’ACRI.

« Les seuls cas qui ont été soumis à la cour étaient des citoyens arabes [palestiniens] »,

a ajouté Feller.

« Une loi discriminatoire »

La cour suprême israélienne a reconnu dans sa décision qu’aucune loi comparable, prévoyant de révoquer la citoyenneté, n’existe dans quelque pays que ce soit, affirment Adalah et l’ACRI.

La révocation de citoyenneté rendant une personne apatride constitue une violation des lois internationales, ont statué la Déclaration universelle des droits de l’homme et diverses autres conventions.

« Le cas présent indique que la loi est discriminatoire et qu’elle sera sans doute utilisée exclusivement contre des citoyens palestiniens d’Israël »,

ont ajouté l’ACRI et Adalah.

La décision de la cour suprême doit être perçue dans le contexte de l’idéologie raciste de l’État. La loi de 2008 « sur l’État nation » définit Israël comme « la patrie nationale du peuple juif » et que le « droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est unique au peuple juif ».

La décision devrait aussi être perçue comme servant le but général d’Israël de coloniser la terre palestinienne et de pacifier la moindre résistance qui serait opposée à Israël.

Israël cherche à révoquer la résidence permanente du défenseur des droits de l’homme Salah Hammouri, qui est né à Jérusalem et qui y a été élevé, en prétendant qu’il a « manqué à sa loyauté » envers l’État.

« Comment peut-on s’attendre d’une population soumise et colonisée dans la brutalité qu’elle promette d’être loyale à son occupant ? »,

a écrit Hammouri dans une tribune de The Electronic Intifada en 2020.

« Israël a recouru à diverses stratégies pour forcer une proportion de 30/70 entre Palestiniens et Juifs israéliens dans la ville »,

a fait remarquer Hammouri, en faisant allusion à Jérusalem. Israël occupe le secteur oriental de la ville depuis 1967 et l’a annexé unilatéralement en commettant une violation des lois internationales.

Israël traite les Palestiniens à Jérusalem-Est occupée comme des « résidents permanents » – comme s’ils étaient des étrangers venus là d’un autre pays, et non des autochtones nantis des droits inaliénables d’y vivre, de sortir et de rentrer dans leur ville natale et leur pays.

« Depuis 1967, Israël a révoqué la résidence de plus de 14 500 Palestiniens de Jérusalem, et ils sont des milliers de plus à tenter quotidiennement de conserver leur résidence et leur existence dans la ville »,

a fait remarquer Hammouri.

« Les Palestiniens deviennent vulnérables à la déportation »

Ce scénario, utilisé depuis longtemps contre les Palestiniens à Jérusalem, est désormais appliqué aux Palestiniens de citoyenneté israélienne.

Écrivant pour Middle East Eye (MEE), Lana Tatour fait remarquer que

« le tribunal a dégagé la voie pour ce qui deviendrait la dénaturalisation routinière des Palestiniens de citoyenneté israélienne, les rendant ainsi vulnérables à la déportation, une chose à laquelle Israël aspire depuis longtemps ».

Tatour d’ajouter :

« La décision de substituer la citoyenneté par un prétendu statut de résidence permanente pourrait donner la possibilité aux individus de continuer d’avoir accès à certains services sociaux, mais cela les prive de la protection maximale que la citoyenneté est censée accorder : le droit de rester chez soi. »

Tatour fait remarquer que plus de 150 Palestiniens ont été accusés de délits terroristes dans le sillage du soulèvement de l’unité en mai 2021.

Aujourd’hui, Tatour écrit :

« Tous sont confrontés à la menace de voir leur citoyenneté révoquée. Les Palestiniens ne savent que trop bien ce que signifie potentiellement : être expulsés de leur patrie. »

L’expulsion de leur patrie est le sort partagé par des millions de réfugiés palestiniens et leurs descendants à qui Israël interdit de rentrer uniquement parce qu’ils ne sont pas juifs.

Aujourd’hui, la cour suprême d’Israël a approuvé un outil de plus dans l’arsenal de l’État afin de poursuivre l’application de son seul principe organisateur : l’éloignement des Palestiniens autochtones de façon à ce qu’ils puissent être remplacés par des colons juifs étrangers.

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Publié le 28 juillet 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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