Ces « ONG » et autres organisations « caritatives » qui financent les colons d’Israël

Des groupes de colons, comme Ateret Cohanim, Israel Land Fund et Reganim, financent leurs opérations via des ONG et autres organisations “caritatives” aux EU, au Canada et au Royaume-Uni.

Les Palestiniens de Masafer Yatta en plein combat contre une tentative en vue de les éliminer. (Photo : Mamoun Wazwaz / APA images)

Sami Huraini, 26 juillet 2022

L’effacement imminent des autochtones de Masafer Yatta n’est pas qu’une question d’« occupation », comme aimeraient nous le faire croire les sionistes libéraux.

Les Palestiniens combattent bien davantage qu’une « occupation ». Nous combattons le programme israélien de colonialisme de peuplement.

Nous nous battons contre les efforts en vue de nous éliminer.

Au plus profond de lui-même, chaque Palestinien sait qu’il ne s’agit pas que de l’« occupation ».

Chaque jour, les Palestiniens sont confrontés à la menace d’être arrêtés et emprisonnés pour une durée indéterminée, d’être tués ou encore expulsés de leur terre et déportés. Notre expérience nous dit que notre existence constitue une menace, pour Israël.

La seule « solution » à ce danger consiste à se débarrasser de nous.

En juin dernier, l’un des jeunes hommes de notre communauté d’al-Tuwani a hissé un drapeau palestinien à partir d’un arbre, dans notre village. Quelques jours plus tard, les forces armées israéliennes ont effectué un raid afin de retirer le drapeau.

Les soldats israéliens ont pointé leurs armes sur moi, mes amis et les membres de ma famille. Du fait que leur État leur octroie une pleine impunité vis-à-vis des poursuites, ils ont pointé la mort sur nos visages.

En de tels moments, je ressens une chose, c’est que seule la chance sépare les vivants des morts. Après tout, le seul but du soldat israélien est d’éliminer le peuple autochtone – en nous prenant notre liberté ou nos existences, via l’expulsion ou l’intégration forcée au système colonial de peuplement.

Notre histoire démontre ce fait.

La violence meurtrière israélienne envers nos familles et les êtres qui nous sont chers est l’une des menaces qui cimente la société palestinienne. En janvier, à Masafer Yatta, les Israéliens ont attaqué un honorable vieillard local, Hadj Suleiman Hathaleen, qui défendait ses voisins, en le renversant avec un véhicule et en traînant ensuite son corps sur les graviers. Peu de temps après, Hathaleen mourait de ses blessures.

Toujours en janvier, les Israéliens abattaient Harun Abu Aram d’une balle dans le cou alors qu’il s’opposait à leur tentative de dérober un générateur électrique.

Depuis, il est entièrement paralysé depuis le bas du cou et il va sans doute lui falloir utiliser une chaise roulante pour le reste de ses jours.

À Jénine, les forces israéliennes ont assassiné la journaliste Shireen Abu Akleh et ont ensuite pris ses funérailles en embuscade, agressant la procession avec une cruauté et un irrespect des plus répugnants. Même au cours de la visite de Joe Biden à Bethléem, les riverains ont été obligés d’éloigner une affiche à son effigie, à proximité de l’église de la Nativité.

L’oblitération s’opère de multiples façons.

N’empêche, nous refusons toujours de renoncer à nos libertés ou à notre lutte de libération collective. Nous ne serons pas oubliés par l’histoire.

Afin de défier l’oblitération par Israël, nous avons organisé des protestations régulières à Masafer Yatta, en nous positionnant en face des chars de l’armée afin de les empêcher de terroriser les gens et de détruire leurs champs.

Quand nous défendons nos communautés, les forces israéliennes nous arrêtent et nous tabassent. Et les colons, protégés par ces soldats, font pareil.

Ils ont confisqué nos véhicules et nos tracteurs et ils nous ont imposé de lourdes amendes afin de tenir les activistes de la solidarité à l’écart des villages.

La matrice de la violence

Mais nous comprenons que la lutte physique sur le terrain ne suffit pas. Elle doit être associée à la pression publique.

Nous avons lancé des campagnes en ligne afin de mettre en évidence le profil de Masafer Yatta, en mettant en lumière les façons dont s’y prend Israël pour organiser notre nettoyage ethnique.

Nous œuvrons dans nos campagnes jusque tard dans la nuit.

Des gens venus du monde entier – diplomates, journalistes, activistes – ont été invités ici afin de constater de visu la situation sur le terrain et d’agir en solidarité.

Cette lutte pour la libération ne se gagnera pas dans l’isolement.

Du fait que les Palestiniens sont confrontés à une matrice de violence israélienne – balles, bâtons et prison – nous invitons les activistes de la solidarité à unir leurs efforts de conscientisation et à les associer à des activités susceptibles de couper le robinet aux ressources financières du mouvement israélien de peuplement.

Une large coalition d’organisations – Youth of Sumud, les Défenseurs des droits humains, les Équipes pacifistes communautaires, le Comité de défense de Hébron, Stop the Wall et le Collectif du bon berger – ont organisé la Campagne de non-financement du racisme.

Du fait que nous avons été très régulièrement confrontés aux colons israéliens sur le terrain, nous comprenons que le mouvement de peuplement dirige presque tous les actes de violence.

Après tout, le groupe de colons Ateret Cohanim orchestre la reprise des propriétés chrétiennes à la porte de Jaffa, dans la Vieille Ville de Jérusalem, et c’est l’Israel Land Fund (Fonds israélien de la terre) qui mène la charge contre les habitants de Sheikh Jarrah.

Nos expériences avec ces organisations sont bel et bien réelles.

Nous savons qui a demandé aux soldats israéliens de descendre le drapeau de nos arbres. Nous savons que ce sont les efforts incessants de l’organisation Regavim qui ont abouti à la destruction des routes reliant nos communautés à Masafer Yatta et aux ordonnances de démolition édictées contre la fragile communauté de Khallet al-Dabe.

Les campagnes de Regavim contre les communautés bédouines des collines du sud de Hébron ont débouché sur l’agression subie par Hadj Suleiman Hathaleen.

Ces organisations représentent clairement le fer de lance du mouvement des colons. Ce sont elles qui développent la police, coordonnent le processus de colonisation, nous font comparaître au tribunal et font en sorte que leur personnel soit élu au Parlement israélien, la Knesset.

Elles financent leurs opérations via des ONG et autres « organisations caritatives » aux EU, au Canada et au Royaume-Uni. En exploitant des systèmes caritatifs qui ne sont pas dûment réglementés ni ne font l’objet de la moindre enquête, ils actionnent la machine qui a été mise sur pied pour nous oblitérer.

En tant que Palestiniens défendant nos terres ancestrales, nous vous disons que le combat ne se livre pas seulement contre l’« occupation ».

C’est contre un programme plus large du colonialisme de peuplement sioniste, qu’il se livre. Si les Palestiniens de la diaspora et d’ici en Palestine s’unissent autour de l’appel à la décolonisation, nous devons cibler les ressources financières du mouvement colonial de peuplement.

La Campagne de non-financement du racisme est l’outil dont nous avons besoin pour effectuer cette tâche essentielle.

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Sami Huraini est un défenseur des droits humains palestiniens. Il a cofondé Youth of Sumud (Jeunesse du Sumud) et collabore à la Campagne contre le financement du racisme.

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Publié le 26 juillet sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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