Des colons israéliens agressent Hafez Huraini, lui fracturant les deux bras. Ensuite, l’armée l’arrête…

Alors que Hafez Huraini travaillait sur sa terre, un groupe de colons israéliens armés de bâtons, de tuyaux métalliques et de fusils M16 l’ont agressé, lui et son fils Muhammad. Hafez a été grièvement blessé, les deux bras fracturés. Quand une ambulance palestinienne est arrivée pour l’évacuer, les colons lui ont lacéré les pneus, mais les soldats israéliens ont arrêté Huraini en prétendant qu’il avait blessé l’un des colons.

Une photo de Hafez Huraini qui a circulé dans les médias sociaux. (Photo : Twitter)

Une photo de Hafez Huraini qui a circulé dans les médias sociaux. (Photo : Twitter)

 

Yumna Patel, 13 septembre 2022

Hafez Huraini, 52 ans, travaillait sur les terres de sa famille en compagnie de son fils Muhammad, dans les extérieurs de leur village d’at-Tuwani, à Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie occupée, quand un groupe de colons israéliens armés du poste avancé tout proche de Havat Ma’on les a pris à partie.

« Cinq colons les ont attaqués. Certains avaient des armes et l’un d’entre eux au moins avait un fusil M16 et les autres portaient des tubes métalliques. L’un des colons s’est mis à frapper avec son tube en métal, et a fracturé le bras gauche de mon père »,

raconte Sami Huraini, 24 ans, à Mondoweiss.

« Mon père est tombé sur le sol et ils se sont mis à le tabasser, lui brisant son bras droit aussi »,

ajoute Sami.

« Puis le colon au fusil s’est mis à tirer en l’air à balles réelles. »

 

 

Sami, accompagné de ses voisins, s’est précipité sur les lieux, à quelques centaines de mètres à peine de chez lui, au sommet d’une colline accidentée. Quand ils sont arrivés et qu’ils ont fait face aux colons, certains se sont repliés, alors que les collons armés sont restés.

C’est alors que l’armée est entrée en scène.

« Des dizaines de soldats sont arrivés sur les lieux suite à l’appel des colons. Mon père gisait au sol, les deux bras fracturés, mais les soldats se sont mis à nous frapper et à nous repousser pendant que les colons restaient derrière eux »,

poursuit Sami.

Sami prétend que les colons « donnaient des ordres » aux soldats, leur disant d’arrêter son père et d’autres résidents d’at-Tuwani présents sur les lieux.

Comme les soldats israéliens continuaient de repousser les Palestiniens, une ambulance de la Société palestinienne du Croissant-Rouge est arrivée sur place.

« Les EMT se sont affairés sur mon père et lui ont donné les premiers soins. Pendant tout le temps qu’ils le faisaient, les soldats et les colons nous poussaient et nous bousculaient »,

dit Sami.

« Quand nous avons placé mon père sur la civière et tenté de le faire entrer dans l’ambulance, les soldats se sont mis à nous tirer vers l’arrière en disant qu’ils voulaient l’arrêter, parce que les colons avaient dit qu’il leur avait frappé dessus »,

poursuit-il.

 

Des soldats et des colons israéliens empêchent des infirmiers palestiniens d’évacuer Hafez Huraini après qu’il a été sévèrement tabassé par des colons dans la périphérie d’at-Tuwani. On peut voir les colons armés participant à l’agression au début de la vidéo (portant des débardeurs bleus), faisant face à l’ambulance. (Vidéo : Sami Huraini)

 

Selon Sami, les soldats et les colons israéliens ont bloqué les portières de l’ambulance pour empêcher les infirmiers de prendre Hafez en charge dans le véhicule.

« Ils ont continué à nous taper dessus. Nous sommes finalement parvenus à le faire entrer dans l’ambulance mais c’est alors que les colons ont sorti un couteau et ont lacéré les pneus du véhicule de façon à l’immobiliser »,

a déclaré Sami.

 

« Les soldats ont continué à nous frapper et les colons se sont mis à détruire les arbres sur notre terre. Puis les soldats ont commencé à lancer vers nous et les maisons de Tuwani des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes »,

a poursuivi Sami.

Même après l’arrivée d’une deuxième ambulance de la SPCR, les soldats ont refusé de libérer Hafez pour qu’il soit examiné. Selon Sami, les soldats ont arrêté son père avant de l’évacuer dans une ambulance israélienne.

Les militaires israéliens ont emmené Hafez au Centre médical Soroka de Beersheba dans le sud d’Israël, où il a été traité pour ses deux bras fracturés. Selon Sami, Hafez a été tout le temps accompagné par des soldats armés et on l’a empêché de recevoir des visiteurs ou de parler à son avocat.

Une capture d’écran d’une vidéo montrant Hafez Huraini à l’intérieur de l’hôpital Soroka. (Photo : Muhammad Huraini)

Une capture d’écran d’une vidéo montrant Hafez Huraini à l’intérieur de l’hôpital Soroka. (Photo : Muhammad Huraini)

 

Après avoir été plâtré aux deux bras, Hafez a été arrêté.

L’arrestation

Tard dans la soirée de lundi, les Huraini ont appris par leur avocat que leur père avait été incarcéré dans un centre de détention à l’intérieur de la colonie de Kiryat Arba à Hébron, afin d’y subir un interrogatoire.

L’avocat de la famille a été autorisé de s’entretenir avec Hafez pendant quelques minutes avant qu’on n’emmène son client pour l’interrogatoire, où la présence de l’avocat n’a toutefois pas été acceptée.

Une affiche réclamant la libération de Hafez Huraini circule dans les médias sociaux. (Photo : Twitter)

Une affiche réclamant la libération de Hafez Huraini circule dans les médias sociaux. (Photo : Twitter)

 

Selon Sami, l’armée accuse son père d’avoir agressé un colon – un crime susceptible de lui valoir une sentence de plusieurs années de prison s’il en est officiellement accusé et condamné.

Sami a expliqué à Mondoweiss que, durant l’attaque contre Hafez et Mohammed, au moment où les colons les battaient à coups de tubes métalliques, Hafez avait tenté lui-même de se défendre contre les colons.

Haaretz de son côté a rapporté qu’un colon israélien avait subi de « graves blessures à la tête » lundi soir, dans ce qu’il décrivait comme « une bagarre avec un Palestinien » à proximité du poste avancé de Havat Maon.

Haaretz a cité un responsable israélien de la sécurité qui aurait dit qu’

« un groupe de Palestiniens s’était approché du poste avancé, invitant deux Israéliens de la ferme à les affronter. L’un des Palestiniens avait alors agressé l’un des Israéliens, a ajouté la source, et l’autre Israélien a alors tiré en l’air. Les troupes israéliennes sont ensuite arrivées sur les lieux pour séparer les deux camps. »

Haaretz a également rapporté que le « suspect » palestinien avait été « légèrement blessé » lors de la confrontation. Le journal n’a nullement mentionné que les deux bras de Hafez avaient été fracturés par les colons au cours de l’attaque.

Sami a déclaré que les accusations contre son père étaient « fausses », en insistant sur le fait que c’étaient les colons qui avaient déclenché l’attaque contre Hafez, et que Hafez ne représentait aucune menace pour ces mêmes colons quand ils avaient lancé leur attaque.

« Comment un homme dont les deux bras sont fracturés pourrait-il rendre les coups à quelqu’un !?! »,

a dit Sami avec indignation.

« Ce sont eux [les colons] qui ont attaqué mon père et qui l’ont tabassé. Ils lui ont fracturé les deux bras. Mais c’est mon père qu’on a arrêté »,

a poursuivi Sami.

« Ce sont eux qui ont essayé de le tuer ! »

« C’est une représentation on ne peut plus claire du système d’apartheid sous lequel nous vivons », a déclaré Sami.

Sami d’ajouter que les résidents d’at-Tuwani subissent depuis longtemps les attaques des colons israéliens, mais que ceux-ci sont très rarement arrêtés ou tenus responsables de leurs délits.

« Notre expérience nous a enseigné que c’étaient les colons qui détenaient le pouvoir. Ils peuvent nous mettre sur le dos leurs propres attaques et l’armée va l’arrêter et l’emprisonner [Hafez] pour rien du tout, sur des accusations imaginaires s’appuyant sur les faux témoignages des colons »,

a encore déclaré Sami.

Mondoweiss s’est adressé à l’armée pour avoir un commentaire sur l’arrestation de Hafez et pour savoir si les colons qui l’avaient attaqué allaient eux aussi faire l’objet d’une enquête. Le porte-parole de l’armée n’avait toujours pas répondu à notre requête, au moment de publier le présent article.

Des organisations de défense des droits humains, comme l’organisation israélienne B’Tselem, rapportent que l’armée est fréquemment en collusion avec les colons dans leurs attaques contre les Palestiniens.

« Au lieu d’entreprendre des actions préventives, les autorités israéliennes aident et encouragent les colons à nuire aux Palestiniens et à utiliser leurs terres »,

a déclaré l’organisation.

Selon B’Tselem, depuis 2000, l’organisation a recensé 757 incidents violents initiés par les colons contre les Palestiniens et leurs biens.

Dans les rares cas où une enquête est ouverte concernant la violence des colons contre les Palestiniens, Yesh Din, une organisation israélienne de défense des droits humains qui répertorie ces incidents violents fomentés par les colons en Cisjordanie, déclare que la grande majorité de ces enquêtes sont rapidement clôturées.

L’organisation explique que 92 % des enquêtes sur des délits idéologiques contre des Palestiniens sont clôturées sans que la moindre condamnation soit décidée.

 

« C’était comme une zone de guerre »

À peu près au même moment où Hafez Huraini était arrêté et évacué dans une ambulance, les forces israéliennes arrêtaient deux autres Palestiniens de Masafer Yatta, qui sont toujours en garde à vue.

Peu après, des dizaines de militaires israéliens de plus effectuaient un raid dans le village d’at-Tuwani, et entamaient une opération d’arrestations massives qui allait se prolonger jusqu’aux petites heures matinales.

 

 

« Ils ont bouché toutes les entrées et sorties du village et se sont mis à faire irruption dans les maisons, à tirer des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes dans les maisons et les voitures des habitants »,

a expliqué Sami à Mondoweiss.

« Ils ont arrêté des dizaines de jeunes hommes chez eux, les ont interrogés dans un site militaire improvisé près de l’entrée du village. Ils n’ont tout simplement pas cessé d’arrêter des gens, les ont interrogés pendant quelques heures avant de les renvoyer dans leurs foyers »,

a ajouté Sami.

 

Dans la nuit du lundi au mardi 13 septembre, les forces israéliennes ont arrêté des dizaines d’hommes à at-Tuwani et les ont interrogés durant des heures avant de les relâcher. (Vidéo : Sami Huraini)

 

« Ils ont tabassé les gens à leur domicile et ont tiré des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes dans leurs maisons et leurs voitures. C’était une vraie zone de guerre »,

a-t-il ajouté.

Sami d’expliquer à Mondoweiss que les résidents d’at-Tuwani sont habitués aux raids nocturnes des soldats israéliens et aux attaques de colons des colonies et avant-postes tout proches. Mais il a toutefois ajouté que les événements de lundi soir étaient « irréels ».

« Tout cela fait partie de leurs plans d’épuration ethnique et de leurs efforts pour nous effrayer, nous intimider et nous forcer à quitter nos maisons »,

a déclaré Sami, faisant allusion aux plans israéliens en vue de forcer plus d’un millier de Palestiniens de Masafer Yatta de quitter leurs foyers afin de dégager de la place pour une zone de feu israélienne.

« Les colons peuvent vivre heureux alors qu’ils nous attaquent et alors que les soldats nous attaquent aussi. Ils veulent nous menacer, et ils nous effraient de sorte que nous cessons de résister à leurs plans »,

a dit Sami.

« Mais notre pouvoir de volonté est fort. »

Quant à l’heure nocturne locale, ce mardi, les forces israéliennes ont effectué des raids à at-Tuwani pour la seconde fois d’affilée, lançant chaque fois des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes dans les maisons des habitants.

 

Publié le 13 septembre 2022 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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