Des Palestiniens tués dans l’escalade de la violence en Cisjordanie

Jeudi dernier, une spécialiste des droits humains aux Nations unies a déclaré qu’elle était « extrêmement inquiète de l’escalade de la violence » en Cisjordanie, où les forces israéliennes ont tué cinq Palestiniens depuis le début du mois d’octobre.

Le 5 octobre, dans un hôpital, la famille d’Alaa Zaghal en deuil autour du corps du jeune homme, tué un peu plus tôt dans la journée par l’armée israélienne lors d’un raid d’arrestation dans le village de Deir al-Hatab. (Photo : Stringer APA images)

Le 5 octobre, dans un hôpital, la famille d’Alaa Zaghal en deuil autour du corps du jeune homme, tué un peu plus tôt dans la journée par l’armée israélienne lors d’un raid d’arrestation dans le village de Deir al-Hatab. (Photo : Stringer APA images)

Maureen Clare Murphy, 5 octobre 2022

Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Cisjordanie et Gaza, a ajouté que

« les incursions et attaques des colons, de Jérusalem à Hébron et Naplouse, accroissent la tension à un moment des plus sensibles ».

Lors des quelques jours précédant Yom Kippour, une fête juive, les colons ont bloqué des routes et ont jeté des pierres vers des conducteurs palestiniens qui tentaient de quitter ou rallier Naplouse et Ramallah, deux villes cisjordaniennes importantes sous contrôle nominal de l’Autorité palestinienne.

 

Et, mercredi, à Bat Yam, une ville proche de Tel-Aviv, une foule a attaqué et retourné un véhicule transportant cinq Palestiniens. Les agresseurs

« prétendaient que les hommes étaient venus dans la ville dans le but délibéré de perturber la paix au cours de Yom Kippour »,

a rapporté The Times of Israel.

« On ne voit pas très bien comment la motivation des hommes a pu être confirmée par la foule »,

ajoutait la publication.

The Times of Israel faisait remarquer que l’incident rappelait une attaque contre un motocycliste palestinien, toujours dans la même ville, lors d’une « convulsion de violence commune » qui avait coïncidé avec le bombardement de Gaza par Israël en mai 2021.

À l’époque, les foules juives israéliennes prévoyaient et coordonnaient des attaques largement répandues contre les citoyens palestiniens d’Israël, et ce, en utilisant les applications de messages du net.

Ce 4 octobre, des soldats israéliens montent la garde au moment où des colons juifs tentent de faire irruption dans Naplouse près du check-point de Huwara, dans le nord-est de la Cisjordanie. (Photo : Nasser Ishayeh / SOPA Images)

Ce 4 octobre, des soldats israéliens montent la garde au moment où des colons juifs tentent de faire irruption dans Naplouse près du check-point de Huwara, dans le nord-est de la Cisjordanie. (Photo : Nasser Ishayeh / SOPA Images)

 

Dans l’intervalle, un Palestinien a été tué mercredi lors d’un raid israélien dans le nord de la Cisjordanie.

Alaa Zaghal, 21 ans, est mort après avoir reçu une balle dans la tête à Deir al-Hatab, une ville située à proximité de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.

Les forces d’occupation israéliennes ont assiégé une maison du village où elles ont arrêté Salman Omran après un long affrontement et des échanges de tirs.

Dans un clip audio apparemment enregistré alors qu’il était assiégé, Salman Omran avait déclaré qu’il était engagé contre l’armée israélienne et il appelait les jeunes de la région à rallier le combat avant de prier Dieu pour qu’il soit accepté comme martyr :

Le fils d’Omran a déclaré aux médias que les soldats israéliens étaient venus arrêter son père dès qu’il était rentré à la maison, après l’école :

Le garçon a décrit les soldats israéliens faisant feu sur sa maison, qui en est restée très endommagée.

L’armée israélienne a, paraît-il, accusé Omran d’avoir effectué une attaque samedi en tirant des coups de feu.

Un chauffeur de taxi israélien a été légèrement blessé durant cette fusillade supposée près d’Elon Moreh, une colonie dans la zone de Naplouse. Les pare-brise du taxi et d’un autobus ont en outre été endommagés par les coups de feu, a expliqué aux médias un porte-parole de l’armée israélienne.

De même, dimanche, selon Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv, un soldat israélien aurait été légèrement blessé au cours d’une fusillade lors d’une manifestation de colons juifs exigeant que l’armée réprime la résistance armée palestinienne.

Une alliance de combattants de la résistance palestinienne cantonnés dans la région de Naplouse surnommée « l’antre du Lion » aurait, paraît-il, revendiqué la responsabilité de la fusillade.

Tant Naplouse que Jénine, une autre ville du nord de la Cisjordanie, ont refait surface en tant que centres de la résistance armée à l’occupation militaire israélienne. Ces derniers mois, Israël et l’Autorité palestinienne ont intensifié leurs attaques dans ces zones, du fait que les dirigeants israéliens sont très inquiets de les voir se soustraire au contrôle de l’occupation.


Des journalistes agressés

Deux journalistes de Palestine TV – Mahmoud Fawzi et Luai Samhan – faisaient partie des six personnes au moins blessées par les forces israéliennes au cours de leur opération meurtrière à Deir al-Hatab, mercredi.

Les journalistes et leur réseau ont accusé Israël d’avoir ciblé délibérément les journalistes, qui portaient des casques et des gilets de protection les identifiant comme membres de la presse.

Dans une vidéo enregistrée durant l’attaque contre les journalistes, l’un d’eux a déclaré qu’ils étaient sous le feu direct et que son collègue venait d’être touché au bras, ce qui se voit dans le clip suivant :

Israël fait l’objet d’une attention sans précédent depuis que, au moins de mai, un de ses tireurs d’élite a abattu et tué la correspondante d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, alors qu’elle couvrait un raid militaire à Jénine.

Aucun soldat n’a été tenu responsable de ce qu’une enquête médicolégale indépendante a conclu comme étant un homicide délibéré. Les dirigeants israéliens ont débouté les appels américains demandant à Israël de revoir la politique de déclenchement des tirs de son armée.

Jusqu’à présent, cette année, une centaine de Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne et les colons en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, dans « une augmentation massive des raids militaires », pour reprendre les termes de la BBC.

Lundi, les forces israéliennes ont tué deux Palestiniens dans le camp de réfugiés de Jalazone, dans le centre de la Cisjordanie, au cours de ce que l’armée a prétendument présenté comme une attaque palestinienne au bélier.

Le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR) a réfuté le compte rendu israélien et a déclaré que Salameh Rafat Shariah, 19 ans, et Khaled Fadi Anbar, 19 ans aussi, ne constituaient pas un danger imminent au moment où ils avaient été mortellement abattus et qu’un autre passager de la voiture, Basel Kathem Basbous, 18 ans, avait été blessé.

L’organisation de défense des droits a dit que les soldats israéliens avaient dressé une embuscade à la voiture transportant les trois Palestiniens et qu’aucune confrontation n’avait lieu à ce moment-là.

Les soldats ont empêché les infirmiers de la Société palestinienne du Croissant-Rouge (SPCR) d’avoir accès avec les hommes blessés, qui ont été laissés se vider de leur sang à l’intérieur de la voiture pendant plus d’une demi-heure, a encore dit l’organisation de défense des droits.

Les familles des Palestiniens abattus ont déclaré au PCHR que les jeunes hommes étaient en route pour rentrer chez eux, après avoir terminé leur journée de travail dans une pizzeria.


Un adolescent tué

Le PCHR a fait remarquer que l’embuscade tragique de lundi présentait des similitudes avec la mort d’un adolescent palestinien à Jérusalem, samedi après-midi.

Fayez Khaled Mahmoud Damdan, 17 ans, a été abattu d’une balle tirée par derrière par un agent de la police paramilitaire israélienne des frontières, alors qu’il roulait à moto dans la ville d’al-Eizariya, dans la zone de Jérusalem.

Selon Defense for Children International – Palestine (DCI-P), l’adolescent,

« qui roulait à moto avec un ami, a tenté de ralentir quand les véhicules militaires devant lui ont ralenti, mais la moto a dérapé ».

Fayez est tombé « et a été entraîné par la moto » alors que son ami a pu en sauter et s’éloigner en courant, a ajouté DCI-P.

Fayez n’avait pas parcouru un mètre que « les forces israéliennes avaient tiré, le tuant à une distance d’entre deux et quatre mètres ».

« La balle – unique – s’est logée dans le cerveau de Fayez »,

a déclaré DCI-P.

Jusqu’à présent, cette année, les forces israéliennes et les colons ont tué 23 enfants palestiniens en Cisjordanie, selon l’organisation de défense des droits. Ils viennent s’ajouter aux 17 enfants tués durant l’agression israélienne contre la bande de Gaza, en août dernier.

 

Le 4 octobre, en prévision de la fête de Yom Kippour, les autorités israéliennes imposent une fermeture générale. (Photo : Saeed Qaq / APA images)

Le 4 octobre, en prévision de la fête de Yom Kippour, les autorités israéliennes imposent une fermeture générale. (Photo : Saeed Qaq / APA images)

Mercredi, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est déclaré

« profondément inquiet de l’intensification de la violence armée dans certaines parties de la Cisjordanie, violence qui débouche sur de nombreuses pertes civiles ».

« Il est inadmissible que des civils soient blessés ou tués lors de ces épisodes de violence. Il est très ennuyeux que des enfants dans les écoles assistent de près à de tels niveaux de violence et qu’ils en soient trop souvent les victimes »,

a déclaré Arnaud Meffre, un responsable du CICR en Cisjordanie.

Meffre faisait probablement allusion à un raid israélien à Naplouse, la semaine dernière, après lequel quatre combattants palestiniens ont été tués et près de soixante personnes blessées. Des vidéos ont montré des enfants hurlant de terreur tout au long de l’invasion qui a eu lieu en pleine journée.

Adam Bouloukos, le directeur pour la Cisjordanie de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a expliqué que les gamines de l’école élémentaire de l’UNRWA des filles, dans le camp de réfugiés de Jénine, se sont réfugiées tout au fond de leur classe, au cours du raid.

« Elles sont allées au fond de la classe, elles se sont blotties sous leurs petits bureaux, elles sont restées dans un endroit fermé pendant près de trois heures, sans eau ni nourriture »,

a-t-il ajouté.

Bouloukos a dit lundi que

« le niveau de violence au camp de Jénine et partout en Cisjordanie est le plus élevé que nous ayons vu depuis des années ».

Il a demandé aux forces israéliennes

« de limiter le recours excessif à la force et d’épargner les pertes en vies humaines à Jénine et ailleurs en Cisjordanie ».

Meffre, du CICR, a lancé un appel afin que soit assurée la sécurité des infirmiers de la SPCR, qui

« ont été sur la ligne de front afin de répondre aux besoins humanitaires urgents ».

La SPCR a ajouté que, dimanche, les forces israéliennes avaient agressé deux de ses infirmiers à Beit Furik, un village au sud de Naplouse.

« Les deux paramédicaux ont été menacés à la pointe du fusil, frappés à coups de pied et tabassés »,

a déclaré l’organisation.

« L’un d’eux a également été frappé à la tête avec un fusil et les deux ont subi des blessures et ont été détenus par les soldats israéliens qui ont également donné des coups de pied et de crosse à l’ambulance. »

Une partie de l’attaque a été enregistrée sur vidéo :

La CPCR a déclaré que, jusqu’à ce jour, cette année, elle avait enregistré près de 400 violations contre elle, y compris plus d’une douzaine d’attaques sont son personnel et ses volontaires.

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Publié le 5 octobre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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