Ben-Gvir attise la violence à Jérusalem et en Cisjordanie

En Israël, Itamar Ben-Gvir, le nouveau faiseur de roi de l’extrême droite, a réclamé des exécutions extrajudiciaires contre des dirigeants de la résistance palestinienne après qu’un adolescent a été tué et d’autres blessés au cours de deux attentats à la bombe commis à Jérusalem ce mercredi.

20 avril 2022. Ben-Gvir participe à une marche  à Jérusalem, où des centaines de juifs israéliens scandent des slogans antipalestiniens, tels que “Mort aux Arabes” (Photo : Jeries Bssier / ZUMAPRESS)

20 avril 2022. Ben-Gvir participe à une marche à Jérusalem, où des centaines de juifs israéliens scandent des slogans antipalestiniens, tels que “Mort aux Arabes” (Photo : Jeries Bssier / ZUMAPRESS)

 

Maureen Clare Murphi, 23 novembre 2022

Les attentats quotidiens à la bombe ont eu lieu après que cinq enfants palestiniens ont été tués par les forces d’occupation israéliennes en Cisjordanie ce mois-ci – dont un enfant tué d’une balle dans le cœur à Naplouse, mardi dernier.

Au cours du week-end, des dizaines de milliers de colons juifs, dirigés par Ben-Gvir, sont descendus sur Hébron, pour s’en prendre à des Palestiniens et à leurs biens lors d’une des plus importantes marches de colons de mémoire d’homme.

Pendant ce temps, des tireurs palestiniens de la ville de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, ont gardé le corps d’un jeune citoyen druze d’Israël hospitalisé dans la ville après avoir été blessé dans un accident de voiture ce mardi.

Le double attentat à la bombe à Jérusalem, mercredi, était le premier incident de ce genre dans la ville depuis des années.

Les Palestiniens à Jérusalem sont soumis à une violence quotidienne par les colons, la police et une bureaucratie qui cherche à les expulser de la ville. Des dizaines de milliers de résidents palestiniens de la zone de Jérusalem ont en outre subi un véritable état de siège de plusieurs jours le mois dernier.

Depuis fin 2015, ce sont ainsi des dizaines de Palestiniens qui ont été exécutés dans les rues de Jérusalem et dans les ruelles de sa Vieille Ville au cours d’agressions et agressions supposées.

Mais, au contraire de ces attaques qu’on prétend menées par des « loups solitaires », qui impliquent typiquement des couteaux de cuisine, les autorités israéliennes ont déclaré mercredi qu’une cellule organisée avait planté de « puissants engins explosifs de haute qualité et censés infliger des dégâts d’un degré très élevé ».

Les bombes ont été déclenchées à distance et la seconde explosion a eu lieu environ une demi-heure après la première, dans deux différents endroits à haute circulation, à l’heure de pointe du matin.

Aryeh Schupak, un adolescent de 16 ans de citoyenneté israélienne et canadienne, a été tué et 22 autres ont été blessés dans ces attentats. L’un des blessés est dans un état critique, rapportent les médias israéliens.

Aucune faction palestinienne n’a revendiqué la responsabilité des attentats mais, dans des déclarations en réponse à un attentat, diverses factions l’ont situé dans le contexte des actuels crimes israéliens contre le peuple palestinien, dont la violence des colons et les attaques contre les sites sacrés.

La secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, a expliqué que les EU condamnaient les « actes de terrorisme », ajoutant que Washington

« a offert toute l’aide appropriée au gouvernement israélien puisqu’il enquête sur l’attentat et qu’il s’emploie à traîner ses auteurs devant la justice ».

Ce langage est bien plus fort que celui utilisé par l’administration Biden après le meurtre en mai dernier de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, citoyenne américaine, par un tireur embusqué de l’armée israélienne, alors qu’elle couvrait pour Al-Jazeera un raid sur Jénine de cette même armée.

Ned Price, le porte-parole du département d’État, a déclaré : « Nous avons toujours été très clairs : nous ne cherchons pas la responsabilité criminelle » dans l’affaire Abu Akleh.

Le FBI, dit-on, a ouvert une enquête autour du meurtre d’Abu Akleh en novembre, après des mois de campagne de la part de la famille de la journaliste et de pressions sur l’administration Bush par les démocrates du Congrès.

Suite aux attentats de Jérusalem mercredi, Itamar Ben-Gvir, l’énergumène de l’extrême droite et dirigeant du parti Force juive en Israël susceptible en outre de devenir le prochain ministre israélien de la Sécurité publique, a déclaré : « Nous devons exiger un prix, du terrorisme ».

Et d’ajouter que

« nous devons retourner aux meurtres ciblés, nous devons imposer un couvre-feu au village d’où sont originaires les terroristes ».

Des dirigeants israéliens qui réclament des exécutions extrajudiciaires de Palestiniens, cela n’a rien de neuf.

Et le genre de punition collective que réclame Ben-Gvir est déjà devenue une routine pour Israël qui l’applique aux membres de la famille ainsi qu’aux communautés tout entières des Palestiniens présumés auteurs d’attaques à main armée.

Mais l’apparition de Ben-Gvir, un disciple du rabbin Meir Kahane, dont les enseignements génocidaires ont inspiré en 1994 le massacre de la mosquée Ibrahimi qui avait laissé 29 hommes et garçons morts sur le site du lieu saint de Hébron, laisse présager qu’il va y avoir plus de violence encore.

« Abattez-les »

Netanyahou a fait avec Ben-Gvir un marché qui veillerait à ce que le nouveau gouvernement de coalition adopte une législation permettant au ministre de la sécurité publique de mettre au point la politique policière, a rapporté le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz.

« Amender la loi pourrait aboutir à ce que le commissaire de police devienne effectivement le subordonné de Ben-Gvir dans chaque aspect de la politique policière, y compris les décisions opérationnelles »,

ajoutait le journal.

Ben-Gvir a excité des foules de colons à Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est où les colons cherchent à forcer les Palestiniens de quitter leurs maisons. Lors d’un saccage des colons à Sheikh Jarrah, le mois dernier, Ben-Gvir a brandi un pistolet et a déclaré aux vigilantes que si les Palestiniens lançaient des pierres, il fallait les abattre.

Le chef de la police israélienne, Kobi Shabtai, a blâmé Ben-Gvir pour

« avoir provoqué les émeutes intercommunales de mai 2021 qui avaient fait plusieurs tués, des centaines de blessés et qui avaient provoqué de très importants dégâts matériels »,

surtout dans les villes à populations palestinienne et juive mélangées, comme l’a rapporté The Times of Israel.

« Le chef de la police servirait sous Ben-Gvir si ce dernier devait être nommé ministre de la Sécurité publique dans un prochain gouvernement”,

a ajouté The Times of Israel.

Pendant ce temps, paraît-il, les responsables israéliens et palestiniens négociaient la restitution du corps d’un citoyen druze israélien de 17 ans, qui avait été laissé dans un état critique après un accident de voiture mardi soir.

Ce sont des tireurs, paraît-il, qui auraient enlevé l’adolescent, identifié comme étant Tiran Ferro, d’un hôpital de Jénine. L’oncle de Ferro, qui accompagnait son neveu à l’hôpital, a déclaré que l’étudiant à l’école supérieure était toujours vivant quand des hommes armés avaient fait irruption dans l’hôpital et « l’avaient débranché des appareils qui le maintenaient en vie avant de le jeter dans un véhicule », ont rapporté des médias israéliens.

Un accord a été prétendument dégagé tôt ce mercredi afin de restituer le corps de Tiran, mais l’ambulance du Croissant-Rouge utilisée pour son transfert avait été arrêtée par des hommes armés, des résidents de Jénine préparés à un raid israélien et à toute la violence qui allait s’ensuivre pendant que les négociations se poursuivraient toute la journée de mercredi.

La famille de Tiran aurait paraît-il déclaré aux militaires israéliens qu’elle ne voulait pas que l’armée fasse un raid à Jénine pour retrouver le corps.

La famille de l’adolescent a dit aux médias que Tiran était parti avec un ami pour réparer sa voiture. L’ami, qui avait été lui aussi blessé dans le crash, avait été évacué par un hélicoptère militaire, mais Tiran avait été traité à l’hôpital de Jénine du fait que la sévérité de ses blessures faisait qu’il était trop risqué de le transférer jusqu’en Israël.

La Brigade de Jénine, une organisation palestinienne armée cantonnée dans le camp de réfugiés de Jénine, aurait déclaré qu’elle exigeait qu’Israël restitue les corps des Palestiniens tués par l’armée israélienne.

Israël retient les corps de dizaines de Palestiniens tués au cours d’attaques supposées et réelles contre des Israéliens de sorte qu’ils peuvent être utilisés par le gouvernement comme monnaies d’échange dans de futures négociations – une pratique autorisée par la cour suprême de l’État.

Un porte-parole de l’organisation armée qui retient le corps de Tiran a, dit-on, expliqué aux médias israéliens qu’ils s’employaient à renvoyer son corps après avoir déterminé qu’il n’était pas un soldat comme avait été cru initialement.


Un garçon tué au tombeau de Joseph

Dans l’intervalle, les forces d’occupation israéliennes ont tué un petit Palestinien alors qu’elles assuraient l’entrée de fidèles juifs au tombeau de Joseph à Naplouse, mardi soir.

Ahmad Amjad Muhammad Shehadeh, 16 ans, a été touché à la poitrine au cours de confrontations autour du lieu saint, affirme Defense for Children International – Palestine (DFC-P).

Le lendemain, un deuxième Palestinien, identifié comme étant Muhammad Abu Kishek, 22 ans, a succombé aux blessures qu’il a subies lors du raid de lundi.

Ahmad est le deuxième enfant tué près du tombeau de Joseph, un haut-lieu du harcèlement et de la violence des colons et de l’armée, ce mois-ci.

Mahdi Muhammad Hamdallah Hashash, 15 ans, est mort après avoir été abattu lors de confrontations sur le site le 9 novembre.

Cette nuit, l’arme israélienne escortait un groupe de députés israéliens d’extrême droite qui assistaient à un événement sur le site archéologique, considéré comme sacré par les musulmans, les chrétiens et les juifs.

Les extrémistes célébraient le triomphe électoral de l’extrême droite et du bloc religieux dirigé par Itamar Ben-Gvir lors des élections générales en Israël.

Pendant ce temps, lundi, à Jénine, Mahmoud Abdujaleel Huda al-Sadi, 17 ans, était abattu et tué par des soldats israéliens alors qu’il se rendait à l’école.

L’adolescent était un formateur de jeunes au Théâtre de la Liberté installé dans le camp de réfugiés de Jénine.

Trente-quatre enfants palestiniens ont été tués par les forces israéliennes ou les colons en Cisjordanie depuis le début de cette année.

De plus, 17 enfants palestiniens ont été tués lors des trois jours d’offensive d’Israël dans la bande de Gaza, en août. Au moins neuf d’entre eux ont été tués lors de frappes israéliennes et d’autres l’ont été par des roquettes tirées par les organisations armées de Gaza ou au cours de circonstances ambiguës.

Quelque 200 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes et les colons jusqu’à présent cette année, ou sont morts de blessures subies au cours des années précédentes.

Vingt-sept personnes en Israël et Israéliens en Cisjordanie ont été tués par les Palestiniens au cours de la même période. Aryeh Schupak est le seul enfant tué, parmi eux.

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 23 novembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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