Les colons en quête d’une seconde Nakba en Cisjordanie

« Vous avez voulu la guerre ? Attendez-vous donc à la Grande Nakba ! » C’est ce que disent des tracts diffusés la semaine dernière par des colons juifs dans un village du nord de la Cisjordanie occupée.

 

11 octobre 2023. Un Palestinien éteint un incendie suite à une attaque des colons qui a tué trois Palestiniens. Un quatrième a été tué le même jour par un soldat à Qusra, un village situé non loin de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. (Photo : Wahaj Bani Moufleh / ActiveStills)

11 octobre 2023. Un Palestinien éteint un incendie suite à une attaque des colons qui a tué trois Palestiniens. Un quatrième a été tué le même jour par un soldat à Qusra, un village situé non loin de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. (Photo : Wahaj Bani Moufleh / ActiveStills)

 

Tamara Nassar, 31 octobre 2023

Les colons israéliens tiennent leurs promesses d’une nouvelle Nakba ou catastrophe, alors que 800 000 Palestiniens avaient été chassés par les milices sionistes ou avaient quitté leurs villes et villages en 1948, lors d’une campagne de nettoyage ethnique massif destinée à libérer de l’espace pour l’État israélien naissant.

Depuis le 7 octobre, quand le Hamas a infligé une sévère leçon à l’establishment militaire et stratégique d’Israël, l’obligeant à lancer une campagne de tuerie massive à Gaza, les colons israéliens ont organisé des attaques contre les communautés d’élevage palestiniennes afin de les chasser de leurs terres.

Les colons israéliens et les restrictions d’accès imposées par les forces militaires de l’occupation israélienne ont chassé près de 800 Palestiniens de leurs foyers et communautés depuis le 7 octobre, estime l’OCHA, l’organisation de contrôle de l’ONU.

Cela représente près de 100 ménages, dans 15 communautés différentes d’éleveurs et de Bédouins.

Les colons israéliens menacent les Palestiniens à la pointe de leurs armes, vandalisent leurs propriétés, les empêchent d’accéder à l’eau, détruisent leurs arbres, endommagent leurs véhicules, volent leurs biens, les intimident et les agressent physiquement.

Les colons ont même accroché des poupées aspergées de couleur rouge, ressemblant à du sang, à proximité d’une école palestinienne à l’ouest de Jéricho, dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, afin d’intimider et de menacer les enfants.

Tout cela force les communautés palestiniennes, composées principalement de grandes familles et d’enfants, à quitter leurs zones par crainte d’attaques meurtrières.

« Bien d’autres encore courent le danger d’être forcées à fuir dans les jours à venir, si l’on n’entreprend pas d’action immédiate »,

ont expliqué dimanche les organisations israéliennes de défense des droits humains dans une déclaration cosignée par plus de 30 d’entre elles.

Elles ont tiré la sonnette d’alarme à propos de ce qu’elles ont qualifié de

« vague de violence de la part des colons soutenus par l’État et qui s’est traduite par le transfert forcé de communautés palestiniennes en Cisjordanie ».

Le gouvernement israélien soutient activement les attaques des colons contre les Palestiniens et il ne fait rien pour les faire cesser, ont déclaré les organisations de défense des droits humains.

« Les ministres du gouvernement et autres personnages officiels soutiennent la violence et, dans bien des cas, l’armée est présente ou, même, participe à la violence, y compris lors d’incidents qui ont vu les colons tuer des Palestiniens »,

ont ajouté les organisations.

Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a distribué des armes aux civils israéliens, entre autres à ceux qui vivent dans les colonies réservées aux seuls juifs, implantées en Cisjordanie occupée.

Depuis le 7 octobre, les colons ont commis près de 170 agressions contre les Palestiniens, estime l’OCHA. Ces chiffres comprennent aussi bien les blessures infligées à des Palestiniens que les dégâts infligés à leurs biens.

Plus d’un tiers des agressions impliquent des colons qui ont menacé des Palestiniens de leurs armes à feu ou leur ont tiré dessus, dit encore l’OCHA.

Lors de la moitié de ces agressions, les forces d’occupation escortaient les colons ou participaient activement à leurs attaques.

« Voilà comment l’État exploite les combats à Gaza afin de promouvoir les transferts forcés en Cisjordanie »,

a déclaré B’Tselem dans le contexte d’un de ces incidents.

Sept Palestiniens au moins ont été tués par des colons, qui ont reçu le feu vert des hauts dirigeants israéliens afin d’organiser des pogroms.

 

Les collines du sud d’Hébron

Un important point de concentration en vue de déplacements forcés a été les communautés d’éleveurs des collines du sud d’Hébron.

Près de 4 000 Palestiniens vivent dans des communautés de cultivateurs et d’éleveurs dans les collines du sud d’Hébron, situées en Zone C, soit les 60 pour 100 de la Cisjordanie qui restent sous le contrôle exclusif de l’armée israélienne et qui comprennent les plus importantes colonies israéliennes.

Israël impose aux Palestiniens une interdiction quasi totale de construire en Zone C, les forçant à bâtir sans permis et à vivre dans la crainte constante de voir leurs logements détruits par les bulldozers israéliens.

L’armée israélienne emploie également ce qui s’avère être une politique de « non-application » contre la violence des colons dans ces zones. Les colons israéliens sont traités comme des civils, d’après la législation israélienne, alors que les Palestiniens sont soumis à un pouvoir militaire oppressif.

Les colons s’en prennent également aux communautés palestiniennes dans une impunité quasi-totale, et souvent sous escorte et avec l’aide des forces d’occupation.

Cela fait partie de l’incessant effort d’Israël en vue de modifier la démographie dans la zone, afin d’y garantir une majorité juive. Israël, qui travaille la main dans la main avec ses colons, tente de pousser les Palestiniens hors de leurs terres afin de créer des faits établis sur le terrain et, finalement, d’annexer ces zones.

 

« Menacés à la pointe du fusil »

Samedi soir, des colons ont menacé des familles palestiniennes de la communauté de Khirbet Tuba, située à deux kilomètres environ du village d’al-Tuwani à Masafer Yatta, dans les collines du sud d’Hébron.

Des colons ont fait irruption dans la maison d’une famille palestinienne, ont saccagé ses biens et lui ont ordonné de s’en aller. Les colons ont menacé un adolescent de 15 ans à la pointe de leurs armes quand il a essayé d’enregistrer l’attaque.

Puis, masqués, ils sont retournés à l’aube, après avoir volé le téléphone du garçon et les moutons de la famille, et endommagé une canalisation d’eau appartenant également à la famille.

 

On rapporte qu’au cours du week-end, plus de 250 Palestiniens vivant à Khirbet Zanuta, un lieu habité au sud d’Hébron dans le sud de la Cisjordanie occupée, ont été déplacés de force après de multiples attaques, harcèlements et menaces de la part de colons israéliens.

 

À Krirbet al-Ratheem, le 21 octobre, une attaque menée par des colons armés a forcé une famille de 16 personnes à quitter une autre communauté dans les collines du sud d’Hébron. Les colons ont vandalisé une structure résidentielle, un refuge pour les bêtes et des panneaux solaires appartenant à la famille.

« Après qu’ils ont vandalisé nos propriétés, ils nous ont menacés à la pointe du fusil »,

a expliqué à l’OCHA Abu Safi, 76 ans, un membre de la famille en question.

« Nous en aller… Je n’ai pas eu d’autre choix pour protéger ma famille. »

 

 

Lors d’un de ces incidents, les colons s’étaient déguisés en réservistes de l’armée israélienne et ils ont tiré à balles réelles sur les Palestiniens :

 

Les organisations israéliennes de défense des droits humains ont dit qu’il y avait eu de multiples incidents au cours desquels des colons avaient attaqué des communautés palestiniennes « tout en portant des uniformes de l’armée et en utilisant des armes fournies par le gouvernement ».

 

 

Le 9 octobre, des colons israéliens ont menacé des Palestiniens de la communauté d’al-Ganoub au sud d’Hébron, leur disant « qu’ils seraient tués s’ils ne s’en allaient pas dans l’heure », a rapporté l’OCHA.

Les colons israéliens ont mis le feu à deux structures résidentielles alors que tous les biens des familles se trouvaient encore à l’intérieur et ils ont volé leurs troupeaux. Cinq ménages, représentant 40 personnes, ont été forcés de quitter leurs habitations.

« Ma tente et mes chèvres, voilà ce qui me retenait ici », a déclaré à l’OCHA Abu Jamal, 75 ans, un membre de la communauté.

« Après que les colons ont mis le feu à notre tente et ont volé mes chèvres, ils ont détruit tout ce qui me retenait encore ici. »

Le 12 octobre, des colons armés ont menacé de leurs armes une communauté d’éleveurs près de Naplouse, forçant ainsi plus de 50 personnes à s’en aller.

Les colons ont menacé la communauté en disant que ses tentes seraient incendiées et que ses membres seraient tués. Abu Ismail, 52 ans, a expliqué à l’OCHA :

« Je n’avais pas d’autre choix que de laisser tous mes biens derrière moi, si je voulais protéger mes enfants. »

Des colons armés ont attaqué, menacé et intimidé les résidents palestiniens de Wadi al-Siq, une communauté bédouine de Cisjordanie occupée, jusqu’au moment où ils ont cédé et ont quitté leurs terres. Après que les colons ont expulsé la communauté, ils ont fait irruption dans l’école locale et ont saccagé et pillé tout ce qui avait été laissé en plan.

 

Plus de 120 autres Palestiniens ont été déplacés de force en Cisjordanie occupée après que les forces israéliennes ont démoli leurs habitations sous le prétexte d’une absence de permis de bâtir, ou de mesures punitives.

Dans le cadre de la politique des démolitions punitives, Israël détruit les habitations familiales des Palestiniens qu’il accuse d’effectuer des attaques contre des Israéliens. Des familles entières sont souvent laissées sans abri, suite à l’application de cette politique, ce qui en fait une forme de punition collective.

La montée de la violence des colons a lieu alors que, depuis le 7 octobre, les tirs israéliens ont pris les vies d’au moins 115 Palestiniens en Cisjordanie occupée.

Trente-six enfants palestiniens ont été tués en Cisjordanie, pendant ce temps, rapportent des informations collectées par DCI-P.

 

La récolte des olives

Avec la récolte des olives qui débute en octobre, les colons ont volé des olives et endommagé des arbres un peu partout en Cisjordanie occupée.

Des colons ont également attaqué des fermiers palestiniens qui tentaient de récolter leurs olives.

« Les fermiers palestiniens sont particulièrement vulnérables, à cette époque de l’année où a lieu la cueillette des olives, parce que, s’ils sont mis dans l’impossibilité de cueillir leurs olives, ils perdront une année de revenu »,

expliquent les organisations israéliennes de défense des droits humains citées plus haut.

Les attaques des colons sont devenues un élément prévisible de la saison de récolte des olives et elles constituent une menace sérieuse pour l’existence et le gagne-pain de nombreux Palestiniens.

Samedi, des colons juifs ont abattu et tué un fermier palestinien alors qu’il cueillait des olives sur ses terres, dans la localité d’al-Sawiya, au sud de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

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Publié le 31 octobre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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