La Cour de justice de l’ONU examine la légalité de l’occupation israélienne

La semaine dernière, l’Assemblée générale des Nations unies a voté en faveur de la soumission d’une requête d’avis consultatif à la Cour internationale de justice portant sur la légalité de l’occupation israélienne de la Cisjordanie – dont Jérusalem-Est – et de Gaza.

 

Octobre 2015. Des colons israéliens tentent d’établir une nouvelle colonie dans le nord de la Cisjordanie. (Photo : Yotam Ronen / ActiveStills)

Octobre 2015. Des colons israéliens tentent d’établir une nouvelle colonie dans le nord de la Cisjordanie. (Photo : Yotam Ronen / ActiveStills)

 

Maureen Clare Murphy, 5 janvier 2023

La résolution demande à la cour de définir les conséquences juridiques

(1) de la violation par Israël du droit des Palestiniens à l’autodétermination et

(2) de l’occupation prolongée, de la colonisation de peuplement et de l’annexion, toujours par Israël, de la terre palestinienne depuis 1967.

Ceci comprend des « mesures destinées à altérer la composition démographique, le caractère et le statut » de Jérusalem et « l’adoption de lois et de mesures discriminatoires ».

La résolution demande aussi à la cour de déterminer « les conséquences juridiques qui surgiront pour tous les États et les Nations unies » à la suite de ses conclusions.

La Cour internationale de justice est le tribunal de l’ONU qui démêle les litiges juridiques soumis par les États et qui traite les demandes d’avis consultatifs sur des questions juridiques qui lui ont été soumises via le système de l’ONU.

Bien que tous deux siègent à La Haye, la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale sont deux organes bien séparés. L’an dernier, la seconde a ouvert une enquête sur la situation des droits humains en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Les avis consultatifs transmis par la Cour de Justice sont non contraignants.

 

Des recommandations ignorées

Ce ne sera pas la première fois que la Cour de Justice évalue les activités d’Israël en territoire palestinien occupé.

En 2004, la cour avait décidé que la construction par Israël d’un mur massif en Cisjordanie occupée était illégale et devait cesser immédiatement, et que des réparations devraient être accordées pour les dégâts provoqués.

Cet avis consultatif de 2004 avait eu peu d’effet sur le terrain, en Palestine, et il est l’une des nombreuses recommandations émises par des organes de l’ONU à propos des violations par Israël des droits palestiniens à être restées ignorées, aussi bien par Israël que par les États tiers.

Avant le vote de la semaine dernière, le Conseil palestinien de l’organisation des droits humains avait déclaré qu’en dépit de l’effet matériel limité de l’avis consultatif de 2004,

« la cause soutenait le droit indéniable du peuple palestinien à son autodétermination et ce, en vertu des lois internationales et qu’elle insistait sur l’illégalité de toutes les annexions et colonies de peuplement ».

De plus, la décision du tribunal en 2004 avait estimé que le mur israélien en Cisjordanie équivalait à une annexion de fait de territoire occupé.

Al-Haq, une organisation palestinienne bien connue des droits humains, a déclaré que le nouvel avis consultatif

« pouvait entraîner, pour la première fois, d’importantes obligations pour les États tiers et pour la communauté internationale de mettre un terme à l’occupation ».

Les organisations palestiniennes des droits humains ont chaudement défendu la résolution rédigée par le Comité politique spécial et de décolonisation de l’ONU et soumise ensuite à l’Assemblée générale.

Al Mezan, une organisation palestinienne des droits humains installée à Gaza a déclaré que l’adoption de la résolution

« était un jalon important dans la lutte contre le régime colonial de peuplement et d’apartheid d’Israël ».

 

L’organisation des droits a fait remarquer que de nombreux États européens se sont abstenus ou ont voté contre la mesure bien qu’elle soit venue

« à un moment critique où a été installé un nouveau gouvernement israélien d’extrême droite ».

Ce gouvernement, a fait remarquer Al Mezan, a

« promis de légaliser des douzaines de colonies illégales et d’annexer la Cisjordanie en guise de toute première priorité ».

En effet, Israël envisage la chose en détruisant nombre de structures palestiniennes à Jérusalem et dans les collines au sud de Hébron et, cette semaine, en sortant des avis de transfert forcé affectant un millier de personnes de la zone de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie.

 

Les deux poids et deux mesures européens

Le refus de nombreux États européens de soutenir la résolution en vue de demander un avis consultatif à propos de l’occupation israélienne prolongée éclaire d’un contraste saisissant les deux poids et deux mesures selon lesquels sont appliquées les lois internationales.

Alors qu’ils imposent à la Russie des sanctions sans précédent en raison de son invasion et occupation de l’Ukraine, les États européens n’ont critiqué que pour la forme l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël.

Les dirigeants de l’UE ont même accueilli le nouveau gouvernement israélien dirigé par des extrémistes qui ont promis d’annexer officiellement la terre de Cisjordanie et de parachever le nettoyage ethnique de la Palestine, entamé en 1948. Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, a déclaré qu’il prévoyait de travailler avec le nouveau gouvernement pour « améliorer plus encore » les relations avec Israël.

Alors que Borrell continue de parler de promotion de la solution à deux États, Zvika Fogel, un membre du nouveau parlement israélien, a déclaré que « l’occupation est permanente ».

Fogel fait partie du parti du Pouvoir juif dirigé par Itamar Ben-Gvir, le nouveau ministre israélien de la sécurité nationale, qui supervise désormais la police d’Israël ainsi que la police paramilitaire des frontières qui opère en Cisjordanie.

Fogel est l’ancien chef d’état-major du « commandement du sud » de l’armée israélienne, lequel comprend la bande de Gaza.

En 2018, peu après le lancement des protestations de la Grande Marche du Retour le long de la frontière entre Gaza et Israël, Fogel avait défendu le recours à la force létale contre les Palestiniens, enfants y compris, qui s’approchaient de la clôture frontalière.

Il avait dit qu’abattre et tuer des enfants était

« un prix [raisonnable] à payer afin de sauvegarder la sécurité et la qualité de vie des résidents de l’État d’Israël ».

Plus de 215 civils palestiniens, dont plus de 40 enfants, avaient été tués et des milliers d’autres avaient été blessés à balles réelles au cours de ces manifestations, entre mars 2018 et décembre 2019.

Une commission d’enquête de l’ONU a estimé que le recours par Israël à la force létale contre des protestataires justifie une enquête et des poursuites criminelles et peut équivaloir à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité.

Les enquêteurs de l’ONU ont réclamé des sanctions contre les responsables ainsi que l’arrestation du personnel israélien « supposé avoir commis ou ordonné que fussent commis » des crimes internationaux en relation avec les protestations de la Grande Marche du Retour.

Ces recommandations ont été ignorées par les mêmes États qui ont appuyé de leur soutien et de leur argent des procès pour crimes de guerre et autres mesures punitives après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 7 janvier 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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