Israël accroît la portée de ses punitions collectives racistes
Un nouveau projet de loi va stipuler pour la première fois que les punitions collectives sont légales.
Maureen Clare Murphy, 17 février 2023
Cette semaine, le parlement israélien a fait passer un projet de loi qui permettra à l’État de supprimer la citoyenneté et le statut de résidence des Palestiniens prétendument impliqués dans des « actes terroristes » et de les transférer de force.
La loi concernera les Palestiniens en Israël et à Jérusalem-Est occupée qui sont accusés de délits vis-à-vis de la loi « antiterroriste » israélienne de 2016 et qui ont touché des bénéfices monétaires de la part de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
Un autre projet de loi en voie de se muer en loi permettra à Israël de refuser la citoyenneté et de supprimer le statut de résidence permanente aux membres de la famille des Palestiniens accusés de délits vis-à-vis de la législation « antiterroriste ».
Le quotidien de Tel-Aviv Haaretz a signalé dans un éditorial que
« cette proposition allait stipuler pour la première fois que les punitions collectives sont légales ».
La nouvelle loi accroîtra les moyens par lesquels Israël transformera des Palestiniens en apatrides en s’appuyant sur une « absence de loyauté » envers l’État.
En décembre dernier, Israël a expulsé vers la France Salah Hamouri, un avocat palestinien des droits humains né à Jérusalem, sous le prétexte d’une « absence de loyauté » envers la puissance occupante. Hamouri a été détenu sans accusation ni jugement au cours des mois qui ont précédé son expulsion forcée de sa patrie natale.
Hamouri a déclaré à son arrivée à Paris que le but d’Israël était de « vider la Palestine de ses citoyens ».
Les lois internationales interdisent à une puissance occupante d’exiger des populations civiles qu’elles lui témoignent leur loyauté.
Adalah, une organisation qui défend les droits des Palestiniens en Israël, a déclaré que la loi nouvellement adoptée « sapait plus encore le statut précaire des Palestiniens sous régime israélien ».
L’organisation de défense des droits caractérise la loi « antiterroriste » d’Israël comme contenant
« de larges et vagues définitions du terrorisme et des organisations terroristes »
qui peuvent être exploitées
« afin de criminaliser l’action politique légitime des citoyens palestiniens d’Israël » ainsi que de ceux de Cisjordanie et de Gaza.
« Elle est susceptible de dégénérer en graves violations des droits humains et de saper plus encore les principes démocratiques en Israël »,
a ajouté Adalah.
Israël a invoqué cette loi draconienne quand il a placé sur une liste noire nombre d’importantes organisations palestiniennes des droits humains de Cisjordanie en 2021 et qu’il a effectué des raids dans leurs bureaux l’an dernier, en ordonnant leur fermeture, ce qui lui a valu d’être condamné au niveau international.
La loi adoptée cette semaine constitue un autre élément de législation discriminatoire envers les Palestiniens.
Israël n’a pas révoqué la citoyenneté des Israéliens juifs impliqués dans des crimes graves.
En 1996, la haute cour israélienne a rejeté une requête de révocation de la citoyenneté de Yigal Amir, qui avait assassiné Yitzhak Rabin, le Premier ministre, un an plus tôt.
L’an dernier, le même tribunal a statué que la citoyenneté pouvait être révoquée pour des délits constituant une « rupture de loyauté », même si agir de la sorte fait de la personne en question une apatride.
La « loi de la nationalité » israélienne de 2008 définit une « rupture de loyauté » à l’État d’Israël comme une perpétration d’acte terroriste ou une assistance à un « acte terroriste », le fait de s’engager dans des actes que l’État considère comme de la trahison ou de l’espionnage, ou le fait d’acquérir la citoyenneté ou de devenir résident permanent de pays comme l’Iran, l’Afghanistan, la Libye, le Soudan, la Syrie, l’Irak, le Pakistan, le Yémen ou la bande de Gaza.
Selon Adalah, dans les trente et quelques cas pour lesquels la révocation de citoyenneté a été envisagée depuis l’entrée en vigueur de la loi, aucun n’impliquait un citoyen israélien juif.
En attendant, depuis qu’il occupe le secteur est de Jérusalem, c’est-à-dire depuis 1997, Israël a révoqué le statut de résidence de plus de 14 500 Palestiniens de la ville en cherchant à manipuler sa démographie de façon à garantir une majorité juive.
Des démolitions de maisons en guise de punitions
Il est dit que le ministre israélien de l’Intérieur envisage de révoquer le statut de résidence du père d’un Palestinien qui, apparemment, a été exécuté par un policier hors service après avoir percuté à l’aide de son véhicule des israéliens qui se trouvaient à un arrêt de bus dans une colonie de Jérusalem-Est la semaine dernière.
Trois Israéliens, dont deux enfants, avaient été tués et plusieurs autres blessés dans l’accident.
Israël traite cet incident comme s’il s’était agi d’un attentat. Mais des membres de la famille de Hussein Qaraqe, le conducteur, ont déclaré dans les médias israéliens qu’il prenait beaucoup de médicaments et qu’il avait été hospitalisé après avoir connu un épisode psychotique un peu plus tôt dans la semaine. Ils nient toute motivation politique dans ses actions.
Israël a déjà placé les scellés sur la maison familiale des Qaraqe en attendant sa démolition – une mesure punitive approuvée par la haute cour israélienne, en violation de l’interdiction des punitions collectives par les lois internationales.
L’an dernier, également en guise de punition, Israël avait scellé ou détruit 11 maisons appartenant aux familles de Palestiniens accusés d’agressions, a rapporté l’organisation de surveillance de l’ONU, l’OCHA. Des centaines d’autres structures dont les propriétaires sont palestiniens ont été rasées ou saisies sous le prétexte qu’elles avaient été bâties sans permis.
Au moins cinq maisons palestiniennes ont déjà été scellées ou détruites sur base punitive, cette année. Trois Palestiniens sont morts des blessures qu’ils ont subies lors d’un raid de démolition punitive au village de Kafr Dan, près de Jénine, début janvier.
La femme d’Al-Jabari et trois enfants, tous trois de moins de 18 ans, ont été déportés suite à la démolition de leur maison, démolition unanimement approuvée par trois juges de la haute cour israélienne à l’issue d’une contestation juridique.
Israël étend également les mises sous scellés et démolitions punitives de maison au-delà des familles de Palestiniens accusés d’agressions fatales.
L’organisation israélienne des droits humains HaMoked a déclaré que l’armée israélienne avait informé la famille d’un garçon de 13 ans accusé d’avoir tiré sur deux Israéliens et les avoir blessés le mois dernier qu’elle avait l’intention de placer sous scellés la maison où il habitait, à Silwan, un quartier de Jérusalem.
HaMoked a dit qu’au lieu d’être motivées, comme le prétend Israël, par une volonté de dissuader de futures agressions, les mesures de punitions collectives cherchent plutôt à « apaiser les circonscriptions extrémistes du gouvernement ».
Selon toute apparence, Israël se raccroche à la fiction prétendant que ces démolitions sont censées « dissuader » et qu’elles ne sont pas une vengeance, puisque l’interdiction des punitions collectives et des représailles est claire comme de l’eau de roche, dans les lois internationales.
Déclarer ouvertement que la motivation est punitive équivaudrait à reconnaître qu’il s’agit d’un crime de guerre.
Unis autour de la suprématie juive
Adalah, l’organisation palestinienne de défense des droits humains a dit précédemment que les accords de coalition du nouveau gouvernement israélien équivalent à une déclaration d’intention de commettre des crimes contre les lois internationales.
Les principes de guidance du gouvernement commencent par l’assertion que
« le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la terre d’Israël ».
Considérant la nouvelle loi qui permet à Israël de révoquer les droits de citoyenneté et de résidence des Palestiniens accusés de délits « terroristes », Adalah a dit que c’est
« une autre mesure encore qui cible explicitement et exclusivement les Palestiniens dans la poursuite de l’engagement [d’Israël] en vue d’établir deux systèmes juridiques séparés s’appuyant sur la suprématie juive ».
Les députés des partis d’opposition ont voté en faveur du projet en compagnie des députés appartenant à la coalition d’extrême droite israélienne.
Sami Abou Shehadeh, un député palestinien en Israël, a souligné le soutien radical parmi les partis sionistes des deux côtés de l’aile et ce, en dépit de leurs amères dissensions à propos du sort de la justice israélienne et des autres matières qui secouent actuellement le pays.
« Quand on en vient au racisme, à la suprématie juive, à l’apartheid et au renforcement de l’occupation coloniale illégale, ils sont tous unis »,
a déclaré Abou Shehadeh.
« Il n’y a pas de solution sans démantèlement de l’occupation coloniale et de l’apartheid »,
a-t-il conclu.
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Publié le 7 février 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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