Un cessez-le-feu fallacieux : Israël poursuit son bain de sang à Gaza

En ce deuxième jour, mercredi, Israël a intensifié son offensive meurtrière contre la bande de Gaza, tuant six Palestiniens et opposant vivement des tirs de barrage aux roquettes de représailles lancées par les organisations de résistance du territoire.
Dans le même temps, deux Palestiniens ont été tués mercredi matin au cours d’une attaque israélienne contre Qabatiya, une petite ville située à proximité de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

Colonne de fumée suite aux frappes militaires israéliennes sur Gaza ce 10 mai.

Colonne de fumée suite aux frappes militaires israéliennes sur Gaza ce 10 mai. (Photo : Stringer APA images)

 

Ali Abunimah, 10 mai 2023

La violence s’est intensifiée mercredi soir alors que se poursuivaient les efforts en vue de dégager un cessez-le-feu mais, apparemment, les perspectives de succès se sont modifiées d’heure en heure.

Al Jazeera a rapporté que les négociations arbitrées par l’Égypte s’étaient apparemment figées autour du refus par Israël d’abandonner sa politique d’assassinat des dirigeants palestiniens, ainsi que de son refus de restituer le corps de Khader Adnan, le gréviste de la faim décédé la semaine dernière dans une prison israélienne.

Les attaques de mercredi ont porté le tribut des victimes à Gaza à au moins 21 depuis qu’Israël a lancé son attaque surprise contre le territoire, très tôt ce mardi.

Cette attaque a tué trois responsables de l’organisation de résistance du Djihad islamique en même temps que d’autres résidents des immeubles civils ciblés par Israël.

Israël a échafaudé son attaque surprise des dirigeants « tout en sachant qu’ils étaient accompagnés de leurs familles et enfants », a déclaré l’organisation des droits humains Al-Haq.

« Cet acte délibéré et prémédité met en évidence le fait que l’assassinat de familles et enfants palestiniens n’est pas un simple acte d’inadvertance mais quelque chose de savamment calculé dans le cadre d’une politique systémique »,

a ajouté Al-Haq.

 

Au moins six enfants palestiniens figuraient parmi les morts depuis le début des bombardements israéliens très tôt ce mardi.

Plus de 60 Palestiniens ont été blessés

Au milieu des pourparlers de trêve, les attaques israéliennes et les ripostes palestiniennes se sont toutefois intensifiées dans la soirée de mercredi, et Israël a même ciblé davantage les habitations palestiniennes.

Il y a eu au moins huit blessés en Israël, mercredi, parmi les Israéliens qui se ruaient vers leurs abris, mais on ne rapporte pas de blessé grave.

En attendant, la terreur vécue par les Palestiniens de Gaza est allée bien au-delà de la mort, des blessures et des destructions immédiates provoquées par les attaques aériennes d’Israël.

L’incessant bourdonnement des drones « crée un état permanent de terreur, de panique et d’anxiété » parmi les deux millions d’habitants qui vivent là, explique Al Mezan, une organisation des droits humains installée à Gaza.

L’organisation fait remarquer que,

« entre 2000 et 2023, au moins 2 148 Palestiniens, dont 378 enfants et 86 femmes, ont été tués par les drones israéliens ».

Près de 350 personnes – dont plus de 100 enfants – ont été tuées à l’intérieur même de leur habitation, ce qui met en exergue une réalité : il n’y a pas d’endroit sûr, à Gaza.

En même temps, la fermeture par Israël du check-point d’Erez, le seul point de passage pour les personnes entre Gaza et Israël, constitue une autre forme de violence contre les Palestiniens les plus vulnérables, c’est-à-dire les patients médicaux qui sont dans l’impossibilité de quitter le territoire assiégé pour se procurer des traitements médicaux qui leur sauveront la vie.

Depuis mardi, plus de 290 patients, la plupart souffrant de cancer, et leurs accompagnateurs sont empêchés de quitter Gaza afin d’accéder à des traitements dans des hôpitaux de la Cisjordanie occupée et d’Israël, fait savoir le ministère de la santé à Gaza. Ceci en sus d’une quinzaine de patients qui ont besoin d’un traitement censé leur sauver la vie.

 

Des motivations politiques

Il y a eu un consensus croissant pour dire que le Premier ministre Benjamin Netanyahou a lancé l’offensive contre Gaza uniquement pour des raisons de politique domestique – afin d’apaiser les personnalités d’ultra-extrême droite de sa coalition divisée, et plus particulièrement le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir.

Selon l’équipe rédactionnelle du quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, par exemple, l’assassinat par Israël des dirigeants du Djihad islamique était « absolument une question de politique israélienne ».

Mais sans que des buts précis et la vie en Israël ne soient grandement perturbés, Israël a demandé un cessez-le-feu immédiat aux factions de la résistance palestinienne.

À un moment donné, Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Galant ont tenu une conférence de presse en direct au cours de laquelle ils ont tenté de présenter au public israélien les attaques contre Gaza comme une réalisation grandiose.

« Nous avons balayé la direction » du Djihad islamique, s’est écrié Galant, ajoutant que l’armée israélienne avait « porté un coup significatif aux actifs de cette organisation terroriste meurtrière ».

Mais ces assertions sont contredites par le fait que le Djihad islamique a continué de lancer d’importantes volées de missiles en direction de cibles israéliennes.

Il est apparu que les prétentions grandiloquentes des dirigeants israéliens n’étaient qu’un effort en vue de sauver la face et de rendre plus digeste leur véritable message. La campagne de bombardement d’Israël n’était pas terminée, a déclaré Galant. Et d’ajouter :

« J’espère que nous la mènerons bientôt à bonne fin, mais nous sommes également disposés à la prolonger, si nécessaire. »

 

Unité dans la résistance

Durant toute la journée de mercredi, le Djihad islamique a tiré des centaines de roquettes vers les bastions israéliens, et ce, en guise de représailles contre les attaques d’Israël sur Gaza.

Dans l’intervalle, la salle des opérations partagée par les diverses organisations de la résistance palestinienne a fait savoir clairement que le Djihad islamique bénéficiait du plein soutien des autres factions, qui se tenaient d’ailleurs prêtes à agir si les circonstances le requéraient.

Alors que le Hamas et le Djihad islamique coopèrent et développent une stratégie commune, le Hamas n’est pas entré directement dans la confrontation. Agir de la sorte n’aurait fait que garantir une escalade, alors que les factions de la résistance palestinienne ont indiqué qu’elles ne désiraient pas intensifier un cycle qu’elles n’avaient pas entamé elles-mêmes.

Néanmoins, la salle des opérations commune a affirmé que les organisations de la résistance palestinienne étaient « prêtes pour toutes les options ».

Les organisations ont mis l’accent sur le fait que

« cibler des habitations civiles, empiéter sur notre population et assassiner nos hommes et héros constitue une ligne rouge ».

De son côté, Israël désespérait de garder le Hamas en dehors de la bataille, conscient sans nul doute que son arsenal de roquettes est plus formidable encore que celui du Djihad islamique.

L’impatience d’Israël de disposer d’un cessez-le-feu n’est pas surprenante, vu que, selon sa propre armée, il n’est parvenu à certain moment qu’à intercepter un cinquième des 270 missiles tirés par la résistance.

10 mai. Les factions de la résistance de Gaza tirent des roquettes sur Israël

10 mai. Les factions de la résistance palestinienne tirent des roquettes sur Israël

 

On estime que les organisations de la résistance palestinienne sont en mesure de tirer des milliers de roquettes qui pourraient rapidement épuiser le système antimissile israélien du Dôme de Fer si la situation devait continuer de dégénérer.

Le coût de chaque missile d’interception du Dôme de Fer est estimé à 80 000 USD au moins.

Qui plus est, Israël est incapable de supporter une perturbation prolongée de son économie civile au beau milieu de toute cette peur et cette panique répandues parmi sa population.

Du fait que, mercredi, les roquettes palestiniennes parvenaient à atteindre le centre du pays, Israël a empêché les vols d’atterrir à l’aéroport Ben-Gourion, près de Tel-Aviv.

Une période prolongée de combats pourrait se traduire par des centaines de millions de dollars de pertes pour l’économie israélienne, comme ce fut le cas lors des 11 journées de bombardement de Gaza par Israël, en mai 2021.

 

 

Les factions de la résistance de Gaza gardent la tête froide

Parmi les personnes tuées dans la violence de mercredi à Gaza figurait la petite Laya, Madoukh, 10 ans. Elle a été tuée et sa sœur blessée, disent des rapports, au cours d’une attaque de missiles israéliens contre Gaza.

Cette attaque a également tué Yazan Jawdat Elayyan, 16 ans, a annoncé Defense for Children International – Palestine.

 

Mercredi matin, un drone israélien a pris pour cibles un groupe de fermiers palestiniens près de Khan Younis, tuant Muhammad Abu Tuayma, 25 ans.

Au même moment, mercredi matin, en Cisjordanie occupée, les forces israéliennes tuaient deux hommes palestiniens.

10 mai. Des personnes endeuillées portent les corps d’Ahmad Jamal Assaf, 19 ans, et de Rani Walid Qatanat, 24 ans, lors de leurs funérailles à Jénine, en Cisjordanie occupée.

10 mai. Des personnes endeuillées portent les corps d’Ahmad Jamal Assaf, 19 ans, et de Rani Walid Qatanat, 24 ans, lors de leurs funérailles à Jénine, en Cisjordanie occupée. (Photo : Ahmed Ibrahim / APA images)

 

L’armée israélienne prétend que les deux hommes ont ouvert le feu sur les forces d’occupation à partir d’une voiture, dans la ville de Qabatiya, près de Jénine, après quoi l’armée israélienne a riposté, les tuant tous deux.

Ils s’appelaient Ahmad Jamal Assaf, 19 ans, et Rani Walid Qatanat, 24 ans.

Des balles israéliennes ont également laissé dans un état critique un adolescent de 17 ans, a déclaré le ministère palestinien de la santé.

Au cours d’un autre incident dans la ville de Tubas, en Cisjordanie, une soldate israélienne a été grièvement blessée par un shrapnel lors d’un échange de coups de feu avec des combattants de la résistance palestinienne, a expliqué l’armée israélienne.

Les autorités d’occupation ont arrêté deux personnes, prétendant qu’elles étaient impliquées dans l’incident.


Des provocations délibérées

Mercredi, c’était le deuxième anniversaire des 11 jours de bombardement de Gaza par Israël, en mai 2021, qui avaient tué plus de 250 Palestiniens, dont au moins 60 enfants.

Une répétition de cet horrible bain de sang n’était pas loin des esprits de chacun. Mais, à de multiples reprises, en dépit de vouloir mettre un terme à la violence, Israël a saboté les cessez-le-feu depuis la fin de l’escalade de mai 2021.

Ceci inclut une confrontation militaire de trois jours entre Israël et le Djihad islamique en août 2022, qui a débuté au moment où une frappe aérienne israélienne à Gaza même a tué Taysir Mahmoud al-Jaabari, un dirigeant militaire du Djihad islamique, et Salameh Muharib Abed, l’assistant d’al-Jaabari.

L’attaque surprise d’Israël, ce mardi, constituait une violation d’un cessez-le-feu dégagé après un bref échange de tirs entre Israël et le Djihad islamique il y a une semaine, suite au décès de Khader Adnan.

Les missiles israéliens ont tué un civil palestinien, lors des violences de la semaine dernière.

Ce cycle s’est terminé par une trêve négociée par l’Égypte, le Qatar et les Nations unies. Mais, alors que les Palestiniens poussaient un soupir de soulagement, Israël préparait déjà son attaque suivante.

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Tamara Nassar a contribué à ce reportage.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 10 mai 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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