Les Israéliens jubilent après l’exécution d’un adolescent palestinien à Jérusalem

Une vidéo enregistrée depuis une voiture de métro montre l’adolescent palestinien gisant au sol après avoir été touché au flanc. D’après la vidéo, il vit encore, mais est couché et tient les mains en l’air, sans présenter de menace concevable, au moment où un soldat israélien le surplombe et pointe son arme sur lui.

 

Les Israéliens jubilent après l’exécution d’un ado palestinien à Jérusalem : 30 août 2023. Des Israéliens accourus en masse sur la scène d’une prétendue agression au couteau à une station du métro léger de Jérusalem, à la suite de quoi un adolescent palestinien a été exécuté.

30 août 2023. Des Israéliens accourus en masse sur la scène d’une prétendue agression au couteau à une station du métro léger de Jérusalem, à la suite de quoi un adolescent palestinien a été exécuté. (Photo : Atef Safadi / EFE)

 

Maureen Clare Murphy, 31 août 2023

Mercredi et jeudi, en Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont abattu et tué deux Palestiniens, dont un de 14 ans, lors d’incidents séparés. Les deux affaires présentent toutes les caractéristiques d’exécutions extrajudiciaires.

Jeudi, Daoud Abd al-Razaq Dares, 41 ans, a été tué par des gardes au check-point de Hashmonaim, au nord-ouest de Jérusalem, après avoir percuté un groupe de soldats israéliens avec son camion à un autre check-point, tuant ainsi un soldat et blessant six autres personnes, dont trois militaires.

Les soldats venaient d’un poste de l’armée et se rendaient à un arrêt de bus afin de participer à un exercice de « consolidation d’équipe », ont rapporté les médias israéliens, en citant l’armée.

Les autorités israéliennes ont déclaré que l’homme avait tenté une seconde attaque à la voiture-bélier avant d’être abattu et tué.

Au moins 222 Palestiniens ont été tués par les forces et civils armés israéliens depuis le début de cette année, ou sont décédés de blessures encourues antérieurement, d’après les calculs de The Electronic Intifada.

Trente-cinq personnes en Israël et Israéliens en Cisjordanie occupée ont été tués par des Palestiniens dans le contexte de l’occupation, au cours de la même période.

Il y a de nombreux exemples de Palestiniens tués au cours de ce qu’Israël qualifie de tentatives d’agression avant qu’on ne découvre plus tard qu’aucune agression de ce genre n’avait eu lieu.

Les médias israéliens ont rapporté que Dares, qui résidait en Cisjordanie et avait un permis de travail en Israël, était arrivé au check-point de Maccabim, situé du côté occidental de la Ligne verte démarquant Israël de la Cisjordanie.

« Le conducteur s’est approché du check-point mais, brusquement, il a retourné son véhicule vers Israël »,

lit-on dans le quotidien israélien Haaretz, qui se basait apparemment sur la version des événements transmise par l’armée israélienne.

« C’est à ce moment-là seulement que l’attaque-bélier a eu lieu. »

Citant l’armée, Haaretz a ajouté que « les soldats renversés sont des membres d’un bataillon d’artillerie » ; ils avaient quitté leur poste et se rendaient à un arrêt de bus, « où le conducteur les a remarqués et leur a foncé dessus ».

Un soldat a été grièvement blessé et deux autres plus légèrement, selon Haaretz, qui a ajouté que « deux adultes dans une voiture toute proche et un travailleur palestinien ont également été blessés ».

Les autorités israéliennes ont prétendu que Dares s’était éloigné précipitamment de la scène de l’incident fatal et qu’il avait été bloqué par des gardes à un autre check-point tout proche, où il avait été abattu et grièvement blessé. Il était décédé un peu plus tard à l’hôpital.

Les autorités israéliennes ont déclaré que Dares avant tenté une seconde attaque-bélier au check-point où il avait été tué. Toutefois, il est possible que Dares ait été exécuté par des gardes au deuxième check-point – qui avait été prévenu après l’incident du premier check-point – sans avoir tenté de nouvelle attaque.

Les autorités israéliennes ont un long palmarès de mensonges sur les circonstances dans lesquelles des Palestiniens se font tuer, y compris quand il s’agit d’agressions supposées à des check-points et d’autres qui impliquent la mort d’officiers et de soldats israéliens. Pourtant, les médias israéliens n’hésitent pas un instant de qualifier Dares de « terroriste », s’en remettant sans le moindre scepticisme au discours du ministère israélien de la défense.

Dares était père de cinq enfants et vivait à Deir Ammar, près de Ramallah, selon les organes de presse israéliens et palestiniens. Les forces israéliennes ont effectué un raid contre sa maison au moment même où sa famille apprenait sa mort :

 

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, a déclaré que l’incident était « une agression accompagnée de lourdes conséquences ».

 

Les check-points

Prenant la parole au check-point où le soldat a été tué, Bezalel Smotrich, le ministre d’extrême droite israélien des finances, a déclaré : « Nous voyons à ce stade l’importance des check-points. »

L’OCHA, l’organisation de contrôle des Nations unies, a déclaré la semaine dernière qu’il y avait actuellement quelque 650 obstacles qui entravaient la liberté de mouvement des Palestiniens dans l’ensemble de la Cisjordanie – une augmentation de près de 10 pour 100 par rapport aux restrictions de déplacement répertoriées en 2020.

Ces obstacles comprennent

« 49 check-points dotés de personnel en permanence ; 139 dotés de personnel par intermittence ; 304 blocages routiers, monticules de terre et sas routiers ; 73 murs de terre, barrières routières et fossés ; et 80 obstacles supplémentaires de types divers ans la zone d’Hébron contrôlée par les Israéliens »,

a déclaré l’OCHA.

 

Le mur d’Israël en Cisjordanie et le régime d’accès et de permis qui lui est associé constituent « le seul très grand obstacle aux mouvements des Palestiniens » dans le territoire.

« Ces obstacles physiques font partie d’une série de restrictions imposées par les autorités israéliennes aux Palestiniens depuis 1967, y compris les exigences de permis et la désignation de zones limitées ou interdites »,

selon l’OCHA.

« Combinées, ces restrictions empêchent l’accès aux services et ressources, perturbent la vie familiale et sociale et mettent à mal la jouissance par les Palestiniens de leurs droits économiques, sociaux et culturels, compromettent grandement leurs moyens de subsistance et contribuent à la fragmentation de la Cisjordanie. »

Les check-points et autres formes de restrictions de mouvement sont les sites de fréquents actes de violence contre les Palestiniens et l’Observateur euro-méditerranéen des droits de l’homme, qui a son siège en Suisse, les décrit comme des

« pièges mortels (…) où une simple suspicion de délit de la part de Palestiniens peut se traduire par leur mort immédiate ».

Depuis des années, les organisations de défense des droits humains accusent Israël d’opérer en fonction d’une politique du « tirer pour tuer » qui a transformé la police, les soldats et les civils armés « en juges et bourreaux ».

 

Exécution d’un adolescent palestinien

Cette politique semble avoir été en jeu dans l’apparente exécution extrajudiciaire d’un Palestinien de 14 ans qui, mercredi, aurait prétendument poignardé et blessé sans gravité un Israélien à Jérusalem-Est occupée.

Selon Defense for Children International – Palestine (DCI-P), Khaled Samer Fadel al-Zaanin, 14 ans,

« a prétendument tenté de commettre une agression au couteau à la station de métro avant d’être plaqué au sol et désarmé par un passant ».

« Il a été rapporté qu’un paramilitaire israélien de la police des frontières l’avait tué par balle alors qu’il gisait au sol »,

a ajouté l’organisation de défense des droits.

Une vidéo enregistrée depuis une voiture de métro montre l’adolescent gisant au sol après avoir été touché au flanc. D’après la vidéo, il vit encore, mais est couché et tient les mains en l’air, sans présenter de menace concevable, au moment où un soldat israélien le surplombe et pointe son arme sur lui.

Une autre vidéo nous montre l’adolescent gisant sans vie sur le sol. Sur d’autres vidéos, on voit des Israéliens exulter alors que le corps du garçon est encore au sol, juste avant qu’on ne l’évacue.

On peut entendre une personne au moins crier bien clairement « mort aux Arabes » en hébreu.

 

« Les autorités israéliennes ont confisqué le corps [d’al-Zaanin] et le retiennent, empêchant ainsi sa famille de le récupérer »,

a déclaré DCI-P.

Un témoin oculaire a déclaré à un organe de presse israélien qu’il avait fait tomber un couteau de la main d’al-Zaanin avant que la police n’exécute l’adolescent.

Ce compte rendu fournit une preuve supplémentaire que la police des frontières a recouru à la force létale contre al-Zaanin a un moment où il ne posait pas de menace immédiate pour la vie de qui que ce soit.

L’agence de presse officielle palestinienne WAFA, citant des sources locales, a rapporté qu’on avait laissé al-Zaanin se vider de son sang jusqu’à ce que mort s’ensuive et sans permettre que lui soient donnés des soins d’urgence.

« Les forces israéliennes ont l’habitude de se livrer à des exécutions extrajudiciaires de Palestiniens, dont des enfants »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, un directeur de programme de DCI-P.

« Des enfants soupçonnés d’avoir commis des actes criminels devraient être arrêtés en conformité avec les lois internationales et se voir accorder une application régulière de la loi, et non être exécutés sur les lieux même après qu’ils ne posent plus la moindre menace. »

 

Un agent de la police des frontières mis à l’honneur

Kobi Shabtai, un commissaire de police israélien, a félicité l’agent de la police des frontières qui a tué al-Zaanin, disant que ses actions avaient prouvé

« le niveau de vigilance de nos forces sur le terrain qui, à maintes reprises, préviennent et déjouent des agressions terroristes ».

Plusieurs heures après la mort d’al-Zaanin, les forces israéliennes ont encerclé la maison de sa famille dans le quartier de Beit Hanina, à Jérusalem-Est. Ses parents, sa sœur et son frère jumeau ont été arrêtés et interrogés séparément à la sinistre Mission russe de Jérusalem avant d’être relâchés, rapporte DCI-P.

Des vidéos montrent la maison familiale sens dessus dessous après avoir été mise à sac par la police :

 

Les forces d’occupation israéliennes et les colons ont tué au moins 42 enfants palestiniens depuis le début de l’année, d’après les calculs de The Electronic Intifada. Ce chiffre comprend un garçon de Gaza qui est mort des suites de blessures encourues lors d’une frappe aérienne israélienne l’an dernier.

Au début de cette semaine, Human Rights Watch a demandé que soit mis un terme à

« l’impunité systématique couvrant le recours à la force létale »

par l’armée et la police des frontières israéliennes contre les enfants palestiniens.

 

L’organisation de défense des droits, dont le siège est à New York, a fait remarquer que des enfants palestiniens se font tuer « sans pratiquement le moindre recours à la responsabilisation ».

L’année dernière a été la plus mortelle en 15 ans pour les enfants palestiniens de Cisjordanie et

« 2023 est en voie d’égaler, voire de dépasser les niveaux de 2022 »,

a ajouté Human Rights Watch.

« À moins que les alliés d’Israël, et tout particulièrement les États-Unis, ne mettent la pression sur Israël pour changer de cap, un plus grand nombre d’enfants palestiniens mourront encore »,

a déclaré Bill Van Esveld, un directeur associé de Human Rights Watch.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 31 août 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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