Israël bloque la sortie de marchandises de Gaza
Israël a bloqué l’exportation de marchandises commerciales à partir de Gaza. Les organisations de défense des droits humains et les syndicats qualifient la mesure d’acte de châtiment collectif, et ce, après la prétendue découverte, lundi, de matériaux explosifs dans une cargaison destinée à la Cisjordanie.
Maureen Clare Murphy, 7 septembre 2023
Dans une lettre adressée mercredi au ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, l’organisation israélienne de défense des droits humains, Gisha, disait que l’interdiction de sortie de marchandises ne manquerait pas d’avoir « des conséquences désastreuses pour la population de Gaza ».
L’organisation, qui plaide en faveur de la liberté de mouvement pour les Palestiniens, a déclaré que l’interdiction punissait « des milliers de civils, dont des commerçants et des travailleurs du secteur agricole et d’autres domaines », en raison d’un « simple incident qui n’avait rien à voir avec eux ».
Gisha a pointé du doigt les abus de très longue date commis par Israël dans le contrôle du mouvement des marchandises depuis et vers Gaza, ce qui cause « des torts sévères et incessants à l’économie palestinienne ».
La plupart des produits de Gaza destinés à être exportés, dont ceux à destination de la Cisjordanie, sortent par le check-point Karem Abu Salem (Kerem Shalom, en hébreu) contrôlé par Israël.
Dans le cadre du blocus en cours contre Gaza, imposé après la prise de contrôle du territoire en 2007 par le Hamas, Israël avait interdit la sortie de marchandises jusqu’en 2014. Depuis lors, il avait progressivement rétabli la sortie de marchandises, quoiqu’à un degré limité ne représentant qu’une fraction de ce qui était autorisé avant l’entrée en vigueur du blocus.
Ce blocus consistait en une intensification des restrictions israéliennes déjà appliquées depuis le début des années 1990. Son but – mais loin d’être atteint – consistait à appauvrir la population de Gaza au point qu’elle finisse par désavouer la résistance armée contre l’occupation et la colonisation israéliennes.
Mise en danger des moyens de subsistance
Les marchandises transférées depuis Gaza en juillet ont été partagées à peu près également entre Israël et la Cisjordanie. La production agricole représentait la plus grosse partie des marchandises exportées, et elle était suivie par les textiles et le poisson. En outre, ferraille et piles usées sont exportées vers l’Égypte.
Le nombre de camions de marchandises sortantes passant par Karem Abu Salem, même avant l’interdiction de mardi, était de plus de 70 pour 100 inférieur à la moyenne mensuelle d’avant le blocus, fait savoir l’OCHA, l’organisation de contrôle des Nations unies.
Le ministère de l’agriculture à Gaza estime que la nouvelle interdiction frappant le transfert des marchandises en dehors du territoire va coûter aux secteurs locaux de l’agriculture et de la pêche quelque 260 000 USD par jour.
Le blocus de Gaza par Israël a causé un tort énorme sur le plan social et sur le plan économique. Le taux de chômage dans l’enclave était de 46 pour 100 au cours du second trimestre de 2023, estime Al Mezan, une organisation gazaouie de défense des droits humains.
La nouvelle interdiction met en danger les moyens de subsistance de 60 000 travailleurs des secteurs de l’agriculture et de la pêche, ainsi que de 9 000 travailleurs du textile, estime le ministère gazaoui de l’agriculture.
Le durcissement des restrictions va encore accroître la détérioration de l’économie déjà passablement fragile de Gaza « et aboutir à la destruction des secteurs économiques générateurs de revenu », a déclaré Al Mezan.
En 2020, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) a estimé avec prudence que le blocus et les offensives militaires répétées d’Israël contre Gaza avaient coûté quelque 17 milliards de USD à l’économie du territoire.
La Fédération générale des industries palestiniennes de Gaza a déclaré que l’interdiction imposée au transfert de marchandises à partir de Gaza était un acte de châtiment collectif.
Waddah Bseiso, un porte-parole de la fédération, a réclamé la réouverture de Karem Abu Salem
« et la suppression des sanctions qui aggravent les épreuves de la population et compromettent les chances de développement économique, de paix et de stabilité dans la bande de Gaza ».
Israël continue de permettre l’importation de marchandises à Gaza, bien qu’accompagnée d’une interdiction portant sur 61 articles estimés faisant « double emploi » dans des applications et civiles et militaires.
Israël craint la « gazaïsation » de la Cisjordanie
L’accusation portée par Israël et disant qu’on a trouvé des matériaux explosifs dissimulés dans une cargaison destinée à la Cisjordanie est consécutive à une reprise de la résistance armée sur le territoire.
En juillet, Israël lançait une offensive de deux jours contre Jénine, un bastion de la résistance armée dans le nord de la Cisjordanie, afin d’affaiblir la capacité des organisations militantes en Cisjordanie. C’était l’opération militaire israélienne la plus importante lancée depuis vingt ans contre la région.
En juin, les combattants palestiniens à Jénine mettaient hors d’usage un véhicule blindé Panther, de 10 tonnes, à l’aide d’un engin explosif artisanal, et ils touchaient également un hélicoptère de combat Apache censé faciliter l’évacuation des hommes en embuscade au cours de ce que l’armée avait considéré hâtivement comme un raid de routine.
La tactique utilisée contre Israël au cours de ce raid et d’autres opérations récentes du même genre, rappelait celle du Hezbollah au Liban et du Hamas à Gaza, et elle constituait une avancée dans la sophistication de la résistance armée en Cisjordanie.
Le comité d’experts pro-israélien Middle East Media Research Institute (Institut de recherche sur les médias du Moyen-Orient) a déclaré le mois dernier que des organisations armées en Cisjordanie exploitaient la faiblesse de l’Autorité palestinienne dans le nord du territoire pour développer de nouvelles infrastructures militaires.
Les combattants palestiniens en Cisjordanie cherchent de rendre le maintien des colonies et du déploiement militaire sur le territoire trop onéreux pour Israël, de la même façon que la résistance armée avait forcé le retrait unilatéral d’Israël de Gaza en 2005.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et Yoav Galant ont accusé l’Iran de la mort par balles de trois Israéliens en Cisjordanie le mois dernier.
« Nous sommes au beau milieu d’une offensive terroriste encouragée, dirigée et financée par l’Iran et ses mandataires »,
a déclaré Netanyahou lundi, impliquant ainsi la responsabilité du Hamas et du Djihad islamique.
Galant a expliqué :
« Nous allons entreprendre plusieurs actions qui rétabliront la sécurité pour les citoyens d’Israël », ajoutant que « toutes les options sont sur la table ».
Fin août, Saleh al-Arouri, le dirigeant adjoint de l’aile politique du Hamas, a prévenu Israël que ses assassinats de dirigeants du Hamas allaient déclencher « une guerre régionale ».
En mai, Israël a tué six dirigeants du Djihad islamique en même temps que leurs proches et leurs voisins au cours d’une escalade de cinq jours qui avait débuté avec des frappes aériennes par surprise visant des immeubles résidentiels.
A moins 33 Palestiniens avaient été tués au cours de l’offensive. Un tir de roquette par les Palestiniens avait tué une Israélienne de 80 ans ainsi qu’un ouvrier palestinien de Gaza qui travaillait en Israël.
L’escalade a eu lieu après qu’Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien d’extrême droite de la sécurité nationale et le faiseur de roi dans la très fragile coalition gouvernementale de Netanyahou, a exigé une réponse plus musclée au tir de roquette depuis Gaza.
Jeudi, Galant a prévenu que les attaques qui auraient lieu durant les grandes fêtes juives à venir feraient l’objet d’une riposte « écrasante ».
« Nous vivons une période sécuritaire complexe dans toutes les régions et particulièrement en Cisjordanie et autour de Jérusalem »,
a dit Galant, suggérant que l’armée n’avait pas une confiance illimitée dans sa capacité d’assurer la sécurité des colons israéliens.
Toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie ont été construites en violation des lois internationales. La Quatrième Convention de Genève interdit à une puissance occupante de transférer sa propre population civile vers le territoire occupé.
La même convention interdit le recours au châtiment collectif, telle l’interdiction par Israël de sortir des marchandises de Gaza.
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Publié le 7 septembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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