Le génocide israélien cible les journalistes palestiniens

Le silence relatif éclaire la façon dont les journalistes palestiniens ont longtemps été considérés comme des citoyens de second rang – de prétendus petits correspondants qui s’exposent à la mort mais qui ont la chance de figurer comme troisièmes couteaux dans la signature ou dans une note à la fin de l’article, pendant que les journalistes américains ou européens que l’on a parachutés en tirent toute la gloire.

 

Wael Dahdouh

Wael Dahdouh

 

Ali Abunimah, 10 janvier 2024

Lundi, j’étais invité à l’émission Inside Story (Ce qui se passe à l’intérieur) d’Al Jazeera afin de parler de la campagne israélienne d’assassinat contre les journalistes et leurs proches à Gaza.

La veille, à Khan Younis, une frappe aérienne israélienne sur une voiture à bord de laquelle ils se trouvaient a tué le journaliste Hamza Dahdouh et son collègue Mustafa Thuraya.

Un thème important de la discussion était l’absence relative de solidarité internationale pour les journalistes palestiniens qui sont les seuls à couvrir Gaza de l’intérieur, même s’ils sont confrontés à l’actuelle campagne d’extermination israélienne soutenue par les Américains.

Le silence relatif éclaire la façon dont les journalistes palestiniens ont longtemps été considérés comme des citoyens de second rang – de prétendus petits correspondants qui s’exposent à la mort mais qui ont la chance de figurer comme troisièmes couteaux dans la signature ou dans une note à la fin de l’article, pendant que les journalistes américains ou européens que l’on a parachutés en tirent toute la gloire.

Les journalistes palestiniens sont les yeux et les oreilles du monde, les témoins qui enregistrent le génocide israélien afin que plus personne ne puisse jamais dire : « Nous ne savions pas. »

 

N’empêche que le savoir des Palestiniens est souvent dévalué et on présume qu’ils sont intrinsèquement partiaux et absolument non fiables. Mais, comme je l’ai dit à Al Jazeera, personne ne connaît mieux Gaza que les journalistes palestiniens et personne n’est plus objectif qu’ils ne le sont à l’égard de la réalité.

Dans le panel de discussion se trouvaient avec moi Tim Dawson, secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des journalistes, et Jodie Ginsberg, présidente du Comité de protection des journalistes.

Vous pouvez visionner la totalité de la discussion dans la vidéo ci-dessous, de même que plusieurs clips.

 

« Un assassinat »

Al Jazeera a condamné l’attaque qui a tué Hamza Dahdouh et Mustafa Thuraya en la qualifiant d’« assassinat » délibéré, au moment où les deux hommes « étaient en route pour accomplir leur devoir d’information dans la bande de Gaza ».

 

 

Hamza était le fils aîné de Wael Dahdouh, le chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza, qui a déjà enterré son épouse Amna, son fils adolescent Mahmoud, sa fille de 7 ans Sham et son petit-fils tout petit encore Adam, tous tués par une attaque israélienne en octobre.

Wael Dahdouh lui-même avait été blessé le mois dernier, lors de l’attaque d’un drone israélien qui avait tué son collègue Samer Abu Daqqa.

Hamza Dahdouh avait posté cet hommage à sa mère, son frère, sa sœur et son tout petit neveu quelques jours à peine avant qu’il n’aille les rejoindre sur la liste des victimes du génocide perpétré par Israël.

 

Un tribut sans précédent

Israël a tué plus de 100 journalistes palestiniens Gaza depuis le 7 octobre. Il s’agit d’un tribut sans précédent.

« La guerre entre Israël et Gaza constitue la situation la plus dangereuse pour les journalistes que nous ayons jamais vue »,

avait déclaré en décembre Sherif Mansour, du Comité de protection des journalistes.

« L’armée israélienne a tué plus de journalistes en dix semaines que toute autre arme ou entité ne l’a fait en une année. Et, avec chaque journaliste tué, la guerre devient plus difficile à documenter et à comprendre. »

Dans un mémo déposé en décembre pour soutenir un procès américain en cours contre le président Joe Biden et le secrétaire d’État Antony Blinken en raison de leur rôle direct dans le génocide, le Syndicat des journalistes palestiniens déclare que

« des preuves indiquent fortement que la grande majorité des journalistes et des travailleurs des médias tués depuis le début du génocide étaient spécifiquement ciblés pour être assassinés par l’armée israélienne ».

« Au moins 84 des 95 journalistes tués l’ont été lors d’attaques « chirurgicales » ou par des snipers israéliens visant soit leurs maisons (ou, dans un cas, leur véhicule personnel), soit la zone où ils effectuaient leur reportage, filmaient ou, quoi qu’il en soit, couvraient de la matière à information »,

ajoute le mémo.

Comme je l’ai dit dans l’émission Inside Story, cette campagne d’extermination n’est possible qu’avec le soutien des États-Unis, dont le secrétaire d’État Antony Blinken a versé dimanche des larmes de crocodile sur l’assassinat de Hamza Dahdouh et d’autres journalistes, au cours d’une conférence de presse au Qatar.

Leur travail est d’autant plus important qu’Israël interdit l’entrée de journalistes internationaux à Gaza, sauf sous escorte de son armée – une restriction soutenue par la cour suprême israélienne lundi dernier.

 

Vidéo : Le génocide israélien vise les journalistes palestiniens. (EI, sur YouTube)

 
 

 

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

 

 

Publié le 10 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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