Chaque enfant de Gaza risque de succomber à la famine

Chaque enfant de Gaza, considéré individuellement, est guetté par la mort – soit par les bombardements israéliens, soit par la famine, soit par la maladie.

 

Chaque enfant de Gaza risque de succomber à la famine

Les attaques d’Israël contre Gaza « ont précipité une urgence nutritionnelle pour les enfants », disent des chercheurs médicaux. (Photo : Majdi Fathi / ZUMAPRESS)

 

Nora Barrows-Friedman, 27 février 2024

 

Plus d’un million d’enfants vivent une situation d’urgence catastrophique sur le plan de la santé et cette urgence est causée directement par le blocus en cours de l’aide humanitaire par Israël, explique un nouveau rapport de Save the Children.

Dans le nord de Gaza, qui a effectivement été coupé des livraisons d’aide par l’armée israélienne, un enfant en bas âge sur six souffre de malnutrition aiguë, affirme l’UNICEF, le fonds des enfants des Nations unies.

« La bande de Gaza est sur le point d’assister à une explosion de morts d’enfants – pourtant évitables – qui aggraverait encore le niveau déjà insoutenable de la mortalité infantile à Gaza »,

a mis en garde Ted Chaiban de l’UNICEF la semaine dernière.

« Si le conflit ne se termine pas maintenant, la nutrition des enfants va continuer de s’effondrer, ce qui va se traduire par des décès évitables ou des problèmes de santé qui affecteront les enfants de Gaza pour le reste de leur vie et auront des séquelles intergénérationnelles potentielles »,

a ajouté Chaiban.

« L’occupation israélienne place les résidents de Gaza à l’intérieur d’un triangle : ciblage, famine et épidémies », a déclaré ce week-end le ministère palestinien de la santé.

 

 

Les organisations palestiniennes de défense des droits disent qu’Israël a effrontément ignoré les ordres de la Cour internationale de justice du 26 janvier lui enjoignant d’empêcher les actes génocidaires, de faire cesser l’incitation au génocide et de « faciliter la livraison des services élémentaires et de l’aide humanitaire, nécessaires de toute urgence », aux Palestiniens de Gaza.

« Israël continue délibérément d’attaquer des hôpitaux, de mettre le secteur des soins de santé hors service, tout en utilisant la famine comme une arme de guerre »,

a fait savoir lundi une coalition d’organisations palestiniennes des droits humains.

La livraison de l’aide humanitaire a fortement diminué depuis la décision de la CIJ et

« depuis qu’Israël a intensifié sa campagne de délégitimation »

contre l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), ont ajouté les organisations.

« Le refus de livrer de l’aide dans le nord de Gaza est particulièrement alarmant »,

disent-elles.

Selon les Nations unies, moins de 20 pour 100 des missions d’aide humanitaire des six premières semaines de l’année et destinées aux zones du nord de la bande de Gaza ont été facilitées, et plus de 50 pour 100 d’entre elles ont été carrément refusées.

Phillippe Lazzarini, le chef de l’UNRWA, a expliqué que l’agence n’avait pas été en mesure d’effectuer une seule livraison d’aide alimentaire dans le nord de Gaza depuis plus d’un mois.

 

Amnesty International a émis une déclaration similaire lundi, réprimandant Israël pour son refus de se plier aux ordres de la Cour internationale.

Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International, a prévenu les EU, le Royaume uni, l’Allemagne et les autres pays occidentaux « ayant de l’influence sur le gouvernement israélien » qu’ils

« ne devaient pas regarder sans agir les civils palestiniens mourir de morts évitables dues aux bombardements, au manque de nourriture et d’eau, à la propagation des maladies et à la pénurie de soins de santé ».

Heba Morayef a encore dit que

« au vu de la catastrophe humanitaire à Gaza, le soutien de ces États aux actions d’Israël, y compris le fait de bafouer la décision de la CIJ, était indéfendable et pouvait violer leur obligation d’empêcher le génocide ».

 

Le PAM suspend ses livraisons au nord

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé la semaine dernière qu’il suspendait ses livraisons d’aide aux zones du nord

« tant que les conditions ne seraient pas réunies pour permettre des distributions en toute sécurité ».

L’agence a expliqué qu’elle avait pris cette décision après que des foules de gens affamés « avaient pillé » ou étaient montées à bord de ses camions au beau milieu de « l’effondrement de tout ordre civil ».

« Une expansion à grande échelle de l’afflux d’aide au nord de Gaza est nécessaire de toute urgence si on veut éviter un désastre »,

a déclaré le PAM, ajoutant qu’il fallait ouvrir les points d’accès au nord et que « permettre l’entrée de volumes plus importants de nourriture dans la bande de Gaza depuis diverses routes » était nécessaire pour que l’agence puisse fonctionner.

On rapporte que, ce lundi, les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des foules de personnes à Gaza même, alors qu’elles tentaient de récupérer l’aide humanitaire.

 

 

Plus tôt, ce même lundi, des avions jordaniens et français ont largué des colis de nourriture le long de la côte sud, et la plupart des marchandises sont tombées à la mer.

Al-Mayadeen a rapporté que les Palestiniens avaient nagé en mer afin de récupérer les colis.

Un homme au moins a été tué et bien d’autres blessés dans le nord de Gaza après que les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des foules désespérées qui attendaient de l’aide alimentaire, a rapporté Al Jazeera le 20 février.

L’ONG Save the Children a déclaré cette semaine que

« le risque de famine est censé s’accroître tant que le gouvernement israélien s’obstinera à empêcher l’entrée de l’aide à Gaza et l’accès à une nourriture adéquate, à l’eau potable, à des équipements sanitaires et hygiéniques et à des services de santé et de nutrition complets pour les enfants et les familles qui en ont un besoin urgent ».

La famine comme « méthode de guerre », a ajouté Save the Children,

« est strictement interdite par les lois internationales et elle aura des retombées mortelles pour les enfants ».

Entre-temps, les forces israéliennes continuent de permettre aux Israéliens – et de les y encourager – de bloquer et d’entraver les convois d’aide humanitaire au passage de Kerem Shalom.

Avec un château gonflable, du popcorn et de la barbe à papa, les colons israéliens et leurs familles ont récemment célébré leur rôle en contribuant à ce que Gaza meure de faim.

 

Associated Press a publié une vidéo de colons israéliens – dont certains avec des accents américains – se vantant d’avoir bloqué des camions de nourriture à Kerem Shalom.

 

Amnesty International a prévenu Israël que ces perturbations commises par des civils israéliens

« ne déchargeaient pas les autorités israéliennes de leur obligation de prendre les mesures nécessaires afin de faire en sorte que l’afflux d’aide reste ininterrompu ».

Une vidéo partagée par l’agence d’information Quds – et, dit-on, réalisée par un soldat israélien à Gaza – montrait un char israélien écrasant de la nourriture sous ses chenilles.

Selon un nouveau sondage effectué en Israël, près de 70 pour 100 des Juifs israéliens sont favorables au blocage de l’aide humanitaire coordonnée par les agences internationales à destination de Gaza.

 

Des dizaines de milliers de personnes risquent d’être victimes d’une mortalité excédentaire

Un nouveau rapport émanant de chercheurs américains et britanniques affiliés à d’importantes institutions médicales et humanitaires prévoit que, si les attaques génocidaires et le siège se poursuivent, plus de 58 000 Palestiniens pourraient mourir au cours des six prochains mois.

Ces décès seraient alors à des blessures traumatiques provoquées par les attaques israéliennes, par des maladies non transmissibles et par une santé maternelle et néonatale déficiente.

Y ajoutant le risque d’épidémies diverses, le rapport dit que ce nombre pourrait même s’élever à près de 67 000.

Une intensification des attaques israéliennes, mettent en garde les chercheurs, pourrait se traduire par plus de 85 000 décès excédentaires d’ici le mois d’août.

Mais, même si Israël met immédiatement un terme à ses bombardements, des milliers de Palestiniens de Gaza continueront de mourir en raison de l’effondrement du système des soins de santé, du manque de médicaments et de la malnutrition – principalement parmi les jeunes enfants.

« La guerre en cours à Gaza a précipité une urgence nutritionnelle pour les enfants », déclarent les chercheurs.

La malnutrition infantile a augmenté « à des taux alarmants dans les scénarios de statu quo et d’escalade, bien qu’à d’importants taux d’incertitude », disent-ils encore.

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Publié le 27 février 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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