Israël bloque l’aide et le carburant destiné aux hôpitaux de Gaza

Vendredi, Israël a tué plus de 150 Palestiniens et a continué de bloquer l’aide destinée aux hôpitaux de la bande de Gaza tout en rejetant de façon théâtrale les accusations de génocide formulées à son encontre par l’Afrique du Sud à La Haye.

 

Le personnel de la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) organise les funérailles de quatre membres de son équipe de paramédicaux tués par une frappe aérienne ciblée d’Israël contre une ambulance à Deir al-Balah, le 11 janvier 2024.

Le personnel de la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) organise les funérailles de quatre membres de son équipe de paramédicaux tués par une frappe aérienne ciblée d’Israël contre une ambulance à Deir al-Balah, le 11 janvier 2024. (Photo : Naaman Omar / APA images)

 

Nora Barrows-Friedman, 12 janvier 2025

Un haut responsable de l’ONU a prévenu que si Israël ne permettait pas l’entrée immédiate de carburant à Gaza, les camions d’aide allaient être bloqués au passage de Rafah, au sud, et mis dans l’impossibilité de distribuer quoi que ce soit.

Selon le ministère palestinien de la santé, Israël a commis 13 massacres de Palestiniens rien qu’entre jeudi et vendredi.

Le nombre de morts palestiniens est monté à 23 706 depuis le 7 octobre, avec plus de 60 000 blessés, a déclaré le ministère vendredi.

Des milliers d’autres personnes sont toujours portées manquantes ou ensevelies sous les décombres.

Tous les systèmes d’internet et de téléphonie ont été détruits par les attaques israéliennes, plongeant Gaza une fois de plus dans un blackout des communications, selon le fournisseur de services Paltel.

Entre-temps, la directrice exécutive de Human Rights Watch, Tirana Hassan, a déclaré qu’Israël devait se conformer à la décision de la Cour internationale de justice, qui sera sans doute communiquée en fin de mois.

« Si Israël ne se soumet pas aux mesures ou ordres de la cour, il appartiendra dans ce cas à la communauté internationale de faire en sorte d’exercer toutes les pressions envisageables pour encourager Israël à appliquer réellement les mesures »,

a déclaré Hassan à Reuters.

 

L’organisation a publié jeudi son « Rapport mondial », qui répertorie les violations des droits humains de l’année écoulée, et ce, au niveau mondial.

Hassan a déclaré que Human Rights Watch était en mesure de documenter le « crime de famine organisée » commis par Israël comme moyen de guerre contre la population de Gaza.

« Dans les affres de cette guerre, ce que nous avons vu, ce sont des violations constantes et flagrantes des lois humanitaires internationales »,

a expliqué Hassan à Reuters.

 

Israël bloque l’aide « systématiquement »

Israël bloque méthodiquement les convois d’aide destinés aux hôpitaux du nord de Gaza, ou les ralentit en leur imposant des inspections tirées en longueur, prétendent les agences d’aide des Nations unies.

 

Andrea De Domenico, directeur du Bureau local des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), affirmait vendredi que

« les Israéliens ont systématiquement, ou quasi systématiquement, refusé »

le passage des camions d’aide.

Il a expliqué qu’Israël n’avait que partiellement approuvé 3 des 21 missions d’aide requises par son agence.

« En particulier, ils ont été très systématiques en ne nous permettant pas de venir en aide aux hôpitaux, ce qui atteint un niveau d’inhumanité qui dépasse toute compréhension »,

a-t-il dit.

Mais, à commencer par samedi, tous les camions d’aide seront bloqués au passage sud de Rafah et aucune aide humanitaire ne sera distribuée ou que ce soit à Gaza, a mis en garde De Domenico.

« Nous serons tout simplement dans l’impossibilité de décharger [les camions] »,

a expliqué De Domenico aux journalistes vendredi.

« Nous n’avons pas le carburant pour le chariot élévateur et nous n’avons pas celui non plus pour les camions qui distribuent l’assistance là où se trouvent les gens qui en ont besoin »,

a-t-il dit.

 

Des paramédicaux abattus

Awni Khattab, directeur du centre ambulancier de la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP), a été libéré vendredi après plus de 50 jours de détention en Israël.

L’association médicale a posté une vidéo des retrouvailles émouvantes de Khattab avec sa famille et ses collègues :

 

Khattab avait été enlevé par des soldats israéliens le 22 novembre en même temps que plusieurs de ses collègues alors qu’il transférait des patients blessés de l’hôpital al-Shifa à Gaza vers le sud de l’enclave.

Muhammad Abu Salmiya, le directeur de l’hôpital al-Shifa, n’a toujours pas été libéré de sa détention en Israël en compagnie d’environ une centaine d’autres travailleurs des soins de santé.

Cette semaine, la SCRP organisait les funérailles de quatre membres de son équipe de paramédicaux tués par une frappe aérienne israélienne, ciblée contre leur ambulance à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza.

Deux patients qui se trouvaient à l’intérieur de l’ambulance avaient été tués également.

 

Les paramédicaux

« sont devenus des martyrs alors qu’ils portaient les insignes du Croissant-Rouge, qui est censé jouir de protection, selon les lois internationales »,

a déclaré la SCRP.

« Nos collègues ont été délibérément ciblés alors qu’ils se trouvaient à l’intérieur d’une ambulance qui affichait ostensiblement les emblèmes du Croissant-Rouge. »

 

À l’intérieur de l’hôpital al-Aqsa

Le bureau des droits humains des Nations unies a déclaré mercredi qu’il était « profondément inquiet » de ce que les forces israéliennes «

ont exposé les vies humaines à des risques graves en ordonnant aux habitants de diverses parties du centre de l’enclave d’aller se réinstaller à Deir al-Balah – alors qu’elles continuent de lancer des frappes aériennes contre la ville ».

L’ONU a ajouté que, depuis le début janvier, quatre frappes séparées contre Deir al-Balah avaient tué plus de 40 Palestiniens.

« Il est clair – comme l’ONU l’a déclaré à plusieurs reprises avec insistance – qu’il n’y a pas d’endroit sûr, à Gaza. »

L’ONU a fait remarquer que des attaques aériennes et des attaques de snipers récentes contre l’hôpital des Martyrs d’al-Aqsa à Dier al-Balah – le seul hôpital fonctionnant partiellement dans la partie centrale de Gaza –

« ont amené de nombreux membres du personnel médical à prendre la décision malaisée d’évacuer l’hôpital, malgré le besoin élevé de soins médicaux résultant des frappes incessantes ».

Vendredi, l’hôpital est tombé en panne totale de courant, à la suite d’un manque de carburant, ce qui a exposé les patients, dont des bébés dans des incubateurs, à des risques extrêmes.

Martin Griffiths, le responsable humanitaire de l’ONU, a déclaré mercredi que

« le secteur de la santé à Gaza est progressivement étouffé du fait que les hôpitaux sont en permanence sous le feu ».

 

Des médecins de l’ONG caritative britannique Medical Aid for Palestinians, qui ont travaillé à l’hôpital al-Aqsa, ont déclaré cette semaine à la BBC que des centaines de patients étaient toujours traités quotidiennement à l’intérieur de l’hôpital, mais avec des effectifs médicaux de plus en plus réduits pour traiter les blessés et les infirmes.

De nombreux patients arrivent avec « des blessures horribles, traumatisantes », selon un médecin urgentiste.

L’une des médecins, l’obstétricienne Deborah Harrington, a déclaré qu’il n’y avait pour ainsi dire pas d’antidouleurs pour traiter les patients blessés.

« Je ne puis sortir cela de mon esprit – des enfants sont arrivés en vie, les bras littéralement brûlés jusqu’aux os, alors que les mains se contractaient encore. Leur visage ressemblait exactement à du charbon de bois et ils étaient pourtant vivants et ils parlaient. Et nous n’avions pas de morphine »,

a-t-elle expliqué à la BBC.

« Je ne serais pas capable d’effacer ce souvenir ni toute cette odeur des gens que l’on soigne à même le sol »,

a encore dit Harrington.

Le ministre palestinien de la santé à Gaza a annoncé vendredi que le taux d’occupation des lits « dans tous les hôpitaux dépassait les 340 pour 100 » pour les départements et les unités de soins intensifs.

 

Des journalistes tués

Israël a tué plus de 100 journaliste et travailleurs des médias à Gaza, depuis le 7 octobre.

La semaine dernière, une frappe de drone israélien a assassiné le journaliste Hamza al-Dahdouh, le fils de Wael al-Dahdouh, le chef de bureau à Gaza de l’agence Al Jazeera en langue arabe.

La femme de Wael al-Dahdouh et deux de ses enfants avaient déjà été tués lors d’une frappe aérienne israélienne en octobre, et son cameraman Samer Abu Daqqa avait été tué par une frappe de drone le mois dernier.

Un autre journaliste, Mustafa Thuraya, a été tué au cours de la même attaque qui a tué Hamza. Ils se déplaçaient ensemble en voiture afin d’aller couvrir une histoire dans le sud de Gaza.

L’armée israélienne a prétendu qu’al-Dahdouh était un agent du Djihad islamique et que Thuraya était actif au service du Hamas.

L’armée israélienne a également prétendu que les deux journalistes « voyageaient dans un véhicule en compagnie d’un agent terroriste qui faisait fonctionner un drone. »

L’armée israélienne a raconté au journal The Times of Israel que son appareil militaire

« avait identifié et frappé un terroriste qui faisait fonctionner un engin volant d’une façon qui faisait courir des risques à l’armée israélienne ».

De son côté, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a déclaré à NBC News que la frappe avait été « malencontreuse » et qu’une enquête était en cours.

La NBC a déclaré que, selon le rédacteur en chef d’Al Jazeera, Thuraya « était un opérateur de drone free-lance, qui faisait partie d’un convoi de journalistes, dont Hamza ».

Le rédacteur en chef a expliqué que les journalistes ne faisaient pas fonctionner de drone au moment de l’attaque israélienne.

Al Jazeera a condamné l’attaque contre ses journalistes, déclarant que leur assassinat confirmait une fois encore

« la nécessité de prendre immédiatement les mesures juridiques nécessaires contre les forces d’occupation afin de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’impunité ».

Le Comité de protection des journalistes a réclamé une enquête indépendante autour de ces assassinats.

Cette semaine, six organisations en faveur de la liberté de la presse et des droits humains ont adressé une lettre au président américain Joe Biden, exigeant que son administration « agisse immédiatement et de façon décisive afin de promouvoir des conditions de reportage sûres et sans restriction sur les hostilités » à Gaza.

« Il y a eu plus de journalistes tués dans les dix premières semaines des hostilités qu’il n’y en a eu en un seul pays en une année entière »,

dit la lettre en citant les statistiques établies par le Comité de protection des journalistes, l’un des coauteurs de la lettre.

Pendant ce temps, la cour suprême israélienne a rejeté un appel de nombre de publications des médias internationaux demandant qu’on leur accorde un accès indépendant à la bande de Gaza.

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Publié le 12 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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