L’armée israélienne cible les ambulances et exécute un travailleur médical à Gaza

La destruction du secteur de la santé a été une caractéristique clé de la campagne militaire israélienne à Gaza.

8 février 2024. Des morts palestiniens sont transportés à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, suite à des frappes aériennes israéliennes contre Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza.

8 février 2024. Des morts palestiniens sont transportés à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, suite à des frappes aériennes israéliennes contre Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza. (Photo : Ali Hamad / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 9 février 2024

Des soldats israéliens ont délibérément ciblé un convoi de la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP), tuant un paramédical et en blessant deux autres, a déclaré jeudi l’organisation humanitaire.

Mercredi, le convoi tentait de transférer des patients de l’hôpital al-Ahli de Gaza vers des sites situés dans le sud quand il a été attaqué. La mission avait pourtant été coordonnée avec l’armée israélienne, a déclaré l’organisation humanitaire.

Une vidéo de l’ambulance prise pour cible montre des impacts de balles dans le parebrise du véhicule :

 

Le travailleur médical du Croissant-Rouge, Mohammed al-Omari, père de trois enfants âgés de 8 à 14 ans, a été tué. Lui et le reste de l’équipe sont restés coincés pendant plus d’une heure, tout en saignant en abondance, a fait savoir le Croissant-Rouge.

L’organisation a déclaré que 12 de ses employés, Omari y compris, ont été « tués depuis le début de la guerre alors qu’ils effectuaient leur travail humanitaire ».

Le chiffre réel pourrait être plus élevé. Le sorte de deux paramédicaux du Croissant-Rouge et d’une fillette qu’ils tentaient de secourir à Gaza même, la semaine dernière, reste inconnu.

 

Loay Elbasyouni, qui a contribué à mettre au point l’hélicoptère de la NASA pour Mars après avoir débuté ses études dans les écoles de l’UNWRA à Gaza, a déclaré que ses parents étaient au nombre des patients du convoi attaqué ce mercredi.

Elbasyouni a dit que ses parents avaient survécu « par miracle », mais qu’ils étaient restés bloqués à l’hôpital al-Shifa de Gaza.


Aucun des hôpitaux de Gaza n’est resté pleinement fonctionnel

Al-Shifa était le plus grand et le plus moderne des hôpitaux de Gaza avant d’être assiégé et envahi par les soldats israéliens en novembre.

Ces dernières semaines, l’hôpital avait recommencé à assurer les services minimaux. Mais l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré jeudi que l’intensification des hostilités dans la zone avait « annulé tout progrès ».

L’agence de la santé de l’ONU a dit :

« Nous ne pouvons laisser s’effondrer une fois de plus la pierre angulaire du système de santé de Gaza. »

Aucun des 36 hôpitaux de Gaza n’est resté pleinement fonctionnel et à peine un tiers d’entre eux le sont encore en partie, selon l’OMS.

Seuls quatre des 22 établissements de santé gérés par l’UNRWA sont encore opérationnels, fait savoir l’agence qui sert les réfugiés palestiniens et qui traverse actuellement une période particulièrement difficile.

La destruction du secteur de la santé a été une caractéristique clé de la campagne militaire israélienne à Gaza.

Ghassan Abu Sitta, un chirurgien anglo-palestinien qui a travaillé à Gaza durant les premières semaines de la guerre, a déclaré que le ciblage des établissements de santé et des travailleurs médicaux visait à rendre Gaza invivable et à forcer l’expulsion de sa population.

 

L’hôpital Al-Amal en état de siège

Les forces israéliennes assiègent les hôpitaux de Khan Younis, dans le sud de Gaza, sur lequel se sont concentrées leurs opérations ces dernières semaines.

Le Croissant-Rouge a fait état de lourds tirs d’artillerie et de fusillades jeudi à proximité de l’hôpital Al-Amal, qu’il gère, à Khan Youniss. Le bâtiment de l’hôpital a été touché par des shrapnels, ce qui a mis en danger le personnel comme les patients.

L’hôpital, qui est adjacent au quartier général du Croissant-Rouge à Khan Younis est en état de siège depuis 18 jours, selon l’organisation humanitaire.

Mercredi, deux patients traités à l’hôpital ont été blessés par des soldats israéliens positionnés à l’entrée du bâtiment.

Le même jour, le Croissant-Rouge rapportait qu’un patient de 77 ans était mort à l’hôpital Al-Amal après l’épuisement des réserves d’oxygène du site.

 

La semaine dernière, Hedaya Hamad, une directrice de programme du Croissant-Rouge, a été abattue et tuée par des soldats israéliens alors qu’elle tentait de secourir des personnes déplacées qui s’étaient réfugiées à Al-Amal après s’être fait tirer dessus elles aussi par les soldats.

Deux volontaires du Croissant-Rouge ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de quitter Al-Amal, a annoncé mardi l’organisation humanitaire.

Quelque 8 000 personnes déplacées et réfugiées à Al-Amal et au quartier général du Croissant-Rouge ont été évacuées lundi, en compagnie de quelques douzaines seulement de personnes déplacées plus âgées et de 80 patients restants et en même temps qu’une centaine de personnes du personnel médical.

 

Un infirmier abattu dans la salle d’opération de l’hôpital

Le ministère palestinien de la santé à Gaza a déclaré jeudi qu’une catastrophe humanitaire se déroulait au Complexe médical Nasser à Khan Younis.

Quelque 300 membres du personnel médical, 450 patients et 10 000 personnes déplacées sont présents sur les lieux

« au beau milieu d’une grave pénurie de carburant, d’anesthésiants, de même que de soins intensifs et de fournitures chirurgicales »,

a rapporté l’OCHA, une agence de l’ONU.

Citant le ministère de la santé, l’OCHA a ajouté que

« l’armée israélienne avait empêché le mouvement des ambulances, l’élimination des déchets médicaux et non médicaux et l’arrivée des blessés et des malades à l’hôpital Nasser ».

On rapporte que, jeudi, un infirmier a été abattu et grièvement blessé alors qu’il se trouvait dans la salle d’opération de l’hôpital et, la veille, une femme aurait été abattue et tuée alors qu’elle allait chercher de l’eau dans le bâtiment, a fait savoir l’OCHA.

L’infirmier abattu dans la salle d’opération a été directement touché d’une balle à la poitrine et il est dans un état critique, selon un employé du Complexe médical Nasser.

 

Alors que l’OCHA a déclaré que la personne abattue par un sniper alors qu’elle tentait d’aller chercher de l’eau à Al-Amal était une femme, Al Jazeera l’a identifiée : il s’agit de Ruwa Qdeih, 14 ans.

Une vidéo montre des gens qui récupèrent son corps sans vie dans la rue, avec son sang qui laisse des traces partout. Ensuite, ils utilisent un système de poulies pour déplacer un conteneur d’eau d’un côté de la route vers l’autre.

 

« Il ne reste plus d’endroit pour accueillir les gens en fuite »

Après la dévastation des parties nord et centrale de Gaza, c’est Khan Younis dans le sud qui a été au centre des opérations terrestres israéliennes, dans la foulée de l’effondrement d’une trêve temporaire fin novembre.

Un officier supérieur de l’armée israélienne a déclaré jeudi que ses troupes étaient en train de ratisser les infrastructures du Hamas dans la région, car c’est là, estiment-elles, que se cache Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza.

Mercredi, Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a rejeté une proposition de cessez-le-feu avancée par le Hamas, en insistant que

« seule la victoire totale nous permettra de restaurer la sécurité en Israël, aussi bien dans le nord que dans le sud ».

La majorité de la population (2,3 millions d’habitants) de Gaza est désormais concentrée à Rafah, le long de la frontière sud avec l’Égypte. C’est également le point d’entrée de la majeure partie de l’aide – très, très limitée – qui est introduite à Gaza.

Le Conseil norvégien des réfugiés a déclaré qu’une offensive contre Rafah surpeuplé « risquerait de mettre à l’arrêt le système d’aide à Gaza ».

Angelita Caredda, une directrice régionale de l’organisation humanitaire, a expliqué que cela pouvait

« transformer Rafah en une zone de bain de sang et de destruction d’où il sera impossible aux gens de s’échapper ».

« Il ne reste plus d’endroit pour accueillir les gens en fuite »,

a-t-elle dit.

« La maladie et la famine persistent déjà parmi la population déplacée »

à Rafah, a expliqué le Conseil norvégien des réfugiés. L’hépatite A, la gastroentérite, la diarrhée, la variole, les poux et l’influenza ont été rapportés dans chacun des neuf refuges accueillant à Rafah les 27 400 personnes qui ont été évaluées par l’organisation.

 

Les missions d’aide rejetées et entravées

Le secrétaire général de l’ONU a dit mercredi qu’il était

« alarmé par les rapports disant que l’armée israélienne avait l’intention de se concentrer ensuite sur Rafah – où des centaines de milliers de Palestiniens ont été entassés dans leur quête désespérée de sécurité ».

António Guterres a ajouté qu’

« une telle action allait accroître exponentiellement ce qui constitue déjà un cauchemar humanitaire avec des conséquences régionales incalculables ».

L’administration Biden dit elle aussi qu’elle s’oppose à une incursion israélienne dans Rafah. Le porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, John Kirby, qui a défendu avec acharnement les opérations israéliennes tout au long de la guerre, a déclaré jeudi que

« ce serait un désastre pour ces personnes et nous ne soutiendrions pas la chose ».

Au moins 27 840 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre, estime le ministère de la santé à Gaza, et 67 300 ont été blessés. Des milliers d’autres restent disparus et l’on craint que la plupart ne soient morts sous les décombres ou dans les rues de Gaza.

Un nombre non défini de Palestiniens sont morts de famine et de maladie lors d’une vague secondaire de mortalité résultant de l’offensive et du siège de l’armée israélienne.

« Le risque de famine à Gaza augmente de jour en jour, particulièrement pour les centaines de milliers de gens dans le nord de Gaza qui ont été principalement privés d’assistance »,

a déclaré l’OCHA jeudi.

 

Depuis le début de l’année, seules

« sept des 28 missions d’aide humanitaire prévues pour livrer des vivres dans le nord (…) ont eu une autorisation de passage des autorités israéliennes »,

a ajouté l’ONU.

L’une de ces missions d’aide

« a été autorisée en partie, huit ont été entravées, sept ont été rejetées et cinq ont été reportées en raison de contraintes opérationnelles internes »,

explique encore l’ONU.

Mercredi, au moins 13 Palestiniens auraient été tués et d’autres blessés au moment où des gens rassemblés autour d’un camion de distribution d’eau à Gaza même se sont retrouvés sous des tirs.

Ce même jour, « il y a eu de nombreux tués » quand un groupe de personnes attendant l’arrivée des camions d’aide humanitaire à l’ouest de la ville de Gaza se sont également fait tirer dessus, rapporte l’OCHA.

« Il s’agit au moins, dit-on, du sixième incident avec des décès parmi les gens qui attendent de l’aide humanitaire à Gaza même »,

a déclaré l’agence de l’ONU.

Mardi, enfin, on rapporte que six policiers palestiniens ont été tués lorsqu’un véhicule qui gardait un camion d’aide dans l’est de Rafah et a été touché par une frappe.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 9 février 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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