Soutien de famille par temps de famine

Muhammad Abu Amira vit actuellement dans une tente. Voici moins de quinze jours, lui et sa famille ont été forcés de quitter leur maison du camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza.

 

Des familles ont été forcées une fois de plus de fuir le camp de réfugiés de Jabaliya.

Des familles ont été forcées une fois de plus de fuir le camp de réfugiés de Jabaliya. (Photo : Khaled Daoud / APA images)

 

Aseel Mousa, 20 mai 2024

C’était la deuxième fois que la famille était déplacée depuis le début de la guerre génocidaire en cours. Précédemment, elle avait déjà dû évacuer Jabaliya en décembre, au moment où le camp s’était retrouvé sous les bombardements israéliens.

En cette occasion, la famille s’était rendue dans un entrepôt utilisé par l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine.

« Nous n’avions emporté que nos cartes d’identité »,

déclare Muhammad, 28 ans.

« Nous étions dans l’impossibilité de transporter le moindre bagage ou de la nourriture. »

Ils avaient passé 25 jours dans cet entrepôt. Les conditions étaient épouvantables.

« Nous devions lutter pour trouver les nécessités vitales les plus élémentaires »,

dit Muhammad.

« Pour utiliser les toilettes, nous devions suivre de longues files et attendre notre tour. Le manque d’eau était un problème majeur. »

Après le retrait des forces israéliennes du camp de Jabaliya, Muhammad et sa famille étaient retournés chez eux. Leur maison avait été salement endommagée.

« Nous n’avions plus guère d’énergie »,

dit Muhammad.

« Notre santé mentale avait été détruite et nous n’avions ni vivres ni nourriture. Pendant longtemps, nous n’avons même pas été capables de dégager les décombres de la maison. »

Muhammad est dessinateur graphique. Son travail dépend de l’électricité et d’internet.

Depuis le début de la guerre, Israël a coupé l’électricité et a bombardé les réseaux de communication. Il est très malaisé de trouver une connexion internet.

Sous de telles conditions, Muhammad n’a pas été en mesure de travailler pendant plusieurs mois. Il a perdu sa source de revenu.

En tant que seul et unique soutien de la famille, il doit également prendre soin de ses parents et de sa sœur Nermin, 18 ans.

 

« Un cauchemar »

Il a dû utiliser ses économies pour survivre. La majeure partie de cet argent a maintenant disparu.

De vastes zones de Jabaliya ont été rasées durant les premiers mois de la guerre.

« Je ne m’attendais pas à ce que nous subissions de nouveau une invasion terrestre »,

dit Muhammad.

Pourtant, la nuit du 10 mai, Israël a lancé des missiles sur divers endroits de Jabaliya.

« C’était un cauchemar »,

dit Muhammad.

« On aurait dit que la maison allait s’effondrer sur nos têtes. Le bruit des missiles me hante toujours. »

Le lendemain matin, l’armée israélienne avait largué des tracts sur Jabaliya. C’étaient des ordres d’évacuation.

« Je ne savais pas où nous irions, cette fois »,

dit Muhammad.

« Mais je me suis arrangé pour emporter des matelas, parce que je ne voulais pas que ma famille dorme à même le sol. »

La famille s’est rendue à l’Institut al-Amal pour orphelins à Gaza même, où elle a pu occuper une tente.

Après avoir ordonné l’évacuation, les troupes israéliennes avaient de nouveau envahi le camp de Jabaliya.

« Je ne sais pas si la maison de ma famille a été bombardée ou rasée au bulldozer »,

dit Muhammad.

La famille n’est pas du tout en sécurité là où elle se trouve actuellement, car Israël a lancé des attaques à proximité. La famille doit lutter pour trouver de la nourriture, de l’eau et des médicaments.

Le Programme alimentaire mondial a déclaré que la famine battait son plein dans la partie nord de Gaza.

« Je crains d’être blessé ou tué, puisque je suis le seul soutien de ma famille »,

explique Muhammad.

« Mes parents sont âgés et ma sœur est toute jeune. »

 

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Aseel Mousa est une journaliste de Gaza.

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Publié le 20 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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