Israël aurait du être exclu de la COP29
Puisque la COP29 réunit les dirigeants mondiaux afin d’aborder la crise climatique, une question pressante s’impose à moi en tant que Palestinien : Un pays qui détruit systématiquement et l’environnement et l’existence de tout un peuple a-t-il le droit de venir s’asseoir à la table des discussions ?
Ahmed Najar, 19 novembre 2024
La mission du sommet climatique est claire : protéger la planète que nous partageons au profit des générations futures, sauvegarder ce qui est vulnérable et faire respecter les principes de durabilité et de justice. Pourtant, en tant que personne qui a grandi en assistant à la dévastation de sa patrie, je me bats pour comprendre comment un État responsable de destruction de l’environnement et de violation des droits humains peut se voir attribuer une place dans cette discussion mondiale.
Non seulement la participation d’Israël à la COP29 insulte les Palestiniens, mais elle met également à mal les valeurs mêmes que le sommet prétend faire respecter.
Pour les Palestiniens, la justice environnementale et les droits humains sont des nécessités liées à la survie, et non des idéaux lointains.
Les racines de ma famille en Palestine remontent à bien des générations. Nous sommes liés à la terre et à l’environnement d’une façon que l’on peut qualifier de sacrée.
En grandissant, j’ai entendu les récits de la lutte des gens de ma famille pour rester sur notre terre, pour y planter des arbres et pour cultiver le peu qu’ils avaient en dépit des menaces constantes de dépossession et de destruction.
Cette connexion à notre patrie est une question de survie, d’héritage et d’identité. Aujourd’hui, je pleure les êtres chers perdus lors des bombardements et les endroits qui ont contenu de précieux souvenirs aujourd’hui réduits à l’état de décombres.
Pour les Palestiniens, cette perte et cette violence incessantes sont devenues une douloureuse réalité. La politique d’Israël à Gaza, en Cisjordanie et ailleurs oblitère l’avenir des Palestiniens. Ils nous dépouillent de notre terre, nous volent nos ressources et nous privent même des conditions élémentaires d’une vie digne et sûre.
Cette réalité est en contradiction directe avec la mission de la COP29, qui est de sauvegarder l’avenir de tous les humains. Comment pouvons-nous, nous, Palestiniens, espérer d’envisager la justice climatique quand nous ne pouvons même pas avoir accès à l’eau potable, à un abri ou à l’électricité ?
Un avenir vert ?
À Gaza, les incessants bombardements ont ravi d’innombrables vies et laissé une empreinte dévastatrice sur l’environnement. La destruction des infrastructures hydrauliques, des réseaux électriques et des maisons a empoisonné la terre et l’air en provoquant une dégradation environnementale extrême.
Notre terre, déjà limitée en ressources, est forcée de porter le poids de ces attaques, qui laissent les familles dans des conditions inhabitables. Face à une telle dévastation, comment peut-on parler d’« avenir vert », alors que la terre même sous nos pieds a été brûlée par la violence ?
La plupart des infrastructures de Gaza – écoles, habitations, hôpitaux et universités – ont été détruites ou endommagées. Une telle oblitération semble destinée à rendre l’existence invivable. Au cours de la seule année écoulée, plus de bombes ont été larguées sur Gaza par kilomètre carré que dans toute autre région de l’histoire moderne, laissant de profondes cicatrices dans la terre et dans les existences des gens qui survivent.
Israël a systématiquement ciblé les puits d’eau de Gaza, laissant 97 pour 100 de cette eau impropre à la consommation et empoisonnant ainsi ce qui devrait être un droit élémentaire.
En Cisjordanie, la situation n’est pas moins grave. Israël détourne la majorité des sources d’eau vers ses colonies illégales, créant de la sorte un contraste quasiment surréaliste : des piscines verdoyantes et des espaces de verdure pour les colons alors que les communautés palestiniennes luttent pour avoir de l’eau potable et de quoi irriguer leurs cultures. Ce déséquilibre est complété par la destruction systématique de centaines de milliers d’oliviers palestiniens – des arbres qui assurent subsistance et revenu aux familles depuis de nombreuses générations.
Cette destruction calculée érode à la fois la terre et les moyens de subsistance des Palestiniens, et pourtant elle se poursuit sans aucun contrôle de la part de la communauté internationale.
Comment peut-on laisser persister une telle dévastation environnementale, combinée à une souffrance humaine aussi délibérément infligée ?
Une catastrophe environnementale
Ce vol et cette destruction systématiques des ressources ne peuvent être dissociés de la crise environnementale au sens plus large. La souffrance de Gaza n’est pas une crise humanitaire isolée, c’est une catastrophe écologique en devenir.
Quand les puits d’eau sont détruits, que le sol est empoisonné et que des quartiers entiers sont réduits à l’état de décombres, la terre elle-même devient inhospitalière. Comment le monde peut-il ignorer cela ?
Depuis trop longtemps, la communauté internationale ferme les yeux quand Israël détruit l’environnement et viole les droits humains et elle normalise ainsi la présence d’Israël sur la scène mondiale en lui permettant de faire partie des organisations internationales. Cette normalisation persiste malgré le fait qu’Israël a été classifié comme État d’apartheid par Amnesty International et d’autres encore.
La politique d’Israël crée une réalité dans laquelle la crise climatique n’est pas une menace distance pour les Palestiniens mais une réalité immédiate modelée par une occupation militaire qui rend la vie insupportable.
Il ne s’agit pas de défis environnementaux abstraits ; ce sont des tragédies personnelles qui affectent des familles – comme la mienne – de jour en jour. Ma famille, à l’instar d’innombrables autres familles, est confrontée au choix cruel de continuer à vivre dans le danger ou de se muer en réfugiés.
Privées de leurs droits les plus élémentaires, tout en subissant des bombardements, et se voyant refuser l’accès à l’eau potable, ces familles se demandent si elles seront les suivantes à fuir leurs foyers – ou, pire, à être ensevelies sous leurs décombres.
Accorder à Israël une plate-forme à la COP29 légitime des actions qui contredisent directement les valeurs que le sommet est censé faire respecter. Comment la COP29 peut-elle prétendre protéger l’avenir de notre planète alors qu’elle ferme les yeux sur la politique dévastatrice d’Israël à Gaza et en Cisjordanie, une politique qui crée une catastrophe écologique et humanitaire ?
La communauté internationale ne peut, en son âme et conscience, ignorer cette réalité. Quel message envoie-t-elle donc pour inviter les responsables de cette gravissime dévastation environnementale et humaine à des discussions sur le climat et la durabilité ?
La COP29 peut-elle, avec tous ses nobles objectifs de justice et de préservation, regarder honnêtement les Palestiniens en face et nous assurer de son engagement envers un avenir meilleur pour tout le monde – tout en invitant un État qui s’obstine activement à vouloir nous anéantir ?
La vision d’un avenir durable nous inclut-elle vraiment ? Ou les Palestiniens, une fois de plus, seront-ils laissés sur la touche, alors que le monde discute et modèle un avenir qui reste pour nous un simple espoir éclipsé par une politique destinée à oblitérer la possibilité même de notre survie ?
La COP29 devrait être un espace pour ceux qui sont engagés à protéger la planète que nous partageons, et non pour des États dont les actions sabotent activement cet objectif. Permettre à Israël de faire entendre sa voix ici affaiblit l’agenda climatique et compromet les principes de justice et d’humanité sur lesquels la COP29 devrait s’appuyer.
Pourquoi faisons-nous toujours des compromis sur nos valeurs et nos principes pour Israël ? Pourquoi les organisations internationales doivent-elles accepter les actions d’Israël, mettant ainsi en danger l’existence de valeurs que le monde a tenté de faire respecter bec et ongles ?
Nous ne devrions autoriser aucune nation à agir avec impunité.
Pour les Palestiniens, la justice et la protection de l’environnement ne sont pas des luxes mais des nécessités pour leur survie. Le monde doit prendre position – pour les humains et pour la planète.
Exclure Israël de la COP29 aurait adressé un puissant message en disant que la communauté internationale ne tolérerait pas la destruction écologique, les violations des droits humains ou la non-reconnaissance, par opportunisme politique, du droit d’un peuple à sa terre. Ç’aurait été une prise de position en faveur de tous ceux qui souffrent, de tous ceux qui espèrent et d’un monde dont tous les habitants ont droit à un avenir sûr et durable.
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Ahmed Najar est un commentateur politique palestinien. Il est également dramaturge.
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Publié le 19 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine