Israël tue 110 Palestiniens au moment où le ministre menace Gaza de « destruction totale »
Quelque 600 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis mardi, quand Israël a repris son offensive militaire totale contre le territoire.

20 mars 2025. Les corps des Palestiniens tués lors des frappes israéliennes nocturnes sont transportés à l’hôpital indonésien de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)
Maureen Clare Murphy, 20 mars 2025
Plus de 49 600 Palestiniens ont été tués lors des attaques israéliennes contre Gaza depuis octobre 2023, et environ 113 000 autres ont été blessés.
La reprise des attaques israéliennes a rompu le cessez-le-feu qui était entré en vigueur près de deux mois plus tôt, cessez-le-feu dont la première phase avait expiré un peu plus tôt en ce mois de mars.
Jeudi, au moins 110 personnes ont été tuées, d’après Al Jazeera.
Depuis mardi, plus d’un millier de personnes ont été grièvement blessées, selon le Dr Muhammad Zaqout, un responsable du ministère de la santé de Gaza.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré jeudi que 70 pour 100 des morts étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées, indiquant par-là le ciblage délibéré des civils par l’armée israélienne.
Le nombre réel de victimes est sans doute bien plus élevé, puisque les corps de nombreuses personnes sont toujours sous les décombres.
Une fillette nouveau-née de 25 jours, appelée Ella Osama Abu Daqqa, a été sauvée des décombres après un raid israélien qui a tué ses parents et son frère en même temps qu’une autre famille incluant un père et sept de ses enfants. Les grands-parents de la fillette nouveau-née ont également survécu à l’attaque contre Khan Younis, dans le sud de Gaza, a fait savoir Al Jazeera.
De nouveaux ordres de déplacement
Tout en pilonnant Gaza par air, par terre et par mer, Israël a émis de nouveaux ordres de déplacement poussant les gens du nord et de l’est de Gaza vers la côte du fait qu’il étend ses opérations terrestres dans le territoire.
Reuters a rapporté que l’armée israélienne avait largué des tracts sur les quartiers résidentiels de Beit Lahiya et de Beit Hanoun dans le nord, sur Shujaiya, un faubourg de l’est de la ville de Gaza et sur des villes situées à l’est de Khan Younis dans le sud.
L’armée israélienne a déclaré qu’elle menait des opérations « précises » dans le centre et le sud de la bande de Gaza afin d’étendre ses zones interdites le long de la frontière orientale, ainsi que dans la zone de Shaboura, à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, le long de la frontière égyptienne.
Les troupes israéliennes ont repris le contrôle d’environ la moitié du corridor de Netzarim utilisé pour contrôler le mouvement entre le nord et le sud de Gaza pendant la guerre, a rapporté The Times of Israel.
L’« avertissement final » génocidaire du ministre de la Défense
Israël Katz, le ministre israélien de la Défense, y est allé d’un « avertissement final » à la population de Gaza dans une déclaration manifeste d’intentions génocidaires.
« Les choses vont devenir bien plus difficiles et vous allez payer le prix plein », a déclaré Katz, ajoutant que « l’évacuation de la population des zones de combat va bientôt reprendre ».
« Suivez le conseil du président américain. Rendez les otages et écartez le Hamas, et d’autres choix s’ouvriront à vous, y compris la réinstallation dans d’autres endroits du monde pour ceux qui l’auront choisi », a ajouté Katz. « L’alternative, c’est la destruction totale et la dévastation totale. »
La déclaration de Katz sera sans doute ajoutée à une longue liste de déclarations à intentions génocidaires émanant des responsables israéliens depuis octobre 2023.
« Ce que vous entendez, c’est le son de l’impunité », a déclaré jeudi Craig Mokhiber, un avocat des droits humains, lors du livestream de The Electronic Intifada, alors qu’il commentait les propos tenus par Katz sur vidéo.
Mokhiber a ajouté que Katz
« commettait des crimes en public du fait que l’Occident, à commencer par les États-Unis, avait garanti l’impunité à Israël ».
« Ce ne peut être décrit que comme une déclaration nazie »,
a ajouté Mokhiber, qui, en octobre 2023, avait démissionné de son poste de responsable des droits de l’homme à l’ONU pour protester contre l’inaction de l’institution mondiale face au génocide perpétré par Israël.
En début de semaine, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait déclaré que, « dès à présent, les négociations n’auront lieu que sous le feu », faisant allusion aux discussions en vue d’assurer la libération des captifs détenus à Gaza depuis octobre 2023 et de dégager un accord qui mettrait fin pour de bon à la guerre à Gaza.
D’importants responsables israéliens restés anonymes ont dit sur Channel 12, une chaîne israélienne, que les opérations militaires à Gaza allaient s’intensifier « si le Hamas ne faisait pas preuve de flexibilité dans les négociations, et ce, dès le lendemain », d’après The Times of Israel.
Plusieurs personnalités importantes du Hamas ont été tuées depuis mardi, y compris des membres de son bureau politique qui occupaient d’importantes fonctions dans les ministères de Gaza. Jeudi, l’armée israélienne a prétendu qu’elle avait tué deux responsables de la sécurité du Hamas ainsi qu’une autre personne qui, selon ses dires, était un agent de premier plan de l’aile armée du Djihad islamique.
Jeudi, le Hamas a réitéré son engagement envers l’accord de cessez-le-feu en trois phases signé en janvier et a déclaré que les discussions avec les médiateurs avaient toujours cours.
Au cours d’une interview réalisée mardi par la chaîne de diffusion du Golfe Alaraby, le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri, a accusé Israël de tenter d’imposer un accord de reddition au peuple palestinien.
Abu Zuhri a expliqué que Washington et Tel-Aviv tentaient de modifier les termes de l’accord de cessez-le-feu qu’Israël avait signé et que les EU avaient garanti. Cet accord incluait une possibilité de mettre fin à la guerre une fois pour toutes et d’assurer l’afflux de l’aide humanitaire vers Gaza.
Cette fois, selon Abu Zuhri, les EU et Israël veulent modifier l’accord de sorte qu’il n’implique que l’échange des prisonniers sans le moindre terme concernant l’aide ou la fin de la guerre.
Malgré cela, a déclaré Abu Zuhri, le Hamas a accepté de relâcher les otages à double nationalité américaine et israélienne en échange d’une garantie qu’Israël allait entamer les négociations vers la phase deux de l’accord original et appliquer les protocoles humanitaires requérant l’entrée de l’aide à Gaza.
Israël a refusé ces termes, selon Abu Zuhri.
Les EU et Israël ont essayé désormais d’imposer leurs propres termes en versant le sang des Palestiniens, a déclaré Abu Zuhri, en insistant sur le fait qu’ils n’arriveraient pas encore cette fois à briser la volonté du peuple palestinien et de sa Résistance, alors qu’ils n’y étaient déjà pas parvenus au cours des 15 mois de génocide qui avaient précédé le cessez-le-feu.
Pressions militaires
Le président américain Donald Trump a menacé à plusieurs reprises d’ouvrir les « portes de l’enfer » si le Hamas ne libérait pas tous les captifs détenus à Gaza, en dépit du cadre déjà en place en vue de garantir leur liberté.
Au cours d’une réunion du Conseil de sécurité, jeudi, Khaled Khiari, un haut responsable de l’ONU, a déclaré que les pressions militaires ne feraient que retarder le retour des 24 captifs qui, croit-on, sont toujours vivants à Gaza – un point de vue également partagé par un grand nombre de membres de l’establishment sécuritaire israélien.
Quant à savoir si Israël a la capacité de supporter une opération militaire prolongée, la question est ouverte, vu l’épuisement de son armée et de son public après les vastes et coûteuses campagnes tant à Gaza qu’au Liban.
À peine 60 pour 100 des réservistes se présentent pour servir, selon les rapports des médias israéliens.
L’absence de confiance dans le gouvernement et le peu d’enthousiasme à se battre dans une guerre sans buts stratégiques clairs ont porté un coup au moral.
Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Tel-Aviv et de Jérusalem depuis mardi afin de protester contre les démarches de Netanyahou en vue de consolider son contrôle sur les appareils de l’État après qu’il a annoncé dimanche son intention de virer le chef des renseignements, Ronen Bar.
Dans des remarques rapportées cette semaine par nombre de publications israéliennes, Aharon Barak – l’ancien président de la haute cour d’Israël – a mis en garde contre « la faille sévère entre les Israéliens et eux-mêmes ».
Barak a expliqué au média israélien Ynet que
« cette faille se détériore et, à la fin, je le crains, elle sera comme un train qui sort des rails et qui plonge dans un abîme, provoquant ainsi une guerre civile ».
Cette semaine, comme si elle entendait illustrer les craintes de Barak, l’armée israélienne a destitué deux officiers de réserve après qu’ils avaient publiquement déclaré qu’ils ne retourneraient pas se battre à Gaza.
« La chose qui aidera le plus dès maintenant à protéger mon peuple est de refuser de prendre part aux combats au service de sales traîtres, en opposition complète aux intérêts du peuple d’Israël »,
avait déclaré l’un des officiers, qui servait dans les renseignements militaires.
Barak représentait Israël lors des procédures initiales de la Cour internationale de Justice dans la plainte pour génocide introduite par l’Afrique du Sud contre Israël.
En janvier 2024, la cour avait ordonné « des mesures immédiates et effectives » afin de protéger les Palestiniens de Gaza du risque de génocide en assurant l’accès de l’aide humanitaire et des services de base.
Israël ne s’est pas plié aux ordres juridiquement contraignants de la cour, qui tiendra des audiences en avril à propos des obligations humanitaires d’Israël envers les Palestiniens après que l’Assemblée générale a adopté une résolution requérant un avis consultatif sur le sujet.
Des travailleurs de l’ONU tués
Israël a ordonné la fermeture des passages vers Gaza le 2 mars, empêchant ainsi l’entrée de l’aide humanitaire, des marchandises médicales et commerciales et resserrant l’étau sur la population civile du territoire.
Les hôpitaux manquent de médicaments, d’équipements médicaux essentiels, d’oxygène et d’autres fournitures, selon le Dr Muhammad Zaqout, du ministère de la santé. Les installations manquent également de l’énergie solaire nécessaire pour faire marcher les générateurs – une nécessité après qu’Israël a fermé la fourniture d’électricité à Gaza en octobre 2023.
Le Dr Zaqout a ajouté que les patients avaient un besoin urgent d’être renvoyés en dehors de Gaza et que les hôpitaux du territoire avaient besoin du soutien de personnel médical de l’extérieur du territoire afin de pouvoir gérer la crise.
Al Mezan, une organisation des droits humains cantonnée à Gaza, a déclaré que de nombreux blessés étaient « transportés vers les hôpitaux dans des charrettes à traction animale », en raison des pénuries de carburant résultant de la fermeture par Israël des passages, immobilisant de la sorte des flottes entière d’ambulances.

20 mars 2025. Des Palestiniens fuient leurs maisons à Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, après que l’armée israélienne a ordonné le déplacement dans plusieurs zones de la bande à la suite des bombardements lourds. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)
Cinq employés de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, faisaient partie des personnes tuées depuis mardi, selon le directeur de l’agence, Philippe Lazzarini.
« C’étaient des enseignants, des médecins et des infirmiers au service des personnes les plus vulnérables »,
a déclaré Lazzarini sur X.
Lazzarini a ajouté que 284 travailleurs de l’UNRWA avaient été tués à Gaza, depuis octobre 2023.
Mercredi, Marin Valev Marinov, un ressortissant bulgare travaillant pour l’ONU, a été tué à Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza, lors d’une frappe contre une maison d’hôtes destinée à l’UNOPS, le Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets.
Cinq autres personnes ont été blessées et « deux des blessés ont dû subir l’amputation de leurs membres inférieurs », selon Al Mezan, qui citait des sources médicales.
Jorge Moreira da Silva, le responsable de l’UNOPS, a expliqué aux journalistes que la déflagration meurtrière n’avait rien à voir avec l’enlèvement de munitions non explosées.
« Ce n’était pas un accident, c’était un incident », a ajouté Moreira, faisant remarquer que « ces lieux étaient bien connus » de l’armée israélienne et que « tout le monde savait qui travaillait à l’intérieur des locaux » – il s’agissait d’employés de l’ONU, d’employés de l’UNOPS.
Israël a rejeté toute responsabilité dans la frappe meurtrière contre le bâtiment de l’ONU. Mais Al Mezan a déclaré que « les forces israéliennes avaient lancé au moins un missile » dessus.
Al Mezan a ajouté que le ciblage des travailleurs humanitaires et le blocage de l’aide aux passages
« constituent un effort délibéré en vue de saper les opérations de secours, d’infliger de graves dommages aux civils et de rendre insupportables les conditions de vie de la population – le tout sous l’œil attentif de la communauté internationale ».
Les forces israéliennes ont ciblé
« des civils palestiniens dans tout Gaza, se sont livrées à des tueries massives en bombardant délibérément des immeubles, des tentes et des abris densément peuplés »,
toujours selon Al Mezan.
Israël recourt également à l’affamement comme arme de guerre, a ajouté l’organisation de défense des droits, ce qui se traduit par
« de sévères pénuries de nourriture et de fournitures essentielles, lesquelles ont encore intensifié la catastrophe humanitaire à Gaza ».
Au Yémen
Entre-temps, les vols en partance du principal aéroport d’Israël ont été consignés au sol à deux reprises jeudi, alors que les sirènes retentissaient également dans la zone de Jérusalem et en Cisjordanie occupée, après que des roquettes avaient été tirées vers Tel-Aviv depuis Gaza et le Yémen, mais sans causer de victimes ou de dégâts, a-t-on rapporté.
Les médias israéliens ont fait savoir qu’Ansarullah, le mouvement qui gouverne le Yémen, a lancé deux missiles balistiques sur le pays jeudi et que le premier avait envoyé à 4 heures du matin des millions de personnes dans les abris anti-bombes.
Le Hamas a déclaré que, jeudi, il avait tiré un barrage de roquettes en direction de Tel-Aviv, lesquelles, à l’instar des missiles lancés depuis le Yémen, ont été prétendument interceptées par l’armée israélienne.
Mercredi, Trump a juré qu’Ansarullah « serait complètement anéanti » et il a mis en garde l’Iran contre l’envoi à l’organisation yéménite de fournitures supplémentaires.
Mercredi soir, des frappes américaines ont touché la capitale yéménite Sanaa et le nord-ouest de Saada après qu’une campagne aérienne a tué plus de 50 personnes au cours du week-end, dont des enfants, a rapporté AP.
Le président américain Barack Obama était entré brutalement en guerre contre Ansarullah en 2015, en compagnie de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, provoquant ainsi l’un des pires désastres humanitaires – toujours en cours – de la planète.
Des années de bombardements soutenus par les EU ne sont pas venus à bout d’Ansarullah qui, en fait, n’a cessé depuis de croître en puissance et en capacités.
Dimanche, le chef du mouvement, Abdul Malik al-Houthi, a juré que les attaques américaines ne dissuaderaient pas le Yémen de soutenir les Palestiniens à Gaza.
Il a invité instamment les Yéménites à manifester le lendemain afin de montrer leur soutien à la position du pays, un appel auquel des millions de personnes ont répondu.
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Ali Abunimah a contribué à la réalisation de cet article.
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Publié le 20 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine