Les stocks de vivres de Gaza sont épuisés

Plus de 60 jours de siège complet ont été imposés à la bande de Gaza depuis le 2 mars, date à laquelle Israël a fermé les passages et bloqué toute entrée de vivres, carburant, médicaments, équipements médicaux et autres produits essentiels.

 

Plus de 60 jours de siège complet ont été imposés à la bande de Gaza depuis le 2 mars, date à laquelle Israël a fermé les passages et bloqué toute entrée de vivres, carburant, médicaments, équipements médicaux et autres produits essentiels. Photo : Le ministère de la Santé de Gaza met en garde : Actuellement, au moins 60 000 enfants présentent des symptômes de malnutrition.

Le ministère de la Santé de Gaza met en garde : Actuellement, au moins 60 000 enfants présentent des symptômes de malnutrition. (Photo : Omar Ashtawy / APA Images)

 

Nora Barrows-Friedman, 2 mai 2025

Le texte qui suit est un condensé des informations communiquées lors du livestream du 1er mai. Vous pouvez voir l’émission au complet ici.

Bombardements et frappes aériennes se sont poursuivis sans relâche, tuant quotidiennement des dizaines de Palestiniens.

Depuis qu’Israël a rompu le cessez-le-feu et repris ses incessants massacres le 18 mars, plus de 2 300 Palestiniens ont été tués et près de 6 000 blessés, estime le ministère palestinien de la Santé à Gaza.

Le nombre officiel de victimes depuis octobre 2023 est de 52 000, fait savoir le ministère, mais il y en a des milliers d’autres qui sont toujours ensevelis sous les décombres et qui ne sont pas repris dans les chiffres officiels.

Hani Mahmoud, d’Al Jazeera, a rapporté que, mercredi 30 avril, des explosions massives avaient secoué les parties centrale et septentrionale de la bande de Gaza. Au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de l’enclave, trois attaques nocturnes séparées ont frappé des immeubles résidentiels alors que des personnes se trouvaient à l’intérieur.

« Les survivants ont décrit l’attaque comme un tremblement de terre qui aurait démantelé tout le bâtiment »,

a déclaré Mahmoud.

« Dans l’un des bâtiments, il y a eu huit tués en une seule attaque. Les secouristes en cherchent encore d’autres. On s’attend à ce que le nombre de tués augmente, car d’autres membres de la famille sont toujours à la recherche de leurs proches. »

Les attaques israéliennes se sont intensifiées dans le nord de Gaza, ainsi qu’à al-Mawasi et dans d’autres zones situées au sud-ouest de Khan Younis, où des familles palestiniennes déplacées se sont abritées dans des campements et bâtiments de fortune.

Le bureau des droits humains des Nations unies a déclaré qu’entre le 18 mars et le 27 avril, il y avait eu 259 attaques israéliennes contre des immeubles résidentiels et 99 autres contre des tentes de personnes déplacées.

« La plupart de ces attaques ont fait des victimes, dont des femmes et des enfants »,

a déclaré l’ONU. Parmi les frappes qui visaient des tentes,

« 40 ont eu lieu à al-Mawasi (…) où, à maintes reprises, l’armée israélienne a ordonné aux civils d’aller chercher refuge ».

Lundi 28 avril, une attaque de drone israélien a tué neuf personnes, dont cinq enfants, à Gaza même.

Le Dr Munir al-Bursh, directeur du ministère de la Santé à Gaza, a déclaré que, le même jour, une femme enceinte avait été touchée à la tête par un drone israélien.

Il a ajouté que les équipes médicales de l’hôpital al-Shifa à Gaza avaient pu délivrer l’enfant via une opération, mais que la mère restait dans un état critique.

 

Les équipes médicales de l'hôpital al-Shifa à Gaza avaient pu délivrer l'enfant via une opération, mais que la mère restait dans un état critique.

 

Le 24 avril, des journalistes palestiniens ont réalisé une vidéo à propos d’un petit garçon, plus tard identifié comme Ali Faraj, 6 ans, qui avait survécu au bombardement de la maison de sa famille à Gaza.

En raison de l’impact élevé de la bombe, Ali avait été projeté sur un toit voisin, en même temps que son père et l’une de ses sœurs.

Ali avait appelé à l’aide tout près des cadavres de son père et de sa sœur. Cette dernière, âgée de cinq ans et vêtue d’une robe rose, avait été coupée en deux.

L’agence de presse Anadolu a rapporté que la mère d’Ali le cherchait frénétiquement sous les décombres de leur maison détruite et qu’elle ne savait pas qu’il avait atterri sur le toit de la maison d’à côté.

 

 

Son mari et leurs filles Zeina, Leen, Razan, Suaad et Jouri, âgées de 2 à 14ans, avaient tous péri dans l’attaque.

Un journaliste de l’agence d’information a rendu visite à Ali Faraj à l’hôpital spécialisé du Koweït à Gaza, où il était traité pour une grave blessure à l’abdomen.

« Les murs se sont écroulés et je suis tombé. Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’étais avec mon papa (…) puis il y a eu une énorme explosion »,

a déclaré l’enfant.

 

Les vivres pourraient s’épuiser « en quelques jours »

Les Palestiniens à Gaza ont enduré une nouvelle semaine de politique de famine orchestrée par Israël et les infrastructures se sont totalement effondrées, au moment où plus de 90 pour 100 des habitants de l’enclave restent déplacés de force.

Des tempêtes de sable ont soufflé le 30 avril, aggravant la situation déjà pénible des Palestiniens déplacés.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré le 27 avril que tous ses stocks de vivres étaient épuisés, provoquant ainsi la fermeture de toutes les boulangeries qu’il soutenait et coupant l’accès à du pain de quelque 800 000 personnes.

« Les colis de vivres sont complètement épuisés et les dernières marchandises encore disponibles ont été distribuées aux cuisines communautaires qui préparent des repas chauds et dont on s’attend à ce qu’elles tombent à court d’ici quelques jours »,

a déclaré le PAM.

Les Nations unies déclarent que leurs partenaires, dont le PAM,

« ont pré-installé plus de 171 000 tonnes métriques de vivres dans la région, prêtes à être délivrées dès que les restrictions sur l’entrée des marchandises imposées par les autorités israéliennes seront levées. Cette quantité est suffisante pour nourrir toute la population d’environ 2,1 millions de personnes pendant trois ou quatre mois ».

« Les stratégies d’adaptation des gens ont atteint leur extrême limite »,

ajoute l’ONU.

« Les déplacements très répandus ont forcé bien des gens à abandonner les fournitures de vivres et les stocks de secours constitués durant le cessez-le-feu. »

Amjad Shawa, le directeur du Réseau des ONG palestiniennes à Gaza, a expliqué à l’agence de presse Reuters que les 70 ou 80 cuisines communautaires fonctionnant toujours à Gaza n’en avaient plus que pour quelques jours avant d’être sans doute forcées de fermer.

Quinze d’entre elles ont déjà fermé plus tôt cette semaine, a-t-il ajouté.

Le ministère de la Santé à Gaza a déclaré qu’au moins 60 000 enfants présentaient désormais des symptômes de malnutrition.

Juliette Touma, la porte-parole de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, a déclaré cette semaine que

« le siège de Gaza est un tueur silencieux d’enfants, de personnes âgées. Des familles – des familles entières, de sept ou huit personnes – sont obligées de partager une seule boîte de haricots ou de pois. »

« Imaginez que vous n’avez rien pour nourrir vos enfants. Les enfants de Gaza vont au lit en mourant de faim »,

a mis en garde Juliette Touma.

Outre la catastrophe des vivres, des médicaments et de l’eau, la situation du carburant se détériore elle aussi rapidement.

Les Nations unies ont déclaré cette semaine qu’

« avec le quasi-épuisement du benzène accessible et les réserves de diesel extrêmement faibles, le carburant restant allait prioritairement aux services de santé, d’assainissement des eaux et de télécommunications afin de soutenir les opérations susceptibles de sauver des vies ».

« Les partenaires humanitaires ont tenté à maintes reprises de récupérer du carburant dans des zones actuellement inaccessibles – soit parce qu’elles sont soumises à des ordonnances de déplacement immédiat, soit parce qu’elles sont situées dans des zones ‘interdites’ qui requièrent la coordination des humanitaires avec les autorités israéliennes »,

a déclaré le bureau humanitaire de l’ONU.

« Cependant, les efforts en vue d’accéder à ses zones sont généralement repoussés. »

Le Corps de la défense civile de Gaza a prévenu le 28 avril qu’en raison de la pénurie de carburant, huit de ses douze véhicules d’intervention, dont les camions de pompiers et d’ambulance, n’étaient pas en mesure d’opérer.

Cette semaine, la municipalité de Gaza a fait savoir qu’elle avait été forcée de déverser des déchets au milieu de la ville de Gaza parce que, depuis 18 mois, les forces israéliennes empêchaient les équipes d’éboueurs d’accéder à la décharge principale, à l’est de la ville.

Quelque 260 000 tonnes de déchets ont été accumulées dans des décharges et dans les rues de la ville, provoquant ainsi un désastre pour la santé et pour l’environnement, a déclaré la municipalité.

 

Des paramédicaux ont été libérés des prisons israéliennes

Dix détenus palestiniens ont été libérés des prisons israéliennes cette semaine et sont rentrés à Gaza. Tareq Abu Azzoum, d’Al Jazeera, a déclaré le 29 avril que les prisonniers étaient dans un état physique et psychologique désespéré.

Parmi les détenus libérés figurait Assad al-Nassasra, le seul survivant de l’embuscade et de l’attaque de l’armée israélienne contre un groupe de paramédicaux et de chauffeurs d’ambulance en mars dernier.

 

 

Comme nous l’avions rapporté à l’époque, 14 secouristes et un employé de l’ONU avaient été exécutés sommairement par des soldats israéliens et leurs corps avaient été largués dans une fosse commune. On avait également retrouvé les ambulances ensevelies sous terre.

Al-Nassasra a passé 37 jours en détention en Israël et il doit encore parler en public de son expérience en tant que témoin et seul survivant du massacre.

 

Des soldats israéliens abattent et tuent un enfant palestinien près de Naplouse

Le 25 avril, à Salem, une ville du nord de la Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont abattu et tué un adolescent palestinien de 16 ans.

Selon Defense for Children International – Palestine (DCI-P), Abdulkhaleq Mosab Jabour a été touché à la poitrine par les soldats alors qu’il fermait la boutique où il travaillait et ce, au moment précis où les forces israéliennes se lançaient dans une incursion militaire, vers 15 h 30.

« Les forces israéliennes ciblent sans cesse des enfants palestiniens, de Naplouse à Jérusalem et à Gaza sans un moment de répit »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P.

« Abdulkhaleq ne constituait manifestement pas une menace pour les soldats israéliens. N’empêche qu’ils l’ont abattu mortellement et, comme d’habitude, personne ne sera tenu responsable d’avoir tué un enfant palestinien de sang froid. Combien de cadavres d’enfants palestiniens faudra-t-il avant que le monde applique des sanctions contre Israël et le force à rendre des comptes ? »

En 2025, les forces israéliennes ont tué 24 enfants palestiniens en Cisjordanie occupée, a déclaré l’organisation de défense des droits des enfants.

L’activiste et journaliste Basel Adra a filmé des bulldozers israéliens en train de démolir des maisons et des puits d’eau à Masafer Yatta, près de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie.

Des sources locales affirment que ces démolitions font partie d’une série d’attaques allant en s’intensifiant contre les villages des environs de Masafer Yatta et menées par l’armée israélienne et sa piétaille que sont les colons.

Les colons ont régulièrement vandalisé et détruit des maisons et des terres, dans cette zone, et ils s’emploient à multiplier des avant-postes de colonies illégales.

Entre-temps, le 30 avril, des colons israéliens ont bouté le feu à des terres agricoles palestiniennes et ont poignardé un Palestinien dans la ville de Duma, près de Naplouse.

L’attaque a eu lieu au moment où des feux énormes se sont rapidement répandus dans les Collines de Jérusalem, atteignant les bases des forces d’occupation et incitant Israël à réclamer de l’assistance au niveau international, a rapporté l’agence d’information Wafa.

À Jénine, le 29 avril, à 5 h du matin, les forces israéliennes ont perquisitionné et saccagé la demeure familiale du journaliste vétéran Ali Samoudi. Elles l’ont ensuite interrogé et ont procédé à son arrestation.

L’armée israélienne a déclaré qu’en raison de la détérioration de sa santé, Samoudi avait été transféré vers un hôpital.

La famille de Samoudi a déclaré que les autorités israéliennes ne leur avaient pas donné le nom de l’hôpital où il allait être traité ni d’autres détails non plus, mais qu’on s’attendait à ce qu’il soit déféré devant un tribunal militaire dans le courant de la semaine prochaine.

Samoudi, qui fait des reportages à Jénine depuis des dizaines d’années et qui a contribué à nombre de médias locaux et internationaux, travaillait aux côtés de Shireen Abu Akleh, la correspondante d’Al Jazeera, au moment où elle avait été assassinée par un sniper israélien voici près de trois ans.

Samoudi avait reçu une balle dans l’épaule, lors de cette attaque contre des journalistes.

 

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Publié le 2 mai 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction :  Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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